> 


ENCHÈRES AUTOMNE 2012 #1 : La résurgence d'une collection chinoise inconnue

Quand on vous sort de nulle part une telle série de montres émaillées, on commence à croire aux miracles : c'est sans doute la plus belle collection de montres émaillées jamais proposée en salle de ventes depuis la dispersion de la collection Sandberg. À l'époque (2001), les amateurs chinois n'étaient pas aussi excités qu'aujourd'hui... Là, ça va être de la folie...   ••• Cette collection exceptionnelle sera dispersée en novembre chez Christie's, mais les amateurs européens et américains sont déjà …


Quand on vous sort de nulle part une telle série de montres émaillées, on commence à croire aux miracles : c'est sans doute la plus belle collection de montres émaillées jamais proposée en salle de ventes depuis la dispersion de la collection Sandberg. À l'époque (2001), les amateurs chinois n'étaient pas aussi excités qu'aujourd'hui... Là, ça va être de la folie...

 

••• Cette collection exceptionnelle sera dispersée en novembre chez Christie's, mais les amateurs européens et américains sont déjà sur les dents tellement ces pièces – il n'y en aura qu'une quinzaine – sont à la fois d'une immense intérêt horloger, d'une valeur historique considérable et d'une qualité d'exécution irréprochable. D'avis d'expert [il n'y en a pas tant que ça], c'est de la "marchandise de musée" et un ou deux de ces lots du futur catalogue doivent être parmi les plus belles montres émaillées qu'on connaisse dans le monde... ••• L'image ci-dessus n'est qu'un clin d'oeil provisoire, saisi à la volée, en attendant une présentation plus détaillée de cette collection, dans les jours et les semaines à venir. Il faudrait presque un livre illustrer pour détailler toutes les richesses de ces pièces, jamais dévoilées depuis leur sortie de Chine, voici un demi-siècle, jamais vues par la communauté des collectionneurs [elles dormaient dans un coffre] et jamais proposées en salle d'enchères... ••• Les signatures de ces montres du XIXe siècle sont très réputées : Bovet, bien sûr, qui était alors tellement influent sur le marché que le mot et l'idéogramme correspondant à "Bovet" signifiait "montre", mais aussi des maîtres comme Piguet & Meylan, Ilberry, Vaucher ou Clerc). On trouve dans cet ensemble quelques paires rarissimes (en miroir inversé), souvent dans leur écrin chinois d'origine, certaines ayant même conservé les clés de remontage assorties au décor de la montre – ce qui est tout aussi rarissime. La fraîcheur des émaux, leur facture esthétique et leur conservation parfaite sont proprement stupéfiantes, surtout avec la signature de Jean-François Victor Dupont, qui n'acceptait de signer que quelques-uns de ses chefs-d'oeuvre. Les boîtiers sont un régal d'orfèvrerie appliquée aux objets du temps. Ouvrir ces montres révèle, pour certaines, des mouvements comme neufs, dont les finitions vont faire honte aux maisons qui prétendent aujourd'hui à l'excellence dans le domaine de l'anglage ou du poli bloqué : les maîtres-horlogers du passé allaient très loin pour séduire la clientèle des mandarins de la cour impériale, sinon l'empereur lui-même...

••• Cette collection (courte) est un concentré de tout ce que les amateurs contemporains peuvent aimer dans les "montres chinoises" – c'est-à-dire les montres suisses vendues au XIXe siècle sur un marché chinois qui se résumait, il est vrai, à celui des élites impériales, friandes de montres mécaniques superlativement décorées depuis le XVIIe siècle. Beaucoup de ces "montres chinoises" – celles qui ont enrichi par la suite les collections européennes – ont été volées ou pillées lors des différentes convulsions de l'empire chinois finissant : le "sac du Palais d'Eté" par la soldatesque franco-britannique (1860) est resté célèbre pour la quantité incroyable de montres raflées à titre de "butin de guerre" par les Européens. Après l'abdication du dernier empereur Qing (1912), la République chinoise de Sun Yat-sen, puis le régime communiste, devaient confisquer les dernières pièces qui restaient dans les riches familles chinoises pour les faire théoriquement entrer dans les collections de l'Etat... ••• Pourquoi théoriquement ? Parce qu'en Chine, rien n'est jamais limpide, ni définitif. Disons que la notion de patrimoine public était élastique, que les collections de l'Etat étaient relativement poreuses et que, dans un pays qui a érigé la corruption en principe moteur de la société, il est toujours possible de s'arranger. Cette collection – sans équivalent connu en Occident [du moins pour ce qu'on peut en savoir] – a été constituée en Chine même et en Orient, dans les années 1950 à 1970. La provenance de ces objets n'est pas précisée, mais on doute qu'elle soit strictement légale, toutes les importations de ce type étant alors prohibées par la bureaucratie communiste. Jetons un voile pudique sur les filières qui ont permis à ces montres d'arriver entre les mains d'amateurs européens aussi débrouillards qu'éclairés... ••• Le fait nouveau, qui risque d'enflammer les enchères pour cette partie d'un catalogue qui comptera bien d'autres surprises, c'est la nouvelle avidité des collectionneurs chinois pour ce qu'on appelle des "montres chinoises" – soit des montres de poche réalisées en Suisse pour le marché chinois. En 2001, lors de la dispersion Sandberg, le dégel post-communiste n'avait pas encore emballé l'économie néo-capitaliste chinoise. Depuis onze ans, des fortunes considérables se sont édifiées : elles cherchent aujourd'hui à s'investir dans des objets d'art qui soient à la fois "historiques" et enracinés dans la culture chinoise. Les montres de poche le sont plus que tout autre artefact occidental. Depuis quelques années, les enchères horlogères voient les amateurs asiatiques s'arracher les moindres montres de poche décorées, à des prix souvent sans rapport avec la qualité réelle des lots ou de l'émaillage, sinon avec l'authenticité ou l'intégrité historique de la montre ! ••• Facteur supplémentaire d'emballement des enchères pour cette collection : outre son caractère exceptionnel et d'une légitimité incontestée, c'est l'ambiance néo-nationaliste qui règne en Chine, notamment dans les milieux d'affaires, où les milliardires les plus en vue jouent à plus patriote que moi, tu meurs ! Le changement d'équipe gouvernementale dans la foulée du 18e Congrès du Parti communiste chinois ne fera qu'attiser cette fièvre, doublée par le désir classique de "se faire bien voir" du nouveau régime tout en se faisant pardonner des montagnes d'argent pas toujours régulièrement acquises. La provenance chinoise de ces pièces les rend encore plus précieuse aux yeux des riches collectionneurs locaux, dont certains auront à coeur de les offrir à l'Etat pour les voir réintégrer les collections nationales dont elles n'auraient pas dû sortir. ••• Bref, tout est en place pour une compétition féroce, non seulement entre amateurs asiatiques, mais aussi entre Chinois et Européens : il serait étonnant que le musée Patek Philippe ou que la marque Bovet, de concert avec quelques collectionneurs/investisseurs européens, laissent échapper sans réagir quelques pièces majeures de cette collection hors normes. On peut déjà se dire que le madré Aurel Bacs ne se contentera pas de compter les points pour arbitrer ces duels...

 
Partagez cet article :

Restez informé !

Inscrivez-vous gratuitement à notre newsletter et recevez nos dernières infos directement dans votre boite de réception ! Nous n'utiliserons pas vos données personnelles à des fins commerciales et vous pourrez vous désabonner n'importe quand d'un simple clic.

Newsletter