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ARCHIVES # 2 : Un entretien avec Pierre Moscovici (ministre socialiste)

« Il faut prendre les trains qui arrivent à l’heure », nous explique Pierre Moscovici (actuel ministre de l’Economie de François Hollande), qui avoue son goût pour les montres : la Blancpain qu’il porte, la fierté de sa première Rolex et son rêve de Patek Philippe. Un document de nos archives...   ••• En 2004, avec beaucoup d’esprit et une grande culture dans ses réponses, Pierre Moscovici s’était confié à Grégory Pons, qui réalisait alors « Le Meilleur des Montres », supplément horloger de L’Express qu’il avait conçu et créé. En 2004, Pierre Moscovici était ministre …


« Il faut prendre les trains qui arrivent à l’heure », nous explique Pierre Moscovici (actuel ministre de l’Economie de François Hollande), qui avoue son goût pour les montres : la Blancpain qu’il porte, la fierté de sa première Rolex et son rêve de Patek Philippe. Un document de nos archives...

 
••• En 2004, avec beaucoup d’esprit et une grande culture dans ses réponses, Pierre Moscovici s’était confié à Grégory Pons, qui réalisait alors « Le Meilleur des Montres », supplément horloger de L’Express qu’il avait conçu et créé. En 2004, Pierre Moscovici était ministre délégué chargé des Affaires européennes du gouvernement Jospin.
••• 2004-2012 : comme le temps passe, pour les ministres socialistes autant que pour les ravages de la langue de bois ministérielle ! Un tel entretien serait impossible aujourd’hui...
 
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••• Etes-vous ponctuel ?
— Pierre Moscovici : Henry Miller a écrit un jour que « souvent un retard s'avère plus utile qu'un progrès ». Malgré cela, je m'efforce à la ponctualité. J'essaie d'être aussi peu indulgent pour mes propres retards que pour ceux des autres !
 
••• Combien tolérez-vous de retard chez les autres ?
— PM : Dix minutes me paraissent mériter l'indulgence. Plus de quinze minutes commencent à relever de la négligence. C'est ce que le bon sens populaire appelle le « quart d'heure » de tolérance.
 
••• Une méthode ou un secret pour mieux gérer son temps ?
— PM : Je crains que non ! Peut-être un peu de discipline… Seul le don d'ubiquité me rendrait parfois un fier service.
 
••• « Tout de suite », c’est quand ?
— PM : C'est peut-être déjà trop tard…
 
••• « J’en ai pour deux secondes », ça dure…
— PM : Sûrement plus de deux secondes. Raisonnablement moins de deux heures.
 
••• Au sein des instances européennes, quelles sont les plus ponctuels ?
— PM : Certains de nos amis européens sont dans l'incapacité la plus totale de comprendre la notion même de retard. D'autres amis européens sont plus « compréhensifs »… Un élément de réponse pourrait passer entre nord et sud de l’Europe.
 
••• L’heure la plus décisive de votre vie ?
— PM : A proprement parler, sans doute ma naissance.
 
••• Les instants où le temps semble passer trop vite ?
— PM : Quand l'équipe de France est encore menée au score, en finale de l'Euro 2000, à une minute de la fin. J'y étais. Et j'en frémis encore...
 
••• Le « temps perdu » que vous détestez le plus ?
— PM : Le temps que je risque de faire perdre aux autres.
 
••• Savez-vous encore « perdre du temps » ?
— PM : C'est un luxe de plus en plus inaccessible. Mais cela reviendra un jour : le pouvoir, comme toute activité humaine, n'a qu'un temps.
 
••• Combien d’heures de sommeil par jour ?
— PM : Pas assez. Cinq à six heures ne me suffisent pas, mais c'est mon lot quotidien.
 
••• Combien d’heures d’avion, de train ou de voiture dans une semaine ?
— PM : Beaucoup trop. Cela représente l'équivalent en temps de 3 à 4 000 kilomètres par semaine.
 
••• Qu’est-ce qui va le plus vite : prendre une décision à Bruxelles ou une décision à Paris ?
— PM : Le plus rapide : décider, depuis Paris, que l'on prendra une décision à Bruxelles. Ensuite, c'est beaucoup plus compliqué…
 
••• Une heure de ministre européen, c’est plus long ou plus court qu’une heure de militant socialiste ?
— PM : Il n'y a pas de règle : cela dépend du moment et de l'intérêt du sujet.
 
••• Les hommes politiques ont-ils encore le temps de changer quelque chose ?
— PM : Je veux le croire. Quoi qu'on pense, ils sont là pour ça : c'est leur volonté et le sens de leur engagement.
 
••• Pour un ministre, la semaine des 35 heures, ça se termine mardi, mercredi ou jeudi ?
— PM : C'est sûrement parce que nous sommes très fiers de la semaine de 35 heures que nous en faisons au moins deux par semaine !
 
••• Les pendules de certains de vos copains se sont arrêtées en mai 1936, en mai 68, en mai 1981 ou en mai 2002 : à quelle heure est la vôtre ?
— PM : J'espère que ma montre n'est pas arrêtée ! J'ai 43 ans et, si tout va bien, un peu de temps devant moi.
 
••• Les socialistes français : dans le temps ou hors du temps ?
— PM : Dans le temps, et à temps.
 
••• Votre action au gouvernement : Le Temps des cerises ou Autant en emporte le vent ?
— PM : Un peu des deux. Je suis fier de certaines réalisations et optimiste de nature – c'est Le temps des cerises – mais conscient que nous devons être modestes face à l'histoire – Autant en emporte le vent.
 
•• Faut-il parler des trains qui arrivent à l’heure ou de ceux qui sont en retard ?
— PM : Il faut prendre les trains qui arrivent à l'heure !
 
••• La montre que vous portez aujourd’hui, sans tricher ?
— PM : Une Blancpain avec face (phases ?) de Lune.
 
••• Votre première montre ?
— PM : J'imagine une Kelton, tout simplement pour avoir l'heure, dès mon enfance. Ma première jolie montre fut une Rolex Oyster, offerte par ma mère à l'occasion de mon diplôme de Sciences-Po en 1980.
 
••• La montre dont vous avez toujours rêvé ?
— PM : Une Patek Philippe, n'importe laquelle. Le nom me fait rêver, et je n'en ai jamais eu.
 
••• La seule montre que vous emporteriez sur une île déserte ?
— PM : Une montre de plongée, en tout cas...
 
••• Si on inventait la machine à remonter le temps, vers quelle époque partiriez-vous ?
— PM : Je me sens très bien en 2000. Mais ma passion pour l'histoire et ma curiosité pour le passé m’emporteraient au début du... XXe e siècle, qui fut si dur et si décisif pour notre civilisation.
 
••• Pour vous, le XXIe siècle a déjà commencé le 1er janvier 2000, ou c’est plutôt pour le 1er janvier 2001 ?
— PM : Les inventeurs du calendrier grégorien ne connaissaient pas l'année zéro. Intellectuellement, je préfère donc l'idée que le siècle commencera le 1er janvier 2001. Mais, soyons simples : pour tout le monde, le XXIe siècle a commencé le 1er janvier 2000.
 
••• Votre plus récent excès de vitesse ?
— PM : Environ 300 km/h, en TGV, entre Bruxelles et Paris.
 
••• Le temps, c’est de l’argent : vrai ou faux ?
— PM : C'est la liberté : c'est beaucoup plus précieux.
 
••• Quel temps prend la cuisson d’un oeuf à la coque ?
— PM : Pour moi, 3 minutes, avec un sablier, bien sûr. Mais j'avoue n'être pas un cordon bleu…
 
••• Votre temps pour courir un 100 m ?
— PM : Sur 100 m, il me faut sans doute à peine plus que Michael Johnson sur 200 m.
 
••• Quel est le record de vitesse qui vous fascine le plus ?
— PM : Les deux incroyables records d'Haïlé Gebrésélassié sur 5000 et 10 000 m. Avez-vous déjà essayé de courir 5 km en un peu plus de 12 minutes, qui plus est avec le sourire ?
 
••• Plutôt « A la recherche du temps perdu » ou « Les Aventuriers de l’Arche perdue » ?
— PM : Et pourquoi pas « Indiana Jones à Balbec » ? Je suis un oiseau de nuit : une bonne soirée commence pour moi par une séance de cinéma et se poursuit par la lecture d'un (bon) livre.
 
••• Votre rythme favori : adagio, tango, techno ?
— PM : « Vivace », le plus souvent possible. « Staccato », quand il le faut. « Appassionato », toujours.
 
••• « Le temps d’apprendre à vivre, il est déjà trop tard » : c’est de qui ?
— PM : Aragon, mais je suis sûr qu'il y a encore des amours heureuses.
Propos recueillis par G.P.
 

 

COMMENTAIRE (octobre 2012)

••• Réaliser une telle interview serait impensable en 2012 : huit ans peuvent tout changer dans une ambiance démocratique et dans les confidences personnelles qu’on peut faire aux médias. Rien à redire sur le plan de l’intelligence : techniquement irréprochables, ces réponses pétillent d’un esprit très français et d’une maîtrise parfaite du ping-pong médiatique. ••• Pourtant, l’actuel ministre de l’Economie ne se risquerait plus, aujourd’hui, à parler de la Blancpain qu’il porte [apparemment, il a changé de fournisseur, mais son goût reste très sûr : photo ci-dessus et en haut de page], à évoquer sa première Rolex ou à rêver d’une Patek Philippe qui reste le Graal de tout bon amateur de montres qui se respecte. Il ne voudrait surtout plus passer pour un collectionneur de montres, et encore moins pour un « connaisseur » [ce qu’il est, en homme de goût bien dans son siècle] : l’affaire de la « Rolex présidentielle » – vue à la télévision au poignet de Nicolas Sarkozy – aura décidément traumatisé les politiques de tous les camps et opéré des ravages « moralisateurs » au-delà même de ce qu’on pouvait redouter. ••• Un tel article serait à présent impossible à éditer tellement le sujet « montre + politique » est devenu encore plus médiatiquement explosif qu’il ne l’était il y a huit ans. Avons-nous vraiment conscience de cette dérive dans une auto-censure mortifère, qui condamne les médias à l’in-signifiance et à la médiocrité d’un conformisme qui sent le bénitier ? ••• La faute à qui ? À une certaine Rolex présidentielle [qui n’en était pas une la plupart du temps], aux fausses polémiques lancées par la gauche à ce sujet, à la dictature du politiquement correct dans les médias, à la surexposition personnelle des leaders de chaque camp, à ce crétin de Jacques Séguéla, à la puissance d’Internet qui érige le moindre blogueur en censeur vigilant de la « morale » républicaine, à cette ère du ressentiment dont parlait Nietzsche [un cocktail ravageur de jalousie personnelle, de pulsions égalitaristes et de désirances sociétales informulées], aux excès publicitaires des montres de luxe qui « dégueulent » en quadrichromie dans les magazines, à la fatigue d’une ère bling-bling qui n'en finit plus d'être finissante et aux insupportables derniers sursauts des écœurantes « années-fric » qui s’achèvent... ••• Ne serait-ce que pour quelques-unes de ces raisons et pour apprécier le décalage que vous venons de vivre [dont nous n’avons pas toujours conscience], il était intéressant de republier cette interview – qui se trouve également éclairer d'une autre jour l'affaire des 100 000 euros de "valeur sentimentale" attribués par un autre ministre socialiste, Jérôme Cahuzac [lui aussi est à Bercy, au Budget], à la dizaine de montres de luxe qui lui ont été volées dans son appartement (Atlantic-tac)...

G.P.

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