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SECONDE MAIN (accès libre)
Les bourses plus pleines que jamais !

Le marché horloger grince, mais les bourses aux montres tournent rond : portées par un contexte économique qui aurait bien besoin d’un coup de WD-40, elles ont le vent en poupe, et c’est tant mieux. « Business Montres » était à La Chaux-de-Fonds pour le vérifier…


Un tour à « La Tchô », en ce premier dimanche de novembre, suffisait pour prendre le pouls de l’une des foires les plus courues : celle de La Chaux-de-Fonds, organisée au Musée international d’horlogerie. Des jeunes, des vieux, des enfants, du stock, des acheteurs, des montres, des outils, des livres : tout y est. Le paradis du passionné, du revendeur (watch dealer en langage Instagram), du spéculateur, du gradé ou du néophyte. Ces foires existent depuis plusieurs décennies — dans le Jura, à Genève [voir nos précédentes chroniques sur la session genevoise des enchères], à Lille, en Forêt-Noire, à Zurich. Alors pourquoi s’y intéresser en particulier cette année ?

Parce que le marché a changé ! Quand les prix catalogue s’envolent et que les estimations des maisons de vente montent sans cesse, dans un moment de ralentissement économique général, il faut bien trouver des solutions. La passion, elle, ne s’éteint pas, les montres continuent de circuler, et tous les acteurs non institutionnels doivent continuer à faire vivre leur activité. Ce besoin de fluidité, de simplicité, trouve sa réponse dans ces bourses horlogères, mais aussi dans la montée des watch dealers sans autre vitrine que leur compte Instagram et leur réseau hors des projecteurs. Et c’est souvent dans ces bourses que les vraies affaires se font…

Récemment, c’est à côté de Lyon qu’a eu lieu une bourse aux montres lancée en 2022 (@boursehorlogeredesmontsdor). En octobre, une autre s’est tenue à Saint-Malo (cité pas franchement réputée être une terre horlogère). En général, comptez une bourse/foire par mois entre la France, la Suisse, l’Allemagne et l’Italie. Mais, au-delà de l’émergence de nouveaux rendez-vous, c’est surtout leur fréquentation qui frappe. À midi, plus de 600 personnes arpentaient le musée d’horlogerie chaux-de-fonnier. Une file d’attente ininterrompue, des allées bondées : on est loin des distanciations sociales imposées il y a cinq ans.

• Nathalie Marielloni, conservatrice-adjointe du musée, confirme l’intuition : « Après le Covid, on pensait qu’on n’avait plus lieu d’être. Les gens s’étaient habitués à consommer autrement. Mais le retour de pédale est plus prégnant que jamais. À l’heure du tout digital, on a besoin de se retrouver, de se toucher, de se voir. La bourse propose un échange. C’est très populaire : on boit une bière, on se fait la bise. » Et ce n’est pas tout. Si l’on trouve de nombreuses montres à quelques centaines de francs, on voit aussi s’échanger des chronos à 30 000 CHF, des cadrans signés par de grands noms et des bracelets Patek Philippe vendus plusieurs milliers de francs, loin des salles de vente de Genève ou de Hong Kong. « On est devenu un point central dans l’écosystème des bourses, et pour vraiment toutes les poches », conclut Nathalie Marielloni.

C’est peut-être là le vrai charme de ces bourses, petites ou grandes, pleines ou confidentielles : la convivialité. Ce sont certes des moments basés sur l’échange commercial, pécunier ou en troc, mais qu’importe tant que cet échange reste humain, en face à face, avec de vrais passionnés animés par une même passion, de vrais humains qui ont besoin de se voir. On ne saurait cependant vivre en dehors de son époque : ces bourses sont aussi un moment anthropologique de rencontre entre une jeune génération, qui se découvre très souvent d’abord sur les réseaux sociaux, et l’ancienne, qui tient des stands dans les bourses depuis quarante ans pour certains. La jeune garde, qui vient chercher sa « came » auprès des anciens pour parfois la revendre ensuite sur Instagram, le tout avec des accolades, quelques bières et des sandwichs pas franchement végé, ni instagrammables.

En parlant d’Instagram, dans les allées encombrés du MIH, on a aussi croisé Joël Laplace, qui a su se créer une place d’or dans cette galaxie de revendeur online, sans intermédiaires, avec une gouaille bien à lui [c’est lui qui animait récemment la Bourse aux montres genevoise, à la galerie Polomarco : Business Montres du 8 novembre et Business Montres du 9 novembre]. Les bourses, il connaît (ci-dessous). C’est souvent ici qu’il déniche de quoi alimenter sa communauté avec des montres correspondant à son credo : des pièces sympas, accessibles, toujours dans des états neufs de stock ou proches du neuf, et presque toujours sous la barre des 1 000 CHF. Sa réponse quand on lui demande ce qu’il vient faire ici tient en une phrase : « Dénicher des pépites et dire bonjour aux copains. » On aurait pu résumer cette chronique à cette seule phrase ! Toute l’année, il fait la promotion de ces bourses sur ses réseaux, pont idéal entre le virtuel et la réalité. Résultat : des jeunes, souvent à leur première bourse, viennent le saluer, presque le remercier. « Pour 1 000 francs suisses, tu peux avoir une montre géniale, qui a une histoire, un design, un mouvement manufacture. Et c’est vrai qu’aujourd’hui, un jeune qui rentre dans un magasin d’horlogerie avec 1 000 francs suisses n’a pas beaucoup de choix qui s’offrent à lui. »

Peut-être que ce jeune amateur grandira, cultivera sa passion et finira par ressortir d’une boutique avec une « plongeuse » à 10 000 CHF. Mais, au moins, il aura connu dans sa vie une bourse à La Chaux-de-Fonds – et c’est peut-être ça, le vrai luxe…

Jacques Pons

COORDINATION ÉDITORIALE : JACQUES PONS



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