WONDER WEEK 2022 (accès libre)
« J’accuse...! »
Soyons sérieux, ce n’est pas une nouvelle Affaire Dreyfus : nous ne sommes pas Émile Zola et ce « J’accuse » est surtout un clin d’œil à l’histoire de la liberté de la presse. J’accuse le groupe Richemont d’abuser de sa situation dominante à Watches & Wonders. J’accuse le groupe Richemont d’avoir mis en place un véritable régime d’interdiction professionnelle. J’accuse le groupe Richemont de porter gravement atteinte au droit le plus élémentaire d’informer. J’accuse…
Si beaucoup de dirigeants et de membres de différents états-majors horlogers, toutes marques confondues [y compris celles qui exposent à Watches & Wonders], ont tenu à nous exprimer leur solidarité en apprenant que Business Montres se trouvait blacklisté à Watches & Wonders, relativement peu de nos chers confrères ont pris la peine de se manifester. Sans doute n’ont-ils pas compris ce qui se jouait avec cette décision, prise par la direction du groupe Richemont plus que par l’équipe de Watches & Wonders – sachant que la direction de Watches & Wonders n’a pas cru bon d’en informer ni les grandes marques fondatrices, ni le comité des exposants [il s’agit clairement d’un diktat du Politburo de Richemont, servilement relayé par les bureaucrates de la FHH]. Sans doute n’ont-ils pas compris, ces chers confrères, que d’autres journalistes et d’autres médias – et non des moindres – ont été tout autant blacklistées : comme par hasard, il s’agissait des moins dociles et des plus indépendants ! Sans doute n’ont-ils pas compris que ces atteintes à la liberté de parole des médias en anticipaient d’autres, bien plus graves. Sans doute n’ont-ils pas compris que le blacklistage 2022 annonçait un régime soviétisée de presse autorisée pourvu qu’elle soit alignée, muselée et couchée.
Quand, pour le seul marché suisse, 120 personnes (!), dont beaucoup d’absolu(e)s inconnu(e)s, ont une accréditation presse pour cette édition 2022 de Watches & Wonders, on se dit que celles et ceux qui n’ont pas eu droit à cette accréditation ont quelque chose de spécial, d’original, sinon de remarquable : cherchez l’erreur et trouvez vous-même où peut bien s’axer cette différence ! Nous avons déjà expliqué (Business Montres du 21 mars) que ce bannissement pouvait nous ralentir, mais sans nous arrêter et sans diminuer notre détermination. Nous avons également exprimé nos remerciements au Politburo de Richemont (Business Montres du 23 mars), pour nous avoir permis de nous consacrer plus intensément aux 106 marques qui vont animer la Wonder Week genevoise dans le centre-ville, plutôt qu’aux 38 autres qui vont s’exposer sous les halles de Palexpo. Il n’en reste pas moins vrai que certaines choses doivent être dites. D’où cette tribune qui vise à mettre les points sur les i…
❑❑❑❑ J’ACCUSE LE GROUPE RICHEMONT d’abuser de sa position dominante à Watches & Wonders : le groupe détient abusivement – quoique provisoirement – un monopole sur l’organisation de tout grand événement horloger à Palexpo, ce qui est fâcheux tant cela permet d’exclure les concurrents gênants [un exemple au hasard : Breitling !] et d’accréditer les médias à la tête du client, en fonction de leur docilité et de leur complaisance éditoriale. Cette position dominante, qui accorde un avantage concurrentiel démesuré aux marques du groupe Richemont, est le fruit de circonstances historiques désormais dépassées, puisque Baselworld a jeté l’éponge et que la défense du pré carré genevois est moins impérieuse. Les cartes seront rebattues en 2023, avec une libération des initiatives horlogères et une reprise en main du rendez-vous genevois par des opérateurs qu’on espère plus « neutres » et moins sectaires. Vivement demain !
❑❑❑❑ J’ACCUSE LE GROUPE RICHEMONT d’avoir mésusé de ses prérogatives d’organisateur (via la FHH et l’équipe de Watches & Wonders) pour imposer ce bannissement de quelques médias turbulents aux autres marques et aux autres groupes qui exposent à Palexpo, ainsi qu’au comité des exposants qui l’a découvert à l’occasion de notre coup de gueule (lien ci-dessus). Le prétexte réglementaire invoqué était stupide : nous n’avons pas été accrédités parce que nous n’étions pas invités par les marques. Sauf que nous avions déjà prévu une bonne quinzaine de rendez-vous sur place [donc à l’invitation des marques !], mais que les marques en question n’ont pas pu nous accorder de laisser-passer parce que nous n’étions pas invités… par les marques avec lesquelles nous n’avions pas rendez-vous et qui étaient souvent – est-ce un hasard ? – des marques du groupe Richemont ! Situation kafkaïenne et inextricable, impossible à démêler avec les petits fonctionnaires de la FHH ! Précisons une nouvelle fois que cette mesure de discrimination s’exerce effectivement contre Business Montres en tant que média, et non contre notre personne, puisque les collaboratrices qui devaient nous accompagner à Watches & Wonders ont elles aussi été blacklistées…
❑❑❑❑ J’ACCUSE LE GROUPE RICHEMONT d’avoir pratiqué une forme d’interdiction professionnelle [une sorte de berufsverbot à l’allemande], qui fait des blacklistés de véritables « ennemis de la Constitution » [laquelle ?] et, en tout cas, de dangereux dissidents, potentiellement contagieux parce que capables de contester la bien-pensance officielle, mais incapables de porter la bonne parole horlogère – pour nous, le consensus est un mot qui commence très mal ! Parce que, bien entendu, cette interdiction d’accéder au salon se double d’une interdiction d’accéder à la base de données numérique mise en place pour les marques exposantes – base de données financées par ces mêmes marques qui n’ont pas pu nous inviter et qui devraient tout de même avoir le droit d’accorder aux médias qu’elles souhaitent un accès à ces données dont elles ont le contrôle. Ce qui n’est pas le cas ! La bureaucratie orwellienne de la FHH a tous les pouvoirs, même celui de décréter qui sont les bons et les mauvais médias pour chaque marque de Watches & Wonders. C’est pour cette raison que nous parlons d’interdiction professionnelle et de préjudice éditorial réel…
❑❑❑❑ J’ACCUSE LE GROUPE RICHEMONT de partialité et d’inconséquence dans la proscription d’un certain nombre de médias non alignés. Pour ce qui concerne Business Montres, nous avons suivi depuis près de vingt-cinq ans le rendez genevois de l’ex-SIHH et des salons horlogers suisses (Baselworld et autres). Notre éviction est une mesure discriminatoire absurde ! La nature de notre média n’ayant pas été substantiellement modifiée par la pandémie, on se demande ce qui a pu changer dans la stratégie de notre accréditation : le groupe Richemont aurait-il donc mis un quart de siècle pour comprendre que nous n’étions pas un média accréditable, alors que nous l’étions encore l’année dernière ? C’est beaucoup, mais qui pourrait douter de l’intelligence subtile de MM. Lambert et Perrin, qui ont un certain Ravessoud comme exécuteur des basses œuvres ?
❑❑❑❑ J’ACCUSE LE GROUPE RICHEMONT de piétiner impunément, avec cette excommunication, les droits les plus élémentaires de la presse et les plus évidents principes qui font de la liberté d’informer un des ciments de nos sociétés européennes. Que la FHH et Watches & Wonders offrent nuits d’hôtel et billets d’avion à leurs invités ne regardent que ces institutions. En revanche, l’accès à un salon professionnel et la délivrance d’un badge officiel [ainsi qu’un accès à la base de données] devraient être libres et automatiques pour les partenaires professionnels du métier concerné. À plus forte raison s’il s’agit de journalistes spécialisés dans le domaine en question. C’est une atteinte grave à la liberté d’expression des médias indépendants, qu’il s’agit ici de museler : on peut s’étonner du silence gêné des médias alignés face à cette exclusion des médias non alignés – il est vrai qu’il est périlleux de mordre la main qui vous nourrit et le propos des perroquets n’est guère belliqueux…
❑❑❑❑ J’ACCUSE LE GROUPE RICHEMONT, pour finir, et j’accuse sa direction (les duettistes Lambert-Perrin, avec leur comparse Ravessoud) de se servir du moindre prétexte, aussi imbécile soit-il [cette affaire de non-invitation par des marques avec lesquelles on n’a pas de rendez-vous est tout de même ubuesque !], pour instrumentaliser un événement comme Watches & Wonders, ainsi que les marques exposantes [le plus souvent à leur insu et contre leur gré], pour assouvir assez lâchement et plutôt bassement une forme de vengeance après des années d’avanies éditoriales généralement méritées [reprenons un seul exemple, celui de la DRH du groupe, poussée par Business Montres à la démission, mais c’était pour d’excellentes raisons !]…
Voilà, c’est dit, nous n’allons pas nous gâcher la Wonder Week pour une directive du Politburo qui pilote le groupe Richemont. Deux bureaucrates (et demi) qui font une violente crise d’urticaire face aux médias indépendants ne sauraient résumer les propositions souvent très originales de bon nombre des marques de Watches & Wonders : rien ne nous empêchera de parler de qui nous voulons comme nous le voulons – la liberté de la presse n’est pas un dessert dont on pourrait priver les médias turbulents. On vous laisse réfléchir là-dessus…