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BUSINESS MONTRES POUR ATLANTICO (accès libre) : Comment l'Apple Watch compte contourner sa prohibition sur le marché suisse

La montre connectée d’Apple sera lancée le 24 avril dans neuf pays, mais pas en Suisse, où l’exploitation commerciale d’une Apple Watch semble bloquée pour des questions juridiques. Une défaite plus que symbolique, même si Apple s’intéresse davantage aux touristes chinois en Suisse qu’au marché domestique.  ▶▶▶ ATLANTICO(article publié le 7 avril 2015, mais l'interview date du 4 avril)


La montre connectée d’Apple sera lancée le 24 avril dans neuf pays, mais pas en Suisse, où l’exploitation commerciale d’une Apple Watch semble bloquée pour des questions juridiques. Une défaite plus que symbolique, même si Apple s’intéresse davantage aux touristes chinois en Suisse qu’au marché domestique.

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▶ ATLANTICO
(article publié le 7 avril 2015, mais l'interview date du 4 avril)
Apple vise essentiellement le potentiel
des 500 000 touristes chinois
qui viennent faire leur shopping
de montres en Suisse...
 
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◉◉ Comment les Suisses ont-ils réussi à faire interdire l’Apple Watch sur leur territoire ?
Grégory Pons : Les Suisses n’y sont pour rien ! C’est une question de propriété intellectuelle. Il y a trente ans, en 1985, un fils de famille singapourien, William Leong, héritier en troisième génération du mini-groupe horloger local Leong Poh Kee, a déposé en Suisse, pour la classe 14 (horlogerie), le nom d’« apple » et un logo à la pomme. À l’époque (1985), Apple (Cupertino) n’était qu’une toute petite entreprise informatique. Steve Jobs venait de s’en faire virer et la marque n’avait pas encore lancé son Macintosh Plus. Le nom de domaine apple.com n’était pas encore déposé. William Leong ne songeait donc pas à parasiter Apple : on m’a dit (non vérifié) qu’Apple était peut-être le nom d’une jeune fille de ses pensées – c’est en tout cas un prénom courant à Singapour – et qu’il voulait lui dédier une montre…
 
◉◉◉◉ Romantique, mais en quoi cela peut-il bloquer l’Apple Watch en Suisse ? 
Grégory Pons : La Suisse est à l’avant-garde internationale pour les questions de propriété intellectuelle. Les droits de William Leong pour une montre (classe 14) lancée sur le territoire suisse avec un logo en forme de pomme ont été scrupuleusement renouvelés et entretenus depuis le dépôt de la marque, en 1985. Business Montres – qui a révélé toute l’affaire – en a publié l’historique, ainsi que le document officiel de l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle. Apple ne peut donc pas exploiter en Suisse la moindre montre qui porterait le nom d’Apple ou un logo à la pomme. C’est énorme, innattendu et imparable ! Du moins jusqu’en décembre 2015, date de l’échéance légale de ce dépôt de marque. Ça m’explique en tout cas pourquoi Apple, qui a fait tant de bruit autour de l’Apple Watch avant le salon international des montres Baselworld, a été d’une discrétion de violette pendant ce salon – alors qu’on y attendait une incursion, même discrète. De même, la Suisse, qui compte plusieurs Apple Stores, sera privée de lancement d’Apple Watch le 24 avril. L'autre matin, Business Montres relevait que le site d’Apple Suisse n’annonçait une disponibilité de l’Apple Watch que pour « 2015 » (ce qui laisse de la marge), alors que le site français annonce prcisément « 24 avril 2015 »…
 
AppleWatch1-Businessmontres◉◉◉◉ En quoi le « petit » marché suisse peut-il intéresser un géant de l’électronique comme Apple ?
Grégory Pons : La Suisse, c’est la Mecque mondiale des belles montres et de l’horlogerie luxe. Or, Apple a basé toute sa communication sur le fait que son Apple Watch était une vraie montre, mais au superlatif, et un formidable objet du temps (timekeeper) à porter au poignet. Apple a recruté débauché une équipe horlogère au sein des marques de montres et des marques de luxe. Apple a approché différents groupes horlogers suisses pour créer des passerelles. Apple a adopté un modèle commercial proche de celui des horlogers de luxe. En termes symboliques, pour l’image et la beauté du storytelling, l’irruption d’Apple dans le réduit alpin helvétique aurait été un triomphe médiatique. Apple prouvait, dans ses Apple Stores installés à quelques mètres des plus belles boutiques de montres de cette planète, que la marque californienne était aussi un grand acteur de l’horlogerie. Ce n’est sans doute que partie remise…
 
CarteSuisse-Businessmontres◉◉◉◉ Une marque comme Apple peut-elle s’en tenir là et accepter la résistance de ce « village gaulois » au cœur de l’Europe ?
Grégory Pons : En termes commerciaux, le marché domestique suisse est négligeable, mais il a une portée bien au-delà de sa valeur symbolique. La Suisse accueille chaque année environ 500 000 touristes chinois, qui dépensent en moyenne 2 000 euros par personne en montres. C’est un potentiel fantastique. Or, il se trouve que Apple a ciblé prioritairement les Chinois, notamment les Chinoises (elles sont folles de l’iPhone et accros à la pomme) pour créer, en quelques mois, l’écosystème d’objets connectés qui rendra l’Apple Watch indispensable dans la vie quotidienne. Il s’agit pour Apple de prendre d’emblée au moins la moitié des parts du marché des smartwatches. La Chine est ici, par le nombre des possesseurs de iPhones et de fans de la marque, un levier stratégique de première ampleur. Ainsi, Apple ne peut pas se passer des touristes chinois en Suisse, qui représentent au bas mot 250 000 à 350 000 Apple Watch vendues en moins d’un an (10 % du volume annuel estimé). Il serait donc étonnant qu’Apple se contente de cette prohibition en Suisse (voir l'amusante carte en bas de la page, trouvée sur ZDNet)…
 
AppleWatchsensinterdit-Businessmontres◉◉◉◉ Que peut donc faire Apple pour contourner ce dépôt de marque ?
Grégory Pons : Aussi curieux que celui puisse paraître, il n’existe pas de définition claire pour classer les smartwatches en général, et l’Apple Watch en particulier, dans une catégorie administrative bien définie. Montre ou objet électronique ? Les douanes européennes nous ont promis une réponse avant l’été. Si l’Apple Watch est une montre, elle ne peut pas être vendue en Suisse. Si c’est un objet de poignet connecté, elle peut y être exploitée, au même titre que les ordinateurs ou les tablettes Apple. Les douanes de la Confédération réservent aussi leur réponse à ce sujet jusqu’à la décision des douanes de l’Union européenne. Il existe donc là un semblant de faille juridique. D’autre part, Apple peut (doit ?) déjà négocier avec William Leong un rachat de cette marque déposée en Suisse : ni Apple, ni William Leong ne souhaitant commenter l’information révélée par Business Montres, on peut considérer qu’il y a anguille sous roche. En tout cas, Apple a assez de trésorerie pour surpayer le rachat de sa propre marque horlogère en Suisse et William Leong aura fait la plus fantastique des meilleures bonnes affaires de sa vie. De toute façon, les cartes seront rebattues en fin d’année, quand tombera la protection attachée à la marque déposée en 1985…
 
◉◉◉◉ Comment les horlogers suisses ont-ils réagi à ces révélations de Business Montres ?
Grégory Pons : Aucune réaction officielle, de personne, mais il est vrai que l’horlogerie se remet de ses fatigues après Baselworld (salon commercialement très médiocre et moralement très éprouvant) et qu’elle est massivement partie en week-end pascal (le vendredi est férié en Suisse). Les médias suisses ont immédiatement embrayé sur ce qu’ils avaient pris, au départ, pour un poisson d’avril en retard. Cette prohibition est un répit symbolique provisoire, qui évitera aux marques suisses l’humiliation d’une parade horlogère californienne dans les rues de Genève ou de Zurich. C’est donc un Singapourien qui leur aura évité de perdre la face ! Au-delà de ce baume sur l’égo des horlogers de luxe, la première bataille pour la conquête des poignets est déjà perdue par la Suisse, qui n’a aucune parade à opposer à l’invasion massive des smartwatches sur tous les marchés du monde : à une poignée d’exception près, les marques horlogères qui ont des projets de montre connectée ont une génération de retard sur les grands noms de l’électronique. Les Suisses n’ont pas voulu croire au danger de ces « gadgets électroniques », tellement plus ringards que les montres traditionnelles et voués à une obsolescence rapide. Business Montres a estimé que l’industrie horlogère suisse pouvait perdre, avec ce tsunami des smartwatches, plus de la moitié de ses volumes d’ici à 2020. Aussi symbolique soit-il, le verrouillage providentiel et involontaire du marché suisse n’a rien qui puisse nous faire changer d’avis sur ce pronostic tragique…
 
awatch
 
 
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