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@2015 #2 : Avant de repérer ceux qui vont faire bouger les lignes en 2015, quels sont les agitateurs d'idées qui ont animé l'année 2014 ?

Ils sont au moins dix à avoir fait l'actualité de 2014, discrètement ou tapageusement, pour le meilleur et parfois pour le pire. Des grandes gueules et des grands féodaux inconnus des perroquets médiatiques, des grands patrons et des grands présidents, bref des gens qui comptent et sur lesquels il nous a fallu compter... ▶▶▶ LES HOMMES DE L'ANNÉE HORLOGÈRECeux qui tirent les ficelles, ceux …


Ils sont au moins dix à avoir fait l'actualité de 2014, discrètement ou tapageusement, pour le meilleur et parfois pour le pire. Des grandes gueules et des grands féodaux inconnus des perroquets médiatiques, des grands patrons et des grands présidents, bref des gens qui comptent et sur lesquels il nous a fallu compter...

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▶ LES HOMMES DE L'ANNÉE HORLOGÈRE
Ceux qui tirent les ficelles,
ceux qui s'en servent
et ceux qui les retressent... 
 
◉◉◉ (HORS CONCOURS) JEAN-CLAUDE BIVER : voici quelques années (2007 !), Business Montres avait lancé la mode des « hommes de l'année » dans l'horlogerie. C'est bizarre, mais personne n'avait encore jamais osé interroger les principaux journalistes horlogers de la planète Montres. Nous avons cessé de le faire quand Jean-Claude Biver est sorti en tête [à bulletins secrets], et de loin, pour la troisième année consécutive. Business Montres & Joaillerie n'avait pas vocation à devenir le bulletin paroissial du BFC (le « Bibi Fan Club »). Cette année encore, le nouveau patron du pôle horloger LVMH, chairman de Hublot et CEO de TAG Heuer [non sans avoir reformaté l'offre Zenith], aurait tout pour être l'homme de l'année 2014, toutes catégories confondues. Ce serait injuste de ne pas lui attribuer ce mérite. C'est tout aussi absurde de le remettre en tête de liste pour cette fin d'année. Donc, faisons de Jean-Claude Biver le patron horloger le plus hors concours le l'année, quasiment un docteur honoris causa d'occupation médiatique dans la presse horlogère captive comme dans les médias non spécialisés. Non seulement il a pris beaucoup de galons en 2014, en empilant des casquettes que son charisme naturel rend légères à porter, mais il a aussi relancé la mise sur le terrain des montres connectées (smartwatches), auxquelles il ne croyait guère voici un an pour opérer aujourd'hui un virage spectaculaire dans la volonté de résister à l'éradication des marques suisses du poignet de nos contemporains. « Bibi Superstar » ? Plus que jamais, et n'allez pas croire que ses dernières initiatives chez TAG Heuer sont le « combat de trop » dans une carrière qu'on souhaite encore très longue (Business Montres du 18 décembre) ! 
 
◉◉ JEAN-CHRISTOPHE BABIN (BVLGARI) : il n'a guère fait de tapage médiatique depuis son départ de TAG Heuer et sa reprise en main, dans l'urgence, de la maison Bvlgari. Un peu plus d'un an après, Jean-Christophe Babin a transformé cette maison de joaillerie et d'horlogerie pour en refaire – après des années de gestion hasardeuse par le clan Trapani – une vraie concurrente internationale de Cartier ou de Tiffany & Co [autres maisons en lutte pour la première place mondiale, curieusement présidées par des « proctériens » pur sucre : Business Montres du 25 septembre 2013]. Les collections ont été remises d'aplomb, avec le lancement d'une collection Lvcea qui a fait chavirer le coeur de ces dames et des pièces de haute horlogerie décorée plus intéressantes les unes que les autres. L'outil commercial a été recadré et la communication de la marque rééquilibrée. Logiquement, les profits ont suivi et le résultat opérationnel de Bvlgari a cette année de quoi rendre Jean-Claude Biver – l'autre homme fort de l'horlogerie LVMH – légèrement jaloux. La consolidation en vue pour 2015 annonce une bataille au couteau pour replacer Bvlgari au premier plan mondial, alors que la maison Cartier semble déstabilisée, Tiffany & Co pas encore stabilisée par ses actionnaires quatariens et Harry Winston pas vraiment restabilisée après sa reprise en main par Nayla Hayek (Swatch Group)...
 
◉◉ AUREL BACS (PHILIPPS) : démissionnaire (dans les larmes à la fin 2013) et parti sous les applaudissements des marchands et des collectionneurs, Aurel Bacs aura passé la première moitié de l'année à se faire oublier [ce qui a pu faire croire qu'il n'y aurait pas d'« effet Aurel Bacs » négatif sur le monde des enchères] et la seconde moitié à prouver qu'il faudrait désormais compter avec lui sur ce marché des montres de collection. Son alliance stratégique avec la maison Philipps – qu'il vient épauler avec une dream team d'experts comme plus aucun auctioneer ne peut en aligner – s'annonce au moment où le modèle Christie's connaît un moment de faiblesse [au moins pour les montres de collection : on l'a vérifié avec les ventes Patek Philippe de fin d'année] et où Sotheby's ne parvient pas à s'inventer un positionnement dans un combat au sommet Christie's-Philipps qui ne fera de cadeau à personne. Aurel Bacs en sauveteur des collectionneurs et des marchands de montres de l'âge d'or ? Il a tout appris et tout compris : il va maintenant pouvoir tout changer, à sa main... 
 
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◉◉ JEAN-FRÉDÉRIC DUFOUR (ROLEX) : il a commencé l'année au Locle, dans le fauteuil présidentiel de Zenith, mais il la termine dans le fauteuil directorial le plus prestigieux de toute l'horlogerie mondiale, celui de Rolex, tout là-haut, au sommet de l'immeuble en verre vert de Genève. La nomination n'était ni prévisible, ni attendue, mais Business Montres (14 avril) a levé le lièvre avant tout le monde, y compris avant la communication de Rolex que quelqu'un avait « oublié » de prévenir. 2014 restera celle du sacre de « Jean-Fred » [aussitôt remplacé chez Zenith par Aldo Magada, autre pilier de la garde rapprochée bivérienne] juste sous la couronne de la marque : même s'il est le quatrième patron de Rolex depuis le début du XXIe siècle, son âge nous garantit qu'il est là pour longtemps, alors que ses qualités dessinent un avenir moins autistique pour Rolex, qui peut désormais « entrer dans son siècle » sans pour autant se renier. La suite s'annonce en tout cas passionnante.
 
◉◉ MIGUEL GARCIA (SELLITA) : c'est très volontairement que le patron de la manufacture de mouvements Sellita n'est pas le plus connu, ni le plus bruyant des grands féodaux de l'horlogerie suisse. Lui, c'est en toute discrétion qu'il tisse sa toile et qu'il savoure ses victoires : en 2014, il aura réussi à faire plier le Swatch Group qui ne voulait plus lui livrer mouvements et assortiments et à bâtir une solide relation commerciale avec les marques du groupe LVMH comme avec les marques indépendantes, tout en finissant l'année avec davantage de capacités industrielles en mouvements ETA d'origine et en assortiments Nivarox qu'il n'avait rêvé en disposer voici un ou deux ans. C'est chez Sellita que s'écrit aujourd'hui un nouveau chapitre de l'histoire des montres et, au centre de cette nouvelle toile d'araignée, Miguel Garcia peut savourer la pertinence de sa vision et la solidité de sa résilience personnelle autant qu'industrielle. On retiendra de l'année 2014 qu'elle a, entre autres, consacré la naissance d'une nouvelle super-puissance dans l'amont industriel horloger et que c'est à l'obstination de Miguel Garcia qu'on doit ce rééquilibrage face aux exigences du Swatch Group... 
 
◉◉ NICK HAYEK (SWATCH GROUP) : en chiffre d'affaires, c'est lui qui fait la loi. En profits horlogers, il est champion du monde du ROI. En capacité de nuisance industrielle face à n'importe quelle marque, c'est lui le « parrain » incontestable. Ne serait-ce qu'à ces deux titres, le patron incontesté du Swatch Group mériterait de figurer par les « hommes de l'année » ! Mais il peut également y figurer à bien d'autres titres. 2015 – qui sera l'année de l'explosion probable des smartwatches – dira si Nick Hayek a été prophète en refusant de croire à ce marché et au danger de ces montres pour l'industrie horlogère suisse : si, au contraire, les smartwatches font vaciller la pyramide des marques suisses, le fils de Nicolas Hayek restera comme le naufrageur qui a démobilisé toutes les énergies par son absence de vision. L'histoire tranchera. D'autre part, en 2014, il se pourrait bien que Nick Hayek ait conclu un trait de paix – Business Montres a parlé d'un « Yalta secret» – avec le groupe LVMH pour la fourniture abondante de mouvements, ce qui a permis à Jean-Claude Biver d'abandonner sans risques les projets de mouvements « manufacture » planifiés chez TAG Heuer pour repositionner la marque loin d'Omega, sinon de Longines. Enfin, cette année, Nick Hayek a réussi sa reprise en mains de la maison Harry Winston, un peu à la dérive avec ses précédents actionnaires, ce qui lui a permis de donner son groupe d'une offre et d'une logistique joaillière un peu bêtement torpillée voici quelques années par le même Nick Hayek ! Disons que Nick Hayek est, cette année, un « homme de l'année » pour le moins contrasté...
 
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◉◉ JÉRÔME LAMBERT (MONTBLANC) : après avoir démontré que Jaeger-LeCoultre était une vraie maison de haute horlogerie [et non plus une usine à mouvements mécaniques pour les autres marques du groupe Richemont], le nouveau patron de Montblanc a rapidement fait régner la loi et l'ordre dans une marque très (trop ?) marquée par son tropisme culturel allemand. Il était temps, la contribution de Montblanc aux profits du groupe Richemont s'étant amenuisée au fil des ans. Sans se lester de scrupules de conscience abusifs, Jérôme Lambert a reconstruit l'offre Montblanc en s'inspirant des recettes qui avaient si bien fonctionné chez Jaeger-LeCoultre et des codes qui avaient si bien réussi à Vacheron Constantin ou chez A. Lange & Söhne. Un opportunisme tactique d'autant plus radical qu'il propose aux amateurs des montres dans le goût haut horloger, mais à des prix singulièrement accessibles – ce qui prouve que Jérôme Lambert a tout compris de la mutation horlogère et de ses nouvelles exigences côté rapport qualité-prix. Il a aussi tout compris face au danger des smartwatches et il devrait être parmi les pionniers d'une riposte au moins partielle à ce défi. Du coup, on se reprend à regarder Montblanc d'un autre oeil et se dire que, fort de son poids financier dans les comptes du groupe Richemont [un bon milliard d'euros, loin derrière les quatre milliards de Cartier, mais loin devant les autres marques], Jérôme Lambert est désormais le nouvel homme fort du groupe et le pion le plus stratégique de Johann Rupert pour assurer la relève de génération qui s'impose dans ses équipes. 
 
◉◉ JEAN-PIERRE LUTGEN (ICE-WATCH) : s'il avait plutôt mal commencé l'année, après un « trou d'air » commercial en 2013 et sous la menace de noirs nuages [ceux de son procès interminable avec le Swatch Group], Jean-Pierre Lutgen aura terminé l'année 2014 en beauté. Il semble avoir gagné sur toute la ligne face au Swatch Group [la décision des juges est confidentielle, mais Ice-Watch est désormais sans entraves, sous son nom, pour son développement international, notamment en Chine : voir les révélations de Business Montres du 28 janvier à ce sujet] et, surtout, il a redéployé tout son dispositif industriel, commercial et financier, avec une valorisation in fine de son groupe à près de 106 millions d'euros [révélations Business Montres du 11 décembre dernier]. Autant dire qu'il a les mains libres pour faire d'Ice-Watch la référence internationale dans un segment d'entrée de gamme imprudemment abandonné par les marques suisses – d'autant que ce n'est pas le Sistem51 qui va enrayer le déclin actuel de Swatch. Pas mal pour un petit Belge de Bastogne, qui n'avait jamais vendu une montre avant 2007 et qui s'impose à présent comme la plus belle histoire managériale de l'horlogerie européenne pour la dernière décennie... 
 
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◉◉ BARACK OBAMA (PRÉSIDENT DES ÉTATS-UNIS) : on peut justifier la présence du président américain dans ce classement par les risques géopolitiques qu'il a fait et qu'il fait prendre à toute l'horlogerie suisse ! N'oublions pas que c'est la crise des subprimes qui a déclenché, aux Etats-Unis, puis dans le monde entier, la crise économique dans laquelle nous sommes toujours plongés et que c'est aussi la politique ultra-laxiste en matière monétaire des États-Unis [les millions de milliards de dollars imprimés sans contrepartie tous les ans] qui nous maintiennent durablement dans une crise qui voit fléchir les marchés horlogers faute de demande solvable. N'oublions pas non plus que les attaques américaines contre la Russie ont détruit le marché est-européen du luxe – sans doute pour plusieurs années – et que les agaceries américaines face au réveil de la puissance chinoise ont poussé la nouvelle équipe au pouvoir à la tête du Parti communiste vers une surenchère néo-maoïste sur fond de patriotisme exacerbé. Merci, M. Obama, pour toutes ces mauvaises nouvelles à un moment où le défi des smartwatches va aiguiser la guerre du poignet qui conditionne la survie de l'horlogerie suisse...
 
◉◉ FRANÇOIS-HENRI PINAULT (KERING) : l'actionnaire du groupe Kering a décidé de reprendre en main ses affaires horlogères [son pôle de marques est loin d'avoir la taille critique nécessaire pour peser sur le marché], à la fois en faisant le ménage dans ses marques et en accroissant le poids spécifique de ce pôle. Après avoir nommé un nouveau patron pour gérer ses affaires horlogères (Albert Bensoussan : Business Montres du 24 avril), ce qui a entraîné le départ inéluctable de Michele Sofisti de l'ensemble Sowind (Girard-Perregaux et Jeanrichard) et des montres Gucci, François-Henri Pinault s'est ainsi offert la manufacture Ulysse Nardin tout en annonçant qu'il restait candidat à l'achat d'autres marques « intéressantes ». Une posture stratégique offensive, à la fois risquée [marchés en crise, en Chine comme en Russie ou en Europe] et compliquée par le trou d'air actuel de la marque Gucci, qui assurait la légitimité de ses activités dans le luxe : les analystes sont pour l'instant dubitatifs et ils attendent qu'on leur prouve que ces marques sont mieux gérées avec le soutien du groupe que si elles étaient déconsolidées. Beaucoup de têtes ont été coupées cette année chez Kering, d'autres devraient l'être en 2015 – qui sera l'année de tous les dangers pour un groupe français de luxe encore en quête d'une place à l'ombre des autres géants de l'art de vivre... 
 
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