CONJONCTURE HORLOGÈRE : Krach ou crunch, le risque systémique chinois ?
Le 27 / 06 / 2013 à 11:53 Par Le sniper de Business Montres - 1382 mots
Les statistiques d'exportation se désemballent, la fièvre se calme et les boutiques se vident. La bulle horlogère se dégonfle. La convergence des indicateurs signale que, pour l'industrie horlogère, c'est aussi la fin de l'argent trop vite gagné, de l'arrogance friquée et des profits abusifs. Il est temps d'en revenir à une éthique du travail « calviniste »...
▶▶▶ ÉCONOMIE-CASINOUne bulle spéculative née de la distribution d'argent facile...◉◉◉◉ On …
Les statistiques d'exportation se désemballent, la fièvre se calme et les boutiques se vident. La bulle horlogère se dégonfle. La convergence des indicateurs signale que, pour l'industrie horlogère, c'est aussi la fin de l'argent trop vite gagné, de l'arrogance friquée et des profits abusifs. Il est temps d'en revenir à une éthique du travail « calviniste »...
▶▶▶ ÉCONOMIE-CASINOUne bulle spéculative née de la distribution d'argent facile...◉◉◉◉ On peut se demander si l'hyperconsommation chinoise n'était une simple bulle du crédit, la banque centrale chinoise ayant ouvert en grand, dès 2008, les vannes du crédit facile alors qu'elle encourageait, simultanément, les investissements spéculatifs. Du coup, les banques chinoises ont accumulé les créances douteuses et les dettes « pourries », d'autant plus dangereuses que cette bulle du crédit a fini par devenir incontrôlable. Économiquement, cette accumulation de « prêts toxiques » a emballé la machine, avec des conséquences sociales non négligeables : pour créer les nouveaux emplois nécessaires, on a arraché à leurs campagnes des dizaines de millions de ruraux (on parle de 150 millions de personnes), à la fois pour en faire des travailleurs postés et pour les transformer en consommateurs heureux promus à une accession rapide à la classe moyenne. Une nouvelle main-d'oeuve peu qualifiée, pour laquelle il a néanmoins fallu dépenser de fabuleux budgets dans les infrastructures collectives et l'urbanisation... ◉◉◉◉ Sauf que le ralentissement de la demande dans les pays occidentaux a grippé la machine et alimenté la méfiance face au surendettement des collectivités territoriales, des entreprises et des particuliers, qui ont le plus souvent spéculé qu'investi : l'industrie horlogère suisse a plus que très largement profité de cette manne financière inespérée pour se refaire après la crise de 2008-2009, dans un système économique où les montres étaient elles aussi une sorte de monnaie parallèle – plus facile à utiliser en « cadeau de corruption » que des enveloppes de billets, inutiles dans un système bancaire soviétisé. En marge du système bancaire chinois totalement étatisé, il existe un secteur parallèle de prêts, qui peut impliquer des particuliers aussi bien que des entreprises publiques, qui reprêtent plus cher des fonds prêtés moins cher par l'Etat central : ce système – qui a également incité à une consommation ahurissante des « montres de corruption » – est tout aussi devenu incontrôlable ! Les inégalités sociales se sont creusées jusqu'à devenir intolérables dans une société communiste. Comme toujours dans ce type de bulle, les gaspillages ont dilapidé des ressources précieuses et crée une sorte d'« économie-Potemkine » – en trompe-l'oeil – qui devenait trop instable pour être contrôlée efficacement... ◉◉◉◉ L'arrivée aux commandes du nouveau Politburo s'est jouée en grande partie sur cette impasse politico-économique et sur la nécessité, pour le pouvoir central, de reprendre la main sur le complexe monétaro-industriel. Priorité absolue : enrayer la spirale d'endettement et dégonfler une bulle du crédit prêt à exploser, y compris en sacrifiant à ce refroidissement brutal quelques points de croissance. C'était le signal fort adressé par la banque centrale à la fin de la semaine (Business Montres du 21 juin) : on ferme brièvement le robinet à titre d'avertissement, avant de réduire la pression de façon moins brutale. Autant dire qu'on est là loin du conjoncturel et du ponctuel : le Politburo a clairement choisi de ne plus favoriser l'enrichissement privé et de repenser toute sa stratégie de croissance économique autour d'une consommation intérieure plus frugale et d'investissements lourds dans les équipements collectifs qui créeront des emplois tout en évitant une explosion sociale des nouveaux urbains déshérités. On est, au mieux, dans une logique de stabilisation ; au pire, de décélération contrôlée (qui pourrait même se transformer en récession assumée). De quoi confirmer la durabilité du ralentissement économique (exprimé en points de croissance) et l'opprobre moral qui frappera désormais la consommation ostentatoire et les dépenses somptuaires : la Chine va changer d'icônes statutaires... ◉◉◉◉ Qu'on soit dans l'hypothèse d'un krach, qui n'est exclu par personne, ou d'un crunch du crédit, ce n'est bon ni pour les économies développées, ni pour les économies émergentes, ni, surtout [c'est le seul point de vue qui nous intéresse ici] pour une industrie horlogère suisse qui a tout misé sur le luxe et le prestige face à l'appel d'air d'une demande chinoise pas vraiment saine. Quand l'argent circule trop facilement, les prix trop élevés sont payés trop libéralement. La désintoxication prendra d'autant plus de temps que les tuyaux sont pleins, les stocks trop élevés et les boutiques vides de clients [à quoi bon investir dans une « monnaie parallèle » horlogère en phase de dévaluation ?]. La nouvelle « révolution culturelle » induite par la « ligne de masse » de Xi Jinping (Business Montres du 19 juin) va réorienter toute la consommation intérieure vers des montres plus accessibles, moins voyantes et plus « politiquement correctes » [ce qui condamne implicitement les marques de luxe qui en ont trop fait dans l'ostentation, avec trop de boutiques et trop de visibilité publicitaire]. Des montres qui seront plutôt achetées à des réseaux chinois, sur le territoire chinois, notamment dans les nouvelles zones franches commerciales qui s'apprêtent à capter l'essentiel du « globe shopping » en duty free des touristes chinois, dont on a fini par comprendre qu'ils achetaient des prix plus que des montres, et de loisirs marchands plus que de l'initiation aux trésors de la culture européenne [voir nos analyses sur l'épée de Damoclès des nouvelles lois touristiques en préparation pour le mois d'octobre]. ◉◉◉◉ Des montres, enfin, qui ne devront pas trop tricher avec le Swiss Made pour rester crédible et ne pas risquer une campagne de dénigrement qui tomberait à pic dans le climat néo-nationaliste et anti-luxe importé qui sévit dans les sphères dirigeantes chinoises : quand on voit comment l'actuelle équipe dirigeante a utilisé [manipulé ?] l'opinion publique sur Internet pour déstabiliser l'ancienne équipe en surfant sur l'indignation face à la corruption, on peut parfaitement imaginer des opérations sous la ligne de flottaison pour déconsidérer l'offre suisse et promouvoir les marques nationales – lesquelles n'attendent que ça... 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