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DROIT DE RÉ>PONS #1 (accès libre) : 450 emplois virtuellement détruits en un mois, pas inquiétant, vraiment ?

Une accalmie pas inquiétante ? Vous avez bien entendu : « Pas inquiétante ». Moi, c’est cette déclaration de la FH suisse que je trouve inquiétante : moins 10 % en volume, c’est 260 000 montres de moins en un seul mois. On garde des emplois et on crée des usines en produisant beaucoup de montres, pas en produisant de la valeur...   ••• Avec la production actuelle (nombre de montres suisses par le nombre d’emplois), 260 000 montres, ça fait 450 emplois qui vacillent sur un seul mois. Et ce mois n’était sans doute que le premier d’une longue série, …


Une accalmie pas inquiétante ? Vous avez bien entendu : « Pas inquiétante ». Moi, c’est cette déclaration de la FH suisse que je trouve inquiétante : moins 10 % en volume, c’est 260 000 montres de moins en un seul mois. On garde des emplois et on crée des usines en produisant beaucoup de montres, pas en produisant de la valeur...

 
••• Avec la production actuelle (nombre de montres suisses par le nombre d’emplois), 260 000 montres, ça fait 450 emplois qui vacillent sur un seul mois. Et ce mois n’était sans doute que le premier d’une longue série, puisque tout indique que nous entrons dans un cycle de crise dont personne ne voit clairement comment sortir à court terme.
 
••• Un décrochage est en cours. Il a commencé il y a quelques mois, on peut le vérifier dans les chiffres de production, mais le phénomène a été masquée – volontairement – par l’exportation des montres les plus chères : depuis quatre ou cinq mois, l’illusion statistique est entretenue par 50 000 montres à plus de 3000 CHF, qui correspondent aux livraisons actuelles de commandes anciennes, et non à la santé du marché. Ce décrochage est on ne peut plus naturel sur un marché du luxe par nature cyclique. Plusieurs explications à ce triple décrochage :
 
1)    L’économie mondiale : ça ne va bien ni aux Etats-Unis, ni en Europe, ni même en Asie ! Les économies mondiales plongent parce qu’elles sont plombées par les dettes des Etats-providence et des sociétés d’assistance. Comme la Chine s’était imposée comme l’atelier du monde, la Chine freine aussi : on lui commande beaucoup moins de produits qu’en période de croissance. Même un gamin le comprendrait...
 
2)    Le décrochage chinois : on ne va pas revenir sur la campagne anti-corruption, clairement ciblée sur les montres suisses (Business Montres en a souvent parlé). Le changement d’équipe gouvernementale gèle tout jusqu’à la mi 2013, mais, même après, ça ira mal : la Chine a grandi trop vite et elle est entrée trop vite dans l’ère des réseaux sociaux, qui rendent impossible le contrôle totalitaire de l’opinion et du système d’information. Le pire ennemi du national-communisme au pouvoir, c’est Weibo, le réseau social chinois. On peut donc s’attendre au pire, voire à un éclatement d’un marché de toute façon proche de la saturation...
 
3)    La mutation sociétale en cours : même les consommateurs chinois semblent fatigués de l’omniprésence-omnipotence des marques et de l’obscénité marketing de la société d’abondance. Le luxe de masse est une chimère qui ronge et qui détruit les marques, comme Louis Vuitton ou même Omega sont en train de le constater en Chine. Les consommateurs du monde entier sont en train d’émerger : un nouveau monde s’ouvre devant nous. Pas sûr qu’on ait autant besoin de marques ou de montres... Ou, du moins, on aura toujours besoin de marques et de montres, mais ce seront d’autres marques et d’autres montres, pour d’autres consommateurs, à d’autres prix et avec d’autres motivations d’achat.
 
••• Plus question de compter sur la Chine pour stimuler la reprise : c’était un pistolet à un coup, pas un pistolet automatique. Pas question de compter sur une reprise spontanée avant un certain temps : il va d’abord falloir éponger les stocks parce que, tout en sachant que la crise arrivait, tout le monde a bourré les tiroirs et accumulé les stocks pour ne pas envoyer de messages négatifs aux marchés financiers. Quand on dit tout le monde, ça veut dire les groupes cotés, les autres devant suivre sous peine de passer pour des minables.
 
••• Alors, crise ou pas crise ? Laissons ceux qui n’y croient toujours pas [chacun est libre], et pensons plutôt à la sortie de crise... Alors, la reprise dans six semaines. Sans doute pas, il ne faut pas rêver ! Dans six mois ? Il nous faudrait beaucoup de chance : dans six mois, la Fédération horlogère aura peut-être commencé à trouver inquiétante la situation. Et les stocks resteront au plus haut, avec toute la production de la fin 2012 en guise de cerise sur le gâteau. Alors... La reprise dans six trimestres ou dans six ans ? On préfère ne pas y penser. Mais pas question de se réjouir de cette « accalmie » (comme dit la FH) et ce décrochage qui devrait nous permettre de tirer, enfin, les leçons de la crise – ce que nous n’avions pas fait en 2008-2009.
 
••• Tirer les leçons de la crise, c’est changer nos mauvaises habitudes, sortir de notre paresse créative, fendre l’armure de nos conformismes, réviser nos procédures de travail, renoncer à nos illusions statistiques comme à nos coefficients ridicules.
 
••• Le chantier est immense : nous ne sommes pas encore entrés dans le XXIe siècle : il serait temps (en Europe, on y entre toujours dix-quinze après le millésime : 1715, 1815, 1914, 2012 ?). Le vieux monde horloger est fatigué : place aux nouvelles idées et aux nouveaux acteurs, seuls capables de nous proposer de nouveaux publics pour de nouvelles montres. Souvenons-nous des années 1910 : sans révolution technologique, l’horlogerie est massivement passé de la montre de poche à la montre-bracelet. Quelques marques y ont laissé leur peau, quelques-uns y ont imposé leur vision, la plupart ont survécu en acceptant cette mutation. Souvenons des années quartz : face à une révolution technologique, nous avons trouvé les moyens de faire revivre l’horlogerie mécanique. Les défis ne sont pas moindres, celui que nous lancent les montres « connectées » comme celui que nous lancent les jeunes générations, qui utilisent leur Smartphones comme des montres.
 
 
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