CHRONAPOCALYPSE (accès libre)
« Ce qui est important, c’est de préserver l’envie d’acheter des montres et la possibilité de les acheter »
Animé par le sympathique Fabio Bonavita, « 3D Éco » (le magazine économique de la chaîne de télévision régionale Léman Bleu), se penchait hier soir sur les malheurs de l’horlogerie suisse, frappée par une crise sans précédent…
Sur le plateau, en direct et en respectant les distances sociales de rigueur, Olivier R. Müller (LuxeConsult), la rising star des consultants horlogers qui comprennent quelque chose à la situation [ils ne sont franchement pas si nombreux !] et qui constituent une « boîte à outils » très utile pour les marques, ainsi que Grégory Pons (Business Montres). En duplex et confiné, Charris Yadigaroglu, le directeur de la communication de MB&F. Meneur de jeu de ce magazine économique de Léman Bleu : l’intelligent Fabio Bonavita, toujours bienveillant, soucieux d’équilibrer les points de vue et toujours curieux d’en savoir plus.
Un débat constructif qui fait à peu près correctement le tour de la situation en une douzaine de minutes : on peut même dire que cet échange est, à ce jour, une des meilleures émissions qu’on puisse trouver sur la crise horlogère qui voit s’effondrer l’« ancien monde » sans pour autant nous donner les clés du futur « nouveau monde ». Réussir un tel débat n’était pas évident et le ton de vérité des échanges tranchait sur la langue de coton qui embrume et empâte les discussions habituelles à propos de la chronapocalypse en cours. Les lecteurs de Business Montres ne seront pas surpris de retrouver dans la discussion bon nombre des idées qui sont défendues – voire combattues – dans les pages de notre Quotidien des montres. À chacun de se faire sa propre idée sur les propos très clairs de l’un ou de l’autre de nos interlocuteurs [« très clairs » ne signifiant pas forcément très crédibles, surtout quand on voir Olivier R. Müller reprendre sans sourciller la fable de la « reprise » des ventes horlogères en Chine] ! Quelques phrases à retenir de nos interventions :
• Conjoncture : « Les patrons les plus réalistes pensent que le premier semestre 2020 est mort et que la rentrée horlogère se fera en septembre ».
• Anticipation : « La situation est pour l’instant impossible à décrypter »…
• Actualité : « Personne ne regrettera l’ancien monde horloger accéléré par le confinement »…
• Mutation : « On vient de refermer la page des années 2000 et 2010. Ce qu’il y avait avant n’existera plus. On ne sait pas ce qui va advenir. J’espère qu’on en profitera pour garder les bonnes habitudes et pour rejeter les mauvaises »…
• Ancien monde : « Ce n’est pas un problème de marques, mais un problème de culture. C’est le vieux logiciel mental qui ne nous permettra pas de reprendre et refonder l’horlogerie. (…) Si on change de logiciel, tout ira mieux, mais on est allés de crise en crise depuis 2008 et même avant »…
• Effondrement : « On aura une bonne cinquantaine de maisons horlogères au tapis d’ici à la fin de l’année, avec plusieurs milliers d’emplois supprimés (quoiqu’en disent les marques)…
• Nouveau monde : « Un nouveau monde s’offre à nous. Il faudra forcément prendre de nouvelles habitudes et promouvoir une nouvelle culture horlogère, parce qu’on va aussi changer de clients. Je ne suis pas certain que les Chinois avalent les montres suisses aussi goulûment qu’avant »…
• E-commerce : « Ces histoires de en ligne/pas en ligne, c’est du n’importe quoi. Ce qui est important, c’est de préserver l’envie d’acheter des montres et la possibilité de les acheter. L’envie, c’est-à-dire faire des montres créatives – et elles ne le sont plus. La possibilité, c’est des montres à des prix accessibles, et les prix ne le sont plus. À partir de là, on peut rêver en ligne, sur la Lune ou bien vous voulez, le problème restera le même »…
• Salons horlogers : « Baselworld se sauvera sans doute à cause de sa biodiversité horlogère [on y trouve des représentants de toute l’activité horlogère], qui et un gage de survie. Watches & Wonders (Genève) est un peu trop spécialisé et risque de chuter parce qu’on ne sait pas ce que sera le luxe demain ».