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CONNECTIQUE : Pourquoi j'ai des doutes sur la iWatch d'Apple...

Apparemment, c'est le prochain gros coup horloger de l'année, cette iWatch préparée par Apple ! Sauf qu'on a beaucoup de mal à croire à cette histoire de montre en forme de bracelet dont parle le New York Times. En admettant que la future iWatch d'Apple ressemble à cet improbable bracelet, Apple va droit dans le mur ! Pour quelques bonnes raisons...   ◀▶ SPÉCULATIONS AUTOUR D'UNE iWATCHLa montre a ses raisons que la raison ne connaît pas... ◉◉◉ À en croire les …


Apparemment, c'est le prochain gros coup horloger de l'année, cette iWatch préparée par Apple ! Sauf qu'on a beaucoup de mal à croire à cette histoire de montre en forme de bracelet dont parle le New York Times. En admettant que la future iWatch d'Apple ressemble à cet improbable bracelet, Apple va droit dans le mur ! Pour quelques bonnes raisons...

 
 
◀▶ SPÉCULATIONS AUTOUR D'UNE iWATCH
La montre a ses raisons que la raison ne connaît pas...
 
◉◉◉ À en croire les rumeurs lancées par le New York Times, Apple serait en train de mettre au point une montre – pourquoi pas une iWatch ? – qui serait connectable à un smartphone, probablement tactile et dotée d'un écran souple qui permettrait d'obtenir une forme arrondie, du type de celle qui figure ci-dessus et qui a été imaginée par certains blogs spécialisés comme Cult of Mac. Loin de nous l'idée de croire qu'une telle montre est impossible : dès le 8 septembre dernier, Business Montres s'étonnait de la relative indifférence de la profession horlogère à la nouvelle connectique de poignet, qui est peut-être la prochaine révolution horlogère. L'avènement de nouvelles smartwatches potentielles représente en effet un danger mortel pour l'actuelle pyramide des marques horlogères, qui serait ébranlée sur ses bases si un acteur comme Apple venait à rafler, dès la première année, quatre ou cinq millions de montres : est-si difficile quand on a raflé, dès la première année de commercialisation, une dizaine de millions de tablettes numériques et plusieurs dizaines de millions de smartphones ?
 
◉◉◉ Un peu plus tard, Business Montres relançait les spéculations sur une possible smartwatch développée par Swatch, peut-être avec Apple (Business Montres du 26 novembre), peut-être sans Apple (Business Montres du 9 janvier, avec une reprise à la Radio Suisse le même jour). Depuis, cette possible révolution connectée est devenue un sujet récurrent (Business Montres du 11 février, qui rappelait la précédente incursion de Swatch sur ce terrain, avec Microsoft pour partenaire). Rien ne s'oppose donc logiquement au lancement par Apple – avec ou sans Swatch – d'un nouveau concept de smartwatch. Sauf que les pistes évoquées par la presse américaine ne nous paraissent pas réalistes.
 
◉◉◉ Il serait présomptueux de vouloir donner des leçons de marketing aux équipes d'Apple, qui ont toujours su anticiper la demande – même informulée – des consommateurs pour proposer, sur des marchés où Apple n'avait aucune légitimité (ordinateur personnel, notebook, tablette, smartphone, etc.), des solutions disruptives et séduisantes. Sauf que, précisément, en matière de montres, l'horlogerie a ses raisons que la raison (ou la déraison) marketing ne connaît pas. Même Apple peut aller dans le mur : c'est un des plus anciens fans de la marque – acheteur d'un des premiers Macintosh importés en France, à la rentrée 1984 – qui ose ce blasphème. Admettons cependant par principe que la marque à la pomme a besoin d'un nouveau terrain de jeu – donc, pourquoi pas l'horlogerie ?
 
◉◉◉ Il faut admettre que Apple est coincé sur le terrain de la montre. D'une part, il y a une forte demande, évidente dans le succès des montres connectées lancées sur le site de financement collaboratif Kickstarter : des millions de dollars souscrits témoignent de la création d'un solide marché pour les projets de montres connectés – qu'elles soient lancées par des inconnus ou par des géants de l'électronique comme Sony ou Samsung. Le succès du lancement initial du iPod Nano (carré), aussitôt restylé en montre par les geeks, a démontré ce besoin d'une montre issue de l'univers Apple : ce n'est sans doute pas un hasard si Apple a tué ce marché mort-né en lançant un iPod Nano 2 rectangulaire, impossible à porter au poignet. Il fallait faire le vide pour conserver un espace de manoeuvre réaliste. Bref, le marché s'est ouvert – sans Apple – et il serait très risqué pour la marque à la pomme – déjà très chahutée par le succès téléphonique de Samsung – de s'y risquer sans une proposition forte et clairement disruptive...
 
◉◉◉ C'est là que les équipes d'Apple pourraient se planter, en considérant la montre comme un accessoire banalisé, capable de se plier impunément à tous les concepts comme à n'importe quel design. Une montre n'est pas un terminal de poignet : on l'a souvent répété ici même, c'est beaucoup plus qu'une montre (simple objet à donner l'heure) et c'est beaucoup plus émotionnel qu'un gadget électronique (objet usuellement fonctionnel). C'est un équipement personnel, qui relève de l'intimité et qui se porte à même la peau. Extimement, cet équipement témoigne d'une personnalité dans toutes ses dimensions (socio-économiques certes, mais aussi esthétiques, culturelles et identitaires) et dans toutes ses expressions relationnelles (réseau proche, ancrage tribal, liens professionnels ou avancées amoureuses). C'est un fétiche sociétal autant qu'un porte-bonheur individuel : certains y voient même la plus haute concentration contemporaine de signifiants qui en font un sémaphore ("porteur de signes") par excellence...
 
◉◉◉ Une montre, c'est même beaucoup plus qu'un téléphone ou qu'une tablette, fussent-ils "intelligents" et bien dessinés. C'est encore plus vrai dans l'univers masculin, dont l'axiome esthétique tourne autour de l'inlassable répétition du quasi-identique [quand l'axiome de la fashion féminine serait l'inlassable renouvellement du jamais identique]. Et les geeks sont majoritairement masculins, sinon substantiellement misogynes : s'il prenait envie à Apple de lancer un bracelet comme celui qu'on découvre en haut de page, à mi-chemin entre l'anneau d'esclave dévirilisé et le gadget pour Capitaine Kirk prépubère, Apple signerait son arrêt de mort en devenant ridicule – ce qui est pire que fautil ou ringard ! Ce que Cupertino ne peut plus se permettre...
 
◉◉◉ C'est entre ces deux pôles que l'état-major d'Apple hésite, et depuis longtemps, ce qui explique le retard à l'allumage de la Pomme sur le marché de la montre connectée : impossible de faire trop banalement et impossible de faire trop différemment ! Un bel exercice de funambulisme sur le fil du rasoir... Le marché est mûr, mais Apple hésite faute de pouvoir compter sur la vista d'un Steve Jobs. Les actuelles manoeuvres de désinformation autour des iWatch dont on nous parle ressemblent trop à des opérations de maskirovska (ce camouflage déceptif dont les Soviétiques avaient fait un des beaux-arts de la géopolitique) pour qu'on les prenne très au sérieux : c'est pourquoi on peut avoir des doutes sur la iWatch préparée par Apple. Non sur son existence, mais sur sa consistance ! Il y a forcément une smartwatch dans les tuyaux, mais certainement pas celle que le Wall Street Journal pense avoir dépisté chez Foxconn (Chine), ni celle évoquée par le New York Times.
 
◉◉◉ Cette approche rationnelle est aussi celle de Bruce Tognazzini, qui démontre avec une logique implacable – et avec un brio convaincant – pourquoi Apple doit lancer une iWatch [essentiellement pour "combler une niche béante dans l'écosystème d'Apple"], mais le rationnel et les arguments déductifs ne sont plus au coeur du débat. Tous les journalistes ont ici raisonné en termes de solutions techniques (l'utilisation d'iOS, la technologie des écrans souples, etc.), alors que le problème posé est purement marketing : pour reprendre le logiciel mental de Steve Jobs, il ne faut pas penser "à l'intérieur" du cadre défini par les autres, mais "en dehors des clous", out of the box ! La vérité est ailleurs, comme il se doit avec Apple, qui a toujours déboulé là on n'attendait pas la marque : autant on pourrait se réjouir à l'avance de voir celle-ci reformater à son profit et repolariser autour d'elle le marché des montres d'entrée de gamme [au risque de voir cette mutation – non-anticipée par les marques de montres concernées – disloquer l'ancien ordre industriel suisse], autant on serait effondré, et même pire, de voir Apple jouer petit bras et profil bas sur ce terrain stratégique, alors que son prestige boursier s'érode et que ses concurrents sont loin d'être K.O...
 
◉◉◉ Maintenant, et pour conclure, une dernière évidence marketing : s'il ne nous appartient pas de préciser aux équipes d'Apple quelle montre elles doivent lancer [on voit beaucoup mieux ce qui ne marcherait pas plutôt que ce qui serait un succès foudroyant], il existe pourtant une assurance vie qui garantirait impact émotionnel et disruption culturelle à une échelle mondiale, dans un grand fracas marketing provoqué par la réaction nucléaire d'une fission-choc entre deux univers. Ce serait [certains diront que c'est une manie chez nous !] une spectaculaire opération de co-branding entre Apple et Swatch : la nouvelle smartwatch symboliserait la fusion de l'avant-garde électronique américaine avec la tradition mécanique suisse. L'ancien et le nouveau monde au poignet. Deux des dix plus célèbres marque du monde unissant leurs forces dans le même objet pour nous projeter dans le vrai XXIe siècle. Deux images fortes pour un concept définitif !
 
◉◉◉ Il y a tout juste trente ans, Nicolas Hayek avait osé reformuler le destin de toute la montre suisse sur la base d'une équation plastique-quartz – équation totalement improbable à l'époque et décalée vers l'inaudible absolu. Le pari visionnaire serait aujourd'hui – pour les deux marques – de repenser les trente prochaines années sur la base d'un nouveau paradigme communication-identité, qui serait un Smart Swatch, ou un iSwatch [noms déposés par Swatch], ou une ApSwatch – appelez-la comme vous préférez. Seule la marque Swatch peut épauler Apple en lui donnant cette légitimité horlogère et cette onction de qualité sans lesquelles on ne fait que de la figuration au rayon gadgets électroniques. Seule la marque Apple peut aider Swatch à se doter de cette légitimité hig-tech et de cette aura design sans lesquelles on n'est plus pris au sérieux par la génération connectée. Ne rêvons pas : comme on l'a dit plus haut, le marketing a ses raisons que la raison ignore...
G.P.
 
 
QUELQUES SÉQUENCES RÉCENTES
DE L'ACTUALITÉ DES MONTRES ET DES MARQUES...
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