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DROIT DE RÉ-PONS (accès libre + vidéo)
On a besoin de respirateurs, pas de montres : il faut reconvertir provisoirement les manufactures horlogères !

Quel scandale de voir les manufactures horlogères à l’arrêt, avec leur parc machines inemployé et leur personnel désoeuvré, alors que toute la planète a un besoin urgent de matériel médical ! Quelle honte de voir des manufactures convoquer leurs employés dès ce lundi, pour garantir les dividendes de leurs actionnaires en reprenant la production de montres que plus personne ne songe à acheter !


C’est quand même minable cette rapacité des directions horlogères, capables de réclamer dès ce lundi la présence de leur personnel, quel que soit le danger sanitaire encouru par leurs employés. Business Montres (25 mars) s’est indigné la semaine dernière de ces « chacals du confinement ». Bilan (Suisse) commence aussi à se poser des questions sur « ces entreprises qui obligent leurs collaborateurs à venir travailler ». On se sent moins seul, mais est-ce la vraie question à se poser : les manufactures de montres ne pourrait-elle pas faire mieux que de protéger la santé de leurs collaborateurs en les priant de rester confinés ?

C’est là qu’on se demande si le fabuleux parc machines de l’industrie horlogère – des milliers de robots d’usinage de dernière génération, aujourd’hui au point mort dans tout l’arc horloger – ne serait pas plus utile pour produire du matériel médical qui semble manquer partout. « Nous sommes en guerre », répète martialement le président français Emmanuel Macron et, pour une fois, il ne semble pas se tromper de diagnostic. Pendant la Première Guerrre mondiale, les usines horlogères s’étaient reconverties pour produire de quoi soutenir l’effort de guerre : pourquoi ne pas en faire autant, d’ici l’été, en déployant pour cette production sanitaire l’intelligence et l’ingéniosité qu’on prête aux mécaniciens de l’horlogerie ? Le tout, évidemment, dans des conditions sanitaires irréprochables…

• Les soignants ont besoin de « respirateurs artificiels » pour sauver des vies : les plans de certains de ces respirateurs de fortune sont en open source sur les réseaux sociaux ! Les matières premières sont abondantes. De nombreux employés des manufactures seraient heureux de contribuer ainsi et de prendre leur part à l’effort collectif pour échapper au plus tôt à la pandémie. En quelques heures, au pire en quelques jours, l’industrie horlogère pourrait mettre à la disposition des hôpitaux suisses et européens les centaines de respirateurs qui leur manquent. Ce n’est plus une question d’imagination [Renault, Peugeot et d’autres usines automobiles sont en cours de reconversion], mais une question de volonté : qu’attendent les directions du Swatch Group, de Richemont, des marques LVMH et des toutes les autres marques, indépendants compris ? N’est-il pas futile, et même indécent, de persister à vouloir fabriquer des montres et sertir des bijoux quand des dizaines de milliers de malades s’asphyxient faute de matériel médical approprié ? Certaines factures morales seront difficiles à payer en sortie de crise quand on découvrira que la « course au pognon » a été plus intense que la course à la guérison…

• Les soignants ont besoin de beaucoup d’autres matériels médicaux : ne serait-il pas temps de se concerter avec les autorités sanitaires pour mettre à leur disposition les flottes automobiles aujourd’hui inutilement parquées dans les manufactures ? Pour reconvertir les établis horlogers en ateliers de production de masques ? Pour vider les stocks de charlottes et de blouses en les offrant aux hôpitaux ? Pour transformer les ateliers de lavage des manufactures en stations de pompage pour les fameux gels hydroalcooliques ? Avec les incroyables moyens industriels dont dispose l’horlogerie suisse, que d’équipements médicaux indispensables dans l’urgence ne pourrait-on réaliser avec un minimum de créativité et surtout de volonté ? Ceci, bien entendu, dans le respect absolu des plus strictes règles de protection sanitaire…

On ne va pas énumérer plus longtemps tout ce qu’on pourrait et qu’on devrait faire, dès maintenant, alors que nous n’avons déjà que trop tarder ! C’est une question de décence commune, mais, comme certains pourraient ne pas comprendre cet impératif moral, c’est aussi une question d’image ! On peut ne pas le croire, mais nous avons tourné – définitivement cette fois – la page de l’ancien monde et nous ouvrons celle d’un nouveau monde : dans ce nouveau paysage, les montres n’occuperont pas exactement la même place et le luxe ne sera pas illuminé de la même aura. Il va donc apparaître quelques débats sur la légitimité de ce luxe, sur sa substance et son authenticité [autant de débats que nous reprendrons par la suite], mais aussi sur sa responsabilité sociale, sur le sens dont il est porteur et sur les valeurs dont il est l’expression. Généralement si soucieux de leur image, les horlogers ont-ils vraiment apprécié et pesé le risque d’image que leur faisait prendre leur actuelle inertie en pleine crise sanitaire : les maisons de luxe les plus évoluées l’ont compris – on pense ici à différentes initiatives de LVMH, de Kering, de Chanel ou d’Hermès, et des autres bien entendu. Mais les horlogers ? Quelle déception de les voir si peu présents au rendez-vous ? Que de trop faibles initiatives ici et là, trop sporadiques pour ne pas illustrer la navrante inertie de ceux qui n’ont rien fait d’autre que protéger leurs profits et les dividendes de leurs actionnaires ! Quand viendra l’heure des comptes, à la libération du confinement, quand les affaires reprendront [sans doute tant bien que mal, et plutôt mal que bien], dans le grand re-questionnement de la reconstruction, les peuples sauront apprécier le comportement des uns et des autres : si l’horlogerie a bien une chance de reconquérir le cœur de son public traditionnel, c’est maintenant celle-là, ce devoir de solidarité qui s’impose et qu’il faut saisir, ici et maintenant. On vous laisse réfléchir là-dessus…


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