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ENCHÈRES AUTOMNE 2012 #19 : Conclusion provisoire avec Sotheby's qui se redresse

Rapport d'étape (provisoire) à l'issue de la vente Sotheby's, qui a prouvé une intéressante résilience...Si le marché n'est plus aussi fougueux, il reste plus nerveux que jamais. La vraie qualité se paie au prix fort, mais le filon des belles pièces n'est-il pas en train de s'épuiser ?   ◀▶ SOTHEBY'S SAUVE LES MEUBLES Geoffroy Ader et Tim Bourne sauvent leur tête avec une vente encourageante... □□□ Après deux ventes franchement ratées, sinon désastreuses, il y avait le …


Rapport d'étape (provisoire) à l'issue de la vente Sotheby's, qui a prouvé une intéressante résilience...Si le marché n'est plus aussi fougueux, il reste plus nerveux que jamais. La vraie qualité se paie au prix fort, mais le filon des belles pièces n'est-il pas en train de s'épuiser ?

 

◀▶ SOTHEBY'S SAUVE LES MEUBLES Geoffroy Ader et Tim Bourne sauvent leur tête avec une vente encourageante... □□□ Après deux ventes franchement ratées, sinon désastreuses, il y avait le feu dans la maison Sotheby's. Il fallait absolument faire mentir le vieil adage "Jamais deux sans trois" : le marché n'aurait définitivement pas pardonné une troisième prestation de bas niveau. On a donc évité le pire, même si, comme le dit le président Obama, "le meilleur reste à venir". Geoffroy Ader n'aura pas ménagé sa peine pour polir et repolir un catalogue dont on espérait qu'il était désormais sans scories : la vente a prouvé qu'il n'en était rien et que le marché est plus que jamais encombré de pièces douteuses dont il est urgent de purger les circuits. Si les marchands "savent" [ou croient savoir] que telle montre est suspecte, pourquoi pas l'auctioneer, qu'on suppose expert et auquel les collectionneurs accordent leur confiance ? On peut donc considérer que Geoffroy Ader a sauvé sa tête en même temps que la réputation de Sotheby's, qui aura réalisé 7,9 millions de CHF – moins que les 8,4 millions d'Antiquorum ou 3,5 fois moins que les 27 millions de Christies – avec 87,3 % de vente pour les 313 lots du catalogue (soit une valeur moyenne de 29 000 CHF par lot vendu, ce qui double pratiquement la performance des séances précédentes (on est loin au-dessus d'Antiquorum, mais c'est tout de même 2,5 fois moins que Christie's)... □□□ Responsable international du département Montres, Tim Bourne au pupitre était une des bonnes surprises de la dispersion : excellent dans un style plus "forgeron" (côté marteau) que mondain, il constituait un relais idéal pour reposer Geoffroy Ader, qui se réservait pour les meilleurs lots, comme la Patek Philippe réf. 2524 "pièce unique" (lot n° 158 : 542 000 CHF par téléphone à un enchérisseur asiatique), la Patek Philippe réf. 2438 (lot n° 156 : 278 000 CHF à un amateur européen) ou la Vacheron Constantin répétition minutes pièce unique (lot n° 248 : 242 000 CHF, peut-être au musée de la marque). Des résultats qui ne sont pas aussi spectaculaires qu'ils semblent l'être et qui constituent même, à y regarder de plus près, un certain tassement des cotes les plus élevées pour des montres qui se seraient mieux vendues en d'autres temps ou dans d'autres salles : on se souviendra, par exemple, des 341 000 CHF payés pour cette même Vacheron Constantin il y a sept ans (30 % de perte en francs constants). □□□ Quelques bonne surprises tout au long de la vente, comme les 122 000 CHF du lot n° 72 (le chronographe Universal 24 heures, estimé 40 000-60 000 CHF : Business Montres du 17 octobre), le bon comportement des "bonnes" Rolex Daytona [et la non-vente des "mauvaises" ou des "douteuses"], les 40 000 CHF de la "fraise" émaillée du lot n° 102 (estimée 8 000-12 000 CHF : Business Montres du 13 novembre), les 32 000 CHF du lot n° 127 (la Tank Cartier de l'ex-mannequin Editha Dussler, estimée 7 000-10 000 CHF), les 58 000 CHF du lot n° 154 (une "Cioccolatone" Vacheron Constantin, estimée 24 000-40 000 euros), les 27 000 CHF du lot n° 188 (une rare Rolex Submariner militaire de 2011, estimée 15 000-20 000 CHF, ci-dessus, avec le marquage du Special Reconnaissance Regiment), les 30 000 CHF du lot n° 206 (une montre de poche de John Arnold, estimée 10 000-15 000 CHF, dont quelques amateurs avisés, dont l'enchérisseur allemand, avaient remarqué l'intérêt horloger), les 11 000 CHF du lot n° 216 (une sublime Audemars Piguet extra-plate en platine, probablement pièce unique, estimée 4 500-6 500 CHF : ci-dessous) ou les 278 000 CHF du lot n° 256 (une chronographe Patek Philippe réf. 530, estimé 100 000-150 000 CHF)...

 □□□ Pour résumer, Sotheby's a sauvé la face, mais on mesure à quel point la route sera longue pour recoller au peloton de tête. Le changement de salle n'était sans doute pas le plus heureux de tous les changements de la journée [mais il fallait bien libérer la place pour les ventes de joaillerie, autrement plus lucratives que celles d'horlogerie]. L'animation audiovisuelle mérite toujours d'être repensée [on est là aux limites de la faute professionnelle]. La sélection des montres proposées aurait pu être encore plus rigoureuse [mais il faut se souvenir qu'on frôlait les 40 % d'invendus à la dernière vente]. Le scénographie et le jeu de scène des acteurs reste à perfectionner. Et ainsi de suite. Tous les espoirs reposent désormais sur la vente de New York, qui aligne quelques lots-phares dont nous reparlerons. En fin d'année, le département Montres de Sotheby's – qui a déjà engrangé 30,3 millions de ventes, mais en consolidant dans ce résultat les montres de George Daniels, vendues par un autre département – devrait repasser devant Antiquorum et reprendre sa seconde place, loin derrière Christie's...

◀▶ UNE SESSION D'AUTOMNE SUR LE FIL DU RASOIR Les enseignements à tirer d'une enchère globale à 44 millions... □□□ En temps de crise, 44 millions de francs suisses, c'est beaucoup ! Sauf qu'on aurait sans doute dépasser les 50 millions, à catalogue égal, voici un an. Le marché s'est donc calmé : il est, comme l'a écrit Business Montres (13 novembre), beaucoup moins exubérant et plus du tout explosif, même s'il reste très actif pour les belles pièces. L'arbre des records – qui n'ont d'ailleurs pas battu l'ancien record du monde d'Osvaldo Patrizzi, qui remonte tout de même à dix ans – ne doit pas cacher la forêt du recul général des cotations sur le long terme, sauf pour les pièces les plus désirables, qui avaient l'atout d'être inconnues du marché et potentiellement bankables : chez les collectionneurs, la passion n'exclut jamais le raisonnement. □□□ La question qu'on peut se poser reste celle des relais de croissance. Si Patek Philippe a confirmé son écrasante suprématie sur ce marché des enchères, on peut estimer que Rolex n'a toujours pas pris la place de remplaçant qu'on lui promet, ni d'ailleurs les autres marques avec lesquelles le marché avait espéré alimenter la machine à faire rêver. Le terrain est désormais bien balisé, l'information bien diffusée, les archives soigneusement labourées et les collections bien enregistrées : les pièces majeures qui ont atteint des sommets lors de cette session d'automne étaient bien connues et parfaitement tracées. Elles ont simplement changé de main. D'aucuns estiment déjà qu'il reste peu de trésors à (re)découvrir – ce qui sera un facteur supplémentaire de calme. La question la plus angoissante des prochains catalogues est celle de la ressource : où trouver de la marchandise excitante, qui ne soit pas vue et revue sous le marteau ? Les catalogues de Sotheby's et de Christie's, à New York, le mois prochain, apporteront une partie de la réponse. S'il reste quelques collections à disperser, ceux qui les possèdent les lâcheront sur un marché haussier, pas sur un marché morose ou baissier... □□□ Si le marché se cherche de nouveaux Graal, il se cherche aussi de nouveaux acteurs. Le reflux des amateurs asiatiques n'est sans doute que conjoncturel, mais la crise économique en Europe a poussé les Etats à des renforts de réglementation qui assèchent le marché des collectionneurs-investisseurs. Moins d'argent facile, moins d'argent liquide, moins d'argent visible ! Le reflux de la marée a laissé les marchands italiens sur le sable : le plus notoire d'entre eux vient de s'installer en Suisse pour maintenir un minimum de discrétion dans ses affaires. Une génération de collectionneurs est en train de passer la main : les Italiens qui étaient venus à la montre par passion voici trente ans ont fait le plein et ils commencent à reformater leur patrimoine. Par qui seront-ils remplacés ? On a vu se profiler, pendant cette vente, un nouvel acteur de référence : le fonds d'investissements Precious Time, qui s'est adjugé le lot-phare de Christie's, la fameuse Patek Philippe "Champion" (Business Montres du 12 novembre). La dimension publicitaire de l'enchère était manifeste : tout le monde sait à présent que Precious Time possède la montre la plus iconique du marché [3,7 millions de CHF, ça impressionnera toujours les analystes financiers] et c'est un signal fort adressé à la communauté financière, dont plusieurs institutions préparent le lancement de fonds concurrents, notamment à Genève... □□□ Ce qui ne manquera pas de poser des problèmes d'accès au marché, pour les collectionneurs privés comme pour les marchands, dont la ressource première (les montres de collection) va progressivement s'assécher : orientés plutôt long terme, ces fonds en actifs tangibles tendent à sanctuariser les montres (sinon à les stériliser dans un coffre-fort), alors que le marché se contentait jusqu'ici de rebattre les cartes en relançant la mise. Le danger d'une focalisation des opérations entre partenaires "spéculateurs" se précise, avec la nécessité pour ces nouveaux venus de procéder à des "coups" spectaculaires et à imaginer de nouveaux "produits" à exploiter : les prises de position de Precious Time sur Rolex, au cours de ces derniers mois, a déjà clairement réorienté [faussé ?] le marché vers des références comme les Day-Date "Stella" ou vers les montres bien "contextualisées" (avec boîte et papiers d'origine", qui sont désormais un facteur de plus-value, alors qu'ils n'étaient jusqu'ici qu'une politesse du vendeur). □□□ Et les Chinois ? On en reparlera lors des sessions du printemps 2013 : ils sont pour l'instant aux abonnés absents [sauf peut-être chez Sotheby's, qui avait parfaitement mobilisé ses réseaux asiatiques, beaucoup plus actifs au téléphone que chez les concurrents] et rien n'indique qu'ils reviennent dans les salles européennes avec la même frénésie que ces dernières années. Ils y ont laissé quelques plumes et parfois même perdu la face. Ils y seront plus prudents et plus sélectifs, un peu comme les clients européens et américains, qui "picorent" dans les catalogues au gré de leurs humeurs et des informations dont ils disposent. Informations qui seront une autre des clés stratégiques pour les prochaines ventes : si les enchérisseurs chinois n'ont pas mordu aux hameçons qu'on leur tendait, c'est aussi parce qu'ils commencent à disposer, en Europe, d'excellents sources d'expertise. Pour les maisons d'enchères, c'est la fin de la petite cuisine qu'on préparait entre complices sur des petits fourneaux dans le secret de sa petite cuisine : l'exigence de transparence est désormais impérative et tout défaut sera immédiatement sanctionné ! [caption id="attachment_9893" align="aligncenter" width="511" caption="La Patek Philippe réf. 1579 (lot n° 188 du catalogue Christie's) : les collectionneurs privés ont encore leurs chances aux enchères (1,3 million sous le marteau d'Aurel Bacs) !"][/caption]   D'AUTRES SÉQUENCES ENCHÈRES AUTOMNE 2012 (sans oublier les actualités quotidiennes dans nos autres pages)...
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