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ENCHÈRES @2013 : La légende Aurel Bacs (Christie's) à l'épreuve des ventes 2013 – #2

Cette année horlogère sera-t-elle celle de « Magic Aurel » ou celle de « Super Bacs » ? Dans tous les cas, ce sera une année Christie's, tant le marteau de ce surdoué des enchères emballe les ventes. Comment voit-il le climat des salles horlogères en 2013 ? Ses réponses à nos dix-sept questions, parfois très personnelles...   Pour la première partie de cet article et le bilan comparatif des ventes 2012 entre les différentes maisons d'enchères (Christie"s, Sotheby's, Antiquorum) :


Cette année horlogère sera-t-elle celle de « Magic Aurel » ou celle de « Super Bacs » ?

Dans tous les cas, ce sera une année Christie's, tant le marteau de ce surdoué des enchères emballe les ventes. Comment voit-il le climat des salles horlogères en 2013 ? Ses réponses à nos dix-sept questions, parfois très personnelles...

 
 
Pour la première partie de cet article et le bilan comparatif des ventes 2012 entre les différentes maisons d'enchères (Christie"s, Sotheby's, Antiquorum) : Business Montres du 20 février...
 
 
 Le développement en 2013 des enchères pour les montres de collection ?
 Aurel Bacs : Sur la base des tendances marquées de 2012, il me semble que nous poursuivrons l'actuelle croissance de la demande pour des montres de qualité – une qualité assise sur la marque, le modèle, la rareté, la complication, l'état d'origine et la provenance. L'équation est simple : si on est proche du 10/10 dans chacune des catégories de cette qualité, on dépassera le million de dollars. Pour 2013, je ne crois pas à une augmentation substantielle du nombre des nouveaux acheteurs, mais plutôt à une pression des collectionneurs avérés pour augmenter la qualité des pièces qu'ils collectionnent. Ce qui pose un problème : on trouvera aussi sur ce marché de moins en moins de vendeurs de pièces exceptionnelles, puisque ces collectionneurs savent qu'ils ne pourront pas retrouver des pièces équivalentes à celles qu'ils auraient vendues. On en déduira que, selon les lois de l'économie, quand il y a peu de vendeurs et beaucoup d'acheteurs, la cote des bonnes montres disponibles explose : il faut ainsi s'attendre à de nouveaux records…
 
❏ Tôt ou tard, de nouvelles collections arriveront forcément sur le marché…
 Aurel Bacs : Sans doute, mais le nombre impressionnant des collectionneurs actifs dans le monde entier permet facilement d'absorber la dispersion de quelques grandes collections. Je connais bon nombre de ces collections et je sais que les plus belles trouveront preneur sans difficulté, compte tenu de la demande, le jour où elles arriveront sur le marché. C'est pourquoi je suis dès optimiste sur l'année 2013 pour les montres de collection.
 
❏ Un marché de collectionneurs ou un marché d'investisseurs ?
 Aurel Bacs : La force motrice de notre marché reste les collectionneurs, mais la frontière entre investisseurs [ceux qui recherchent un bénéfice] et collectionneurs [ceux qui recherchent un plaisir personnel] est de plus en plus ténue. Si un collectionneur possède une belle montre en parfaite condition, estimée disons 500 000 CHF, il ne peut s'empêcher de tenir compte de cette valeur monétaire potentiellement réalisable : il a envie d'être rassuré à la fois sur le maintien de cette valeur et sur la qualité de son achat dans une logique de préservation de son patrimoine. Le collectionneur doit donc intégrer la valeur de cette montre à moyen et à long terme. Sans pour autant se muer en investisseur pur, puisque son dividende premier, c'est sa satisfaction personnelle ! Il doit donc prendre en compte des considérations financières qui ne relèvent pas de la seule passion horlogère et de l'amour des montres. Il n'en demeure pas moins que le réflexe premier est guidé par cette satisfaction intime et par la passion de la collection, et non par la gestion d'un patrimoine…
 
❏ Quelles pourraient être les marques fortes de 2013 ?
 Aurel Bacs : Patek Philippe, inutile de le préciser, mais Rolex pourrait faire d'autres gros scores. En 2012, c'est l'envolée de la cote des Rolex qui a marqué les esprits, avec l'établissement de plusieurs record du monde (comme celui de la Submariner réf. 6538, la plus chère jamais vendue aux enchères). 2013 devrait prolonger cette envolée pour la marque. La liste des marques à suivre ne cesse malgré tout de s'allonger : Vacheron Constantin et Jaeger-Lecoultre sont à surveiller, mais aussi Panerai pour ses montres de plongée historiques, toujours très recherchées…
 
❏ Quels sont les "bons plans" horlogers ?
 Aurel Bacs : La cote des montres vintage reste soutenue, pour plusieurs raisons. Il y a cinquante ou soixante ans, la production suisse de montres de prestige était beaucoup plus restreinte qu'aujourd'hui : il en reste donc très peu sur le marché. Cette production réduite était beaucoup plus artisanale que réellement industrielle : c'est un facteur humain non négligeable. La patine de ces montres reste magnifique, désirable et difficile à imiter. C'est pourquoi il me semble que toutes les montres vintage sont d'excellents achats, au-delà même de la considération qui s'attache à telle ou telle marque, dès lors que les montres considérées sont dans un excellent état d'origine...
 
❏ Quel parallèle entre la collection des voitures et des montres ?
 Aurel Bacs : Dans les deux cas, le nom de la marque joue un rôle clé. Avec Patek Philippe et Rolex, on est sûr de ne pas se tromper. Même si toutes les marques ne se valent pas. Le modèle joue également un rôle important : pourquoi une Ferrari 250 est-elle plus recherchée qu'une TC 330 ? Pourquoi préfère-t-on un V 12 Ferrari ? Pour les montres, un chronographe à rattrapante sera toujours privilégié par rapport à une montre "normale" : la complexité mécanique est toujours plus valorisée par le collectionneur. Le troisième facteur reste la rareté, le quatrième étant l'originalité, au double sens de différence et d'état d'origine : une Patek Philippe ou une Rolex dont le cadran a été remplacé aura toujours moins de valeur qu'avec un cadran originel. On a évoqué plus haut la provenance : le pedigree (collections précédentes, anciens propriétaires prestigieux) joue désormais un grand rôle…
 
❏ Vous-même, quel est votre rapport aux voitures et aux montres ?
 Aurel Bacs : Ce sont tout simplement les deux plus beaux objets que je puisse utiliser. À l'origine, ils étaient fonctionnels : aller d'un point A à un point B, donner l'heure. Par la suite, ces objets ont dépassé cette finalité utilitaire pour atteindre au statut d'oeuvre d'art, témoins d'un savoir-faire particulier (conception, ingénierie, fabrication). Mon propre père était un amateur de montres et un aficionado des voitures, qui pilotait lui-même dans les années 1960. Quand c'est devenu trop dangereux pour lui, il a cessé de courir et il s'est lancé dans la collection des voitures anciennes. Ce qui a eu beaucoup d'influence sur ma double passion des montres et des voitures…
 
❏ Après dix ans de Christie's, cette passion ne s'est-elle pas émoussée ?
 Aurel Bacs : Chaque vente aux enchères est une nouvelle aventure. Il faut se battre pour obtenir chaque lot du catalogue. J'ai dispersé plus de 10 000 montres de collection, mais je n'ai que très rarement vendu deux fois la même pièce : à peine 1 % de "mes" montres sont dans ce cas. Chaque journée a son lot de surprises : j'aime ce que je fais et, dix ans plus tard, je suis toujours heureux d'apprendre de nouvelles informations sur les modèles ou sur leurs variantes. J'ai récemment vendu la Rolex-Tiffany réf. 6538 qui a établi un nouveau record du monde. En découvrant la montre, j'étais sceptique sur son authenticité, ou du moins sur son état d'origine (image ci-dessus). Après des heures de recherche, jour et nuit, en étudiant le cadran et la patine, j'ai fini par me convaincre que cette montre était non seulement "bonne", mais surtout unique…
 
❏ Imaginons-nous en 2020 : le marché est-il toujours dominé par Patek Philippe ?
 Aurel Bacs : On connaît les dix plus grands peintres impressionnistes. On connaît les dix plus belles marques de voitures. On a donc une idée précise des dix plus belles manufactures d'horlogerie : les meilleurs ne se disqualifient pas du jour au lendemain ! En 2020, il y a donc toutes les chances pour que Patek Philippe soit toujours au sommet et batte de nouveaux records, même si d'autres marques – comme Rolex – peuvent entrer dans cette course au sommet. La bonne question à se poser, pour cette échéance de 2020, c'est de savoir si la Chine et l'Inde seront devenues des nations de collectionneurs : j'ai le sentiment que le nombre des amateurs-enchérisseurs va y exploser en croissant de façon exponentielle. Je crois aussi au développement des plateformes de vente en ligne, avec quelques évolutions sensibles dans les enchères telles que nous les pratiquons : peut-être vendrons-nous avec des adjudications chronométrées, à Shanghai, à Moscou ou à Rio de Janeiro. Et je ne doute pas que des montres puissent être adjugées au-delà des 10 millions de dollars. Aujourd'hui, une seule Rolex a pu dépasser le million de dollars : combien dans dix ans auront franchi cette barre ?
 
❏ Pourquoi Patek Philippe, encore et toujours Patek Philippe ?
 Aurel Bacs : Eh oui, on ne se lasse pas de Patek Philippe ! Tentons une analogie avec le monde de l'automobile. Pourquoi tous ces records d'enchères battus par des Ferrari ? Parce que le produit reste très fort en plus de la puissance de la marque : le produit est tout aussi crédible que la marque. Une crédibilité qui se bâtit sur des siècles (l'histoire de Patek Philippe court déjà sur trois siècles, les XIXe, XXe et XXIe siècles). Depuis 1839, la marque n'a cessé de produire des montres exceptionnelles, sans déroger à ses valeurs fondamentales dans le cadre d'une propriété familiale établie maintenant depuis huit décennies. Patek Philippe a compris avant tout le monde que les montres n'étaient pas de simple garde-temps, mais des objets de collection : la marque a donc choisi très tôt de défendre et de valoriser son patrimoine, en rachetant des montres importantes pour son musée privé et en faisant la pédagogie de ce patrimoine. Ce qui lui a valu le respect des collectionneurs, trop heureux de pouvoir non seulement faire réparer leurs montres anciennes, mais aussi de pouvoir les certifier par des extraits des archives. Pionnière dans cette oeuvre culturelle de défense patrimoniale et soucieuse d'aller à la rencontre de la demande des collectionneurs, la marque Patek Philippe a su maintenir quelques longueurs d'avance sur les nouveaux prétendants à l'excellence patrimoniale…
 
❏ A. Lange & Söhne (5 000 montres) est pourtant une marque plus exclusive que Patek Philippe (45 000 montres)...
 Aurel Bacs : J'ai beaucoup de respect pour ce que A. Lange & Söhne a produit au cours de ces vingt dernières année, qui ont vu la marque se repositionner sur le marché, mais je dois constater que, dans les décennies 1930 à 1960, la maison A. Lange & Söhne n'a pas vraiment cru au marché de la montre-bracelet. Ce qui explique qu'il y en ait relativement sur le marché et que les collectionneurs ne les recherchent pas, alors que, pour eux, ces années 1930 à 1960 sont une sorte d'âge d'or des montres-bracelets. Pour la collection de montres vintage, A. Lange & Söhne n'a pas la même richesse de collections à proposer, ni la même profondeur historique que Patek Philippe, qui peut se flatter de 180 ans de production ininterrompue de très belles montres...
 
❏ À brûle-pourpoint, quelle Patek Philippe pour Aurel Bacs : Calatrava ou Nautilus ?
 Aurel Bacs : Nautilus (j'en porte une au quotidien)…
 
❏ Chronographe ou répétition minutes ?
 Aurel Bacs : Répétition Minutes, parce que c'est plus discret et parce que le novice n'en imagine pas la complexité, du moins tant qu'il n'a pas retourné la montre pour en apprécier le mécanisme...
 
❏ Submariner ou Milgauss (chez Rolex) ?
 Aurel Bacs : La Submariner pour son histoire, la Milgauss pour son exclusivité...
 
❏ Bracelet cuir ou bracelet NATO ?
 Aurel Bacs : Cuir !
 
❏ Ferrari Daytona ou Maserati Ghibli ?
 Aurel Bacs : Je prendrais bien les deux !
 
❏ Une journée avec Paul Newman et une journée avec Steve McQueen ?
 Aurel Bacs : Clairement, les deux à la fois !
Propos recueillis par Edmond Saran (Le Monde Edmond),
adaptés par Grégory Pons
et validés par Aurel Bacs.
 
 
À LIRE : épisode #1, Business Montres du 20 février... 
 
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