LE MARDI, C’EST PERMIS (accès libre)
Bye bye, Baselworld ! Salut à toi, Genève métropole horlogère !
Un peu retardée depuis ce matin pour cause d’annonce imminente concernant Baselworld et le Baselcrash, cette chronique nous prouve que, même confinée, l’horlogerie est une marmite de potion magique qui peut redonner des forces à toute une communauté. La bonne nouvelle du jour : Baselworld est mort, vive Baselworld – ou plutôt vive le nouveau ex-Baselworld à Genève ! Il ne fallait donc pas « sauver à tout prix le soldat Baselworld »…
L’AGENDA SECRET
DE ROLEX ÉTAIT
BIEN REMPLI (éditorial)
Comment aurait-il en être autrement après l’avertissement comminatoire de Rolex – qui a joué au billard à plusieurs bandes avec le comité des exposants – à la direction de Baselworld ? La semaine dernière, nous parlions de Baselcrash ! Ça sentait le sapin du côté de la MessePlatz. En analysant les conséquences de cette lettre d’une violence inusitée dans le village horloger, Business Montres (8 avril) se posait la question d’un « agenda caché » pour Rolex qui n'a « certainement pas procédé pour des prunes à une crucifixion médiatique aussi spectaculaire de la direction de Baselworld (Business Montres du 7 avril). Impossible pour l'instant de savoir quel est le but caché de cette stratégie, mais l'hypothèse d'une refondation genevoise tient la route, surtout pour un club relativement fermé de grandes marques [disons celles du Top 50 de l'horlogerie : à peu près celles qui font plus de 50-70 millions de chiffre d'affaires annuel], soit un super-SIHH. Les petits joueurs sont priés de changer de terrain de jeu, de même que les professionnels de la joaillerie et les fournisseurs de l'horlogerie »…
La nouvelle n’a pas tardé à transpirer : le groupe Rolex, Patek Philippe, Chopard et Chanel, qui étaient les piliers « indépendants » de Baselworld, ont décidé de transporter leurs valises à Genève, début avril 2021, parallèlement à l’ex-SIHH (Watches & Wonders) et en accord avec la Fondation de la haute horlogerie, en se promettant d’accueillir un certain nombre d’autres marques dignes de leur rang (communiqué officiel de toutes les parties à télécharger ICI). Plusieurs constatations à chaud après cette annonce, sur laquelle nous reviendrons ces jours-ci :
❑❑ Baselworld, c’est fini : on ne voit pas comment le salon prévu en janvier 2021 pourrait se tenir, ni avec quelle marque. Le dernier clou vient d’être planté sur le cercueil de Baselworld. Comme ces dates de janvier n’arrangeaient pas les professionnels de la joaillerie, il ne faudra pas compter sur eux pour une opération de sauvetage. Quel désastre pour ce qui était le salon de référence internationale de toute une profession : l’arrogance et l’incompétence de l’ancienne direction (René Kamm) auront eu raison d’une grande idée.
❑❑ Bâle n’a plus que ses yeux pour pleurer : on a tué la poule aux œufs d’or ! Les Bâlois ont trop tiré sur la corde, qu’ils soient hôteliers, restaurateurs, hébergeurs ou prestataires. Il leur reste maintenant à payer la facture de leurs excès passés : leurs impôts serviront à renflouer les caisses du groupe MCH, dont les pouvoirs publics locaux sont actionnaires…
❑❑ Michel Loris-Melikoff n’y est pour rien : ne tirez pas sur le pianiste – il peut encore servir ! Le nouveau directeur de Baselworld aura été loyal jusqu’au bout à ses actionnaires, dont la rapacité et l’aveuglement auront mené Baselworld droit dans le mur, en klaxonnant avec toute la force de leur suffisance autistique. Ce Michel Loris-Melikoff est aujourd’hui la meilleure affaire qu’on puisse trouver sur le marché de l’organisation d’un grand salon horloger : qu’attendent les conjurés genevois de l’ex-Baselworld pour le recruter ?
❑❑ Le nouveau salon reste encore un peu flou : il s’agit, nous dit-on, « d’offrir la meilleure plateforme professionnelle possible aux marques partenaires, d’appliquer une vision commune pour mener à bien les défis futurs de l’industrie horlogère ainsi que d’apporter un éclairage indispensable sur le savoir-faire et les innovations de la branche, en Suisse et à l’international ». Magnifique « langue de boîte », qui situe néanmoins les enjeux : il s’agit bien d’une plateforme professionnelle de démonstration horlogère [c’est une rupture avec les rêveries de salon grand public largement numérisé et de co-participation des amateurs] à vocation médiatique…
❑❑ Rolex aura donné le dernier coup mortel : il fallait que la marque à la couronne en ait « gros sur la patate » pour procéder à une mise à mort aussi expéditive de Baselworld par Hubert J. Jochaud du Plessix interposé (cet excellent « matador » par ailleurs « amateur de libellules » : Business Montres du 7 avril) ! C’est bien le groupe MCH qui a été sanctionné par une marque qui était une des plus anciens exposants du salon bâlois (1939 !), ceci en raison d’un « soutien indéfectible à l’industrie horlogère suisse depuis toujours [qui] s’est imposé naturellement » …
❑❑ La question du remboursement se pose toujours : pour le dire en termes crus, les exposants qui voulaient se faire rembourser leurs avances, peuvent maintenant… se brosser ! On ne voit pas le groupe MCH faire autrement que s’en tenir aux termes léonins de son contrat de base. Ce qui libère un immense espace judiciaire pour celles des marques qui seraient tentées par une class action en vue d’un remboursement substantiel…
❑❑ Pour l’ex-SIHH, ce n’est pas gagné : le nouveau Watches & Wonders, dont les conjurés genevois ont récupéré les dates ainsi que l’emplacement (Palexpo), sera donc un salon adjacent (« conjoint »), même si Jérôme Lambert, le CEO du groupe Richemont, qui s’exprime au nom du Conseil de fondation de la FHH (Fondation de la haute horlogerie) nous précise qu’il sera « associé ». La nuance est subtile, mais elle n’aura pas échappé aux initiés. En quoi les indépendants auront-ils besoin de participer à l’ex-SIHH alors qu’un salon plus ouvert et moins coûteux se tiendra dans le voisinage immédiat ? Même question pour d’autres marques exposantes de l’ex-SIHH (hors Richemont). Si W&W ne repense pas radicalement son offre, rien n’est gagné pour 2021, ni 2022…
❑❑ La disparue du jour : que devient Fabienne Lupo, évacuée du communiqué officiel alors qu’elle est la directrice théorique de Watches & Wonders et la patronne théorique de la Fondation de la haute horlogerie ? Déjà oubliée, recasée dans une vague structure européenne du groupe Richemont ou appelée à développer un urgent projet personnel de développement ? Elle ne nous en voudra pas de poser la question à propos de ce qui ressemble à un putsch interne…
❑❑ Les autres marques doivent se dépêcher : celles qui voudraient bien se greffer sur le nouveau projet genevois n’ont plus guère le choix ! Soit elles tentent d’amadouer le comité des exposants du nouveau salon. Soit elles mettent en place, en marge des deux salons officiels, des initiatives off qui ne seront pas forcément bien vues par les autorités de Genève. On attend ainsi la décision de nombreux créateurs indépendants, mais aussi celle de grandes puissances comme Breitling, des marques de Kering (toujours partants pour W&W ou tentées par le nouveau salon), des marques de LVMH (la décision sera prise incessamment au niveau de la division), de certaines marques du Swatch Group et des marques de taille moyenne qui ne relèvent pas forcément du « périmètre » de respectabilité des conjurés genevois…
❑❑ Le rendez-vous de Dubaï s’impose : en janvier 2021, sauf risque pandémique majeur et hors cas fatal de blocage des transports aériens, la bonne affaire sera faite par les exposants LVMH [voire plus si affinités : Kering, par exemple ?] pendant une nouvelle version des LVMH Watch Days. Il sera toujours temps de revenir ensuite à Genève présenter d’autres nouveautés à Palexpo…
La nouvelle aventure genevoise ne fait que commencer et elle s’annonce passionnante à suivre : cette reconfiguration du principal salon horloger est peut-être même la meilleure nouvelle de ce confinement forcé de l’industrie des montres. La partie est relancée pour la légitimité des salons horlogers new look, voire pour leur utilité. Elle met en scène de nouveaux acteurs, avec de nouvelles perspectives de travail. Ainsi, comme nous le pressentions, il ne fallait donc pas « sauver à tout prix le soldat Baselworld » (le dessin ci-dessous a été publié le 11 avril dernier dans notre séquence Sérieux, s'abstenir). Le monde d’avant, c’était avant. Le monde d’après se dessine peu à peu. On vous laisse réfléchir là-dessus…
EN VRAC, EN BREF
ET EN TOUTE LIBERTÉ,
LES BONNES QUESTIONS DU JOUR
❑❑❑❑ QUELLE BANDE-SON ? En hommage à tous ceux qui savent aujourd’hui mieux que tout le monde que la crise horlogère – qu’ils niaient hier – n’est plus conjoncturelle, mais structurelle, voire existentielle, mais aussi pour tous ceux qui clament à présent – alors qu’ils ne voulaient pas l’admettre hier – que « plus rien ne sera comme avant », un titre fort de Jacques Dutronc de 1969, L’opportuniste. À la version « historique » plus authentique (ci-dessous), on peut préférer la version Casino de Paris de 1992, plus forte musicalement Les paroles ne sont-elles pas délicieusement vraies : « Non jamais je ne conteste /Ni revendique ni ne proteste / Je ne sais faire qu'un seul geste /Celui de retourner ma veste / Toujours du bon côté / Je l'ai tellement retournée / Qu'elle craque de tout côté / A la prochaine révolution / Je retourne mon pantalon ». Vous découvrirez, à la prochaine rentrée de septembre, à quel point le vestiaire horloger a été bouleversé par la chronapocalypse… Rappelons que Business Montres a décidé de créer une play-list optimiste et nostalgique pour aider tout le monde à se déconfiner mentalement…
❑❑❑❑ LE BLOG DU JOUR ? Ces jours-ci, on ne doit pas passer à côté de l’excellent travail éditorial en confinement de Montres-de-luxe (Jean-Philippe Tarot) : angles originaux pour les articles, écriture souple et fluide, point de vue éditorial non dénué d’originalité et même vraies découvertes dans le fouillis de l’actualité (le T-shirt horloger de l’été, le bracelet mesh des astronautes de la Nasa, etc.)…
❑❑❑❑ UN GESTE UTILE ? Avez-vous pensé à « liker » ou à signaler à votre communauté notre vidéo sur la fausse reprise et le « rebond » purement théorique de l’horlogerie suisse ? Pensez aussi à vous abonner te à faire s’abonner vos proches ! 0 % publicité, 100 % liberté : il revient à nos lecteurs de nous soutenir en favorisant la diffusion de nos interventions, qu’elles soient éditoriales (comme cette page du Quotidien des montres) ou audiovisuelles comme la vidéo ci-dessous…
❑❑❑❑ LE JEU-TEST DU JOUR ? Les bonnes réponses à précédent quiz de confinement (Business Montres du 13 avril) étaient : Tudor-B ; Blancpain-E ; Brucelles-H. Voici maintenant trois nouvelles questions tirées d’un de nos précédents « Tour des montres en 80 tests ». Rendez-vous dans notre prochain numéro (mercredi) pour les bonnes réponses d’aujourd’hui !
❑ Réalisée par la manufacture Franck Muller, la montre Aeternitas Mega 4 est la plus compliquée du monde avec… A) 29 complications, dont 21 affichées ? B) 36 complications, dont 25 affichées ? C) 41 complications, dont 32 affichées ?
❑ Les écrivains Cervantès (Espagne) et Shakespeare (Royaume-Uni) sont morts le même jour (23 avril 1616), mais à dix jours de distance parce que… D) L’un catholique, l’autre protestant : ils ne fêtaient pas Pâques à la même date ? E) L’un catholique utilisait le calendrier grégorien, l’autre protestant le calendrier julien ? F) Le premier avait 68 ans, le second 52 ans, mais le calendrier ne comptait alors les années bissextiles ?
❑ Mise au point en 1953 et considérée comme la première « montre de plongée » moderne, la Fifty Fathoms de Blancpain était destinée… G) aux nageurs de combat de l’armée française ? H) aux plongeurs italiens de la Xe Flottiglia MAS ? I) aux commandos grenadiers-parachutistes des forces spéciales suisses ?
❑❑❑❑ QUEL DESSIN DU JOUR ? « Ça, c’est inouï, capitaine. Maintenant, Baselworld ne va plus rien nous rembourser du tout et on ne sait pas si on sera admis au nouveau salon de Genève ». Pour ceux qui auraient des doutes, voir notre éditorial ci-dessus…