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ARCHIVES # 6 : « Ce n’est pas le temps qui passe, c’est nous qui passons » (Thierry Ardisson)

L'animateur de télévision aime les montres : "Je suis très fier de la montre que j’avais fait faire du temps de ma revue Rive droite, avec la phrase de Proust, "Longtemps je me suis couché de bonne heure", tout autour du cadran"... Le cas Thierry Ardisson : une nouvelle page tirée des archives de Business Montres, introuvable ailleurs sur la Toile...  ◀▶ Il y a une dizaine d'années, Thierry Ardisson s’était confié à Grégory Pons, qui réalisait alors « Le Meilleur des …


L'animateur de télévision aime les montres : "Je suis très fier de la montre que j’avais fait faire du temps de ma revue Rive droite, avec la phrase de Proust, "Longtemps je me suis couché de bonne heure", tout autour du cadran"...

Le cas Thierry Ardisson : une nouvelle page tirée des archives de Business Montres, introuvable ailleurs sur la Toile...

 
◀▶ Il y a une dizaine d'années, Thierry Ardisson s’était confié à Grégory Pons, qui réalisait alors « Le Meilleur des Montres », supplément horloger de L’Express qu’il avait conçu et créé. Un entretien du tac au tac, hors caméra de télévision, sur son rapport au temps qui passe et aux montres, à la ponctualité, à l'amour et à la culture.
 
 
THIERRY ARDISSON
« Ce n’est pas le temps qui passe, c’est nous qui passons »
 
••• Etes-vous ponctuel ?
— TA : Hyperponctuel ! Je ne supporte pas les gens en retard et je fais tout pour éviter de l’être.
 
••• Combien tolérez-vous de retard chez les autres ?
— TA :  Tout dépend de la personne que j’attends. Un président de chaîne de télévision aura droit à quarante minutes. Mes collaborateurs auront cinq minutes, pas plus.
 
••• Avez-vous un secret pour gérer votre temps ?
— TA : Je travaille avec des mémos et des Post-it. Tous les matins, mes collaborateurs ont leur fax avec le mémo de ce qu’il me faut dans la journée. Le mur derrière mon bureau est plein de Post-it. Ce n’est peut-être pas très moderne, mais c’est le seul moyen pour moi de rester dans les temps.
 
••• « Tout de suite », c’est quand ?
— TA : C’est tout de suite, évidemment…
 
••• « J’en ai pour deux secondes », ça dure…
— TA : Pas si longtemps que ça, en tout cas pas trop longtemps et jamais plus de dix minutes. Je me sens engagé, même pour un pote qui m’attend au bistrot !
 
••• La ponctualité hors de France ?
— TA : Aux Etats-Unis, dans le business, on est très rigoureux. Les plus fantaisistes de ce côté-là sont sans doute les Grecs, mais je les adore et je préfère vivre en Grèce qu’aux Etats-Unis...
 
••• L’heure la plus décisive de votre vie ?
— TA : Il y a quinze ans, pour ma première émission de télévision, Scoop à la une, un dimanche après-midi. A trente-cinq ans, je n’étais pas un perdreau de l’année, mais j’étais mort de trouille, terrorisé, tremblant. J’aurais voulu être partout sauf là.
 
••• La minute la plus longue de votre vie ?
— TA : La première fois où je me suis fait faire un test HIV et que j’attendais les résultats pour savoir si j’avais ou non le sida. A l’époque, je faisais beaucoup de bêtises. Entre le moment où mon assistant est parti chercher les résultats et l’instant où j’ai ouvert l’enveloppe, c’était très long. J’étais tellement heureux d’être soulagé et heureux d’être négatif que je l’ai embrassé sur la bouche. Du coup, il a cru que j’étais pédé…
 
••• La perte de temps que vous détestez le plus ?
— TA : Faire la queue au cinéma. C’est un gros problème qui fait que je n’y vais plus beaucoup et que je préfère attendre un an la cassette vidéo.
 
••• Les instants où le temps semble passer trop vite ?
— A Noël en vacances, ou avec ma femme et mes enfants quand je fais du bateau. En lisant : j’oublie tout quand je rentre dans un bon bouquin.
 
••• Qu’est-ce que vous n’avez pas le temps de faire ?
— TA : Ecrire des livres (je viens d’en commencer un). Faire les antiquaires, les Puces, les brocantes. C’est un crève-cœur…
 
••• Combien d’heures de travail par jour ?
— TA : Je n’ai que six heures de sommeil, donc je dois bien travailler quinze heures par jour.
 
••• Le pire manque de temps ?
— TA : Quand je manque de temps pour préparer une émission. Je déteste l’énervement qui grandit quand on est à la bourre. Je fais tout pour éviter les coups de bourre et j’essaie de mettre en place une organisation régulière de mon travail.
 
••• Combien de minutes pour décider si un livre ou un film sont importants ?
— TA : Un soixantième de minute. C’est une question d’habitude : on lit la quatrième de couverture, on regarde la tête de l’auteur, on consulte la fiche du film rédigée par le collaborateur. J’ai fini par avoir du nez. Quand je vois un film, je sais la plupart du temps ce que j’en penserais en sortant et je suis déjà fixé sur sa qualité.
 
••• En combien de temps juge-t-on qu'un invité est bon ou mauvais ?
— TA : On le juge avant !
 
••• Comment concilie-t-on un agenda à multiples entrées ?
— TA : Le bon principe, c’est d’être entouré. J’ai fini par réaliser mon rêve et ne plus travailler que chez moi, rue du Faubourg Saint-Honoré, dont je ne sors que pour mes émissions ou pour descendre au bistrot. J’ai des sociétés partenaires pour régler les problèmes de logistique. Entre mon fax, mes fiches et mes Post-it, je suis comme un vieux Chinois qui fume son opium au fond de la boutique, sauf que je ne fume plus depuis longtemps. Au fond, je suis très casanier et je vis dans six mètres carrés.
 
••• Votre première montre ?
— TA : J’ai eu ma première montre pour ma communion, mais je n’en porte plus depuis l’âge de vingt ans. L’heure est partout : il suffit de regarder son écran, de surveiller le poignet des autres. Quand on n’a pas de montre, on devient très habile pour savoir où regarder. Et puis, il y a LCI, que je regarde toute la journée et qui donne l’heure en permanence.
 
••• La montre dont vous avez toujours rêvé ?
— TA : Ne pas porter de montre ne m’empêche pas d’être un peu collectionneur. De la même façon, je n’ai pas le permis de conduire et je collectionne les voitures anciennes dans ma maison de Normandie ! Donc, j’aime les belles montres, j’ai en plein et je les regarde. Je suis très fier de la montre que j’avais fait faire du temps de ma revue Rive droite, avec la phrase de Proust, « Longtemps je me suis couché de bonne heure » tout autour du cadran. J’ai une Swatch royale sertie. J’ai toujours la montre de poche de mon grand-père. Et je rêverais de ces énormes chronos d’aviateur, de style Breitling, qui font un peu nouveau riche, mais je ne serais pas ridicule au point de les porter puisque j’ai des poignets trop minces…
 
••• La seule montre que vous emporteriez sur une île déserte ?
— TA : Forcément une montre toute petite, mais qui ferait tout, radio, réveil, fax, téléphone, TV, Internet.
 
••• Si on inventait la machine à remonter le temps, vers quelle époque partiriez-vous aussitôt ?
— TA : Le XIXe siècle, qui a vu se succéder la Révolution, l’Empire, la monarchie, la République. J’adore cette époque on ne peut plus romanesque.
 
••• Pour vous, le XXIe siècle a commencé le 1er janvier 2000 ou c’est plutôt pour le 1er janvier 2001 ?
— TA :  Je situerais plutôt le début du XXIe siècle à la charnière des années soixante-dix/quatre-vingt. La vague punk a marqué la fin de l’après-guerre, le déclin des grandes idéologies.
 
••• Le temps, c’est de l’argent : vrai ou faux ?
— TA : C’est très vrai : dans le travail d’animateur que je fais, je suis payé à l’heure.
 
••• Quel est le record de vitesse qui vous fascine le plus ?
— TA : Trois heures vingt sur Paris-New York en Concorde.
 
••• « Recherche du temps perdu » ou « Aventuriers de l'arche perdue » ?
— TA : A coup sûr, la Recherche.
 
••• Adagio, tango ou techno ?
— TA : Tango.
 
••• « Le temps d’apprendre à vivre, il est déjà trop tard » : c’est de qui ?
— TA : Je ne sais pas. Aragon, peut-être, mais c’est en tout cas joli. Et vous, connaissez-vous cette citation d’Ardisson : « Ce n’est pas le temps qui passe, c’est nous qui passons » ? J’y tiens beaucoup. Le temps est insensible à ce que nous sommes…
Propos recueillis par Grégory Pons.◀▶
 
 
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