ENCHÈRES AUTOMNE 2012 #4 : « Yuan-yang bo wei » (canard à la Bovet)
Le 23 / 09 / 2012 à 22:01 Par Le sniper de Business Montres - 901 mots
Dans la série des "montres chinoises" dispersées cet automne par Christie's Genève, une Bovet (Londres) au décor aussi exceptionnel que hautement symbolique : les collectionneurs sensibles au Feng Shui vont adorer ce canard mandarin.
Les amateurs de chefs-d'oeuvre horlogers s'inviteront eux aussi à cette partie de chasse au canard...
••• Selon les codes immémoriaux du Feng Shui [plus ou moins suivis par le tiers de l'humanité], le canard mandarin (Aix galericulata) est, depuis des millénaires, …
Dans la série des "montres chinoises" dispersées cet automne par Christie's Genève, une Bovet (Londres) au décor aussi exceptionnel que hautement symbolique : les collectionneurs sensibles au Feng Shui vont adorer ce canard mandarin.
Les amateurs de chefs-d'oeuvre horlogers s'inviteront eux aussi à cette partie de chasse au canard...
••• Selon les codes immémoriaux du Feng Shui [plus ou moins suivis par le tiers de l'humanité], le canard mandarin (Aix galericulata) est, depuis des millénaires, un éternel symbole de fidélité conjugale et amoureuse. Animal sacré dans les cultures asiatiques, on l'offrait parfois aux jeunes mariés. Amour, fidélité, amitié, tendresse et beaux sentiments : ce canard mandarin est une mine de références archétypiques dans l'univers culturel des Chinois. À Hong Kong, le culte du Yuan-yang (Yuanyang) a donné naissance à une boisson (café et thé : hommage aux deux principes masculin et féminin qui se mélangent) très populaire et hautement symbolique...
••• Cette montre signée Bovet London (elle porte sur le boîtier la lettre de l'année 1835) ne peut donc qu'exciter la convoitise des amateurs, à la fois par la qualité superlative de sa décoration, mais aussi par la beauté de son mouvement et de son boîtier signés Bovet. On connaît relativement peu de pièces "chinoises" représentant les animaux favoris du bestiaire asiatique, mais un rossignol du même Bovet London (n° 452) figure dans le patrimoine privé de la marque (Bovet 1822, The Imperial Art of Watchmaking). Porteur du n° 331 (lot n° 193 de la vente Christie's), ce canard mandarin – totalement inconnu, jamais vu et non répertorié jusqu'à ce jour – est estimé 50 000-80 000 francs suisses par Aurel Bacs, qui prouve là un certain sens de l'humour...
••• On ne voit pas trop comment, ni pourquoi, une montre aussi exceptionnelle par son statut "unique", sa décoration symboliquement chargée, son style et son état général échapperait à une enchère record : il y aura dans la salle et en ligne une belle bataille entre plusieurs musées privés (dont la marque Bovet elle-même), mais aussi avec de nombreux collectionneurs, européens et asiatiques, fascinés par ce magnifique objet de vitrine, d'une rareté absolue [presque deux siècles d'un parfait incognito] et d'une beauté transculturelle qui mérite le statut d'oeuvre d'art. Beauté qui justifierait – en dehors de toute considération esthétique ou technique – un investissement raisonné : l'art horloger européen ne produira plus jamais de tels chefs-d'oeuvre et les pièces aussi fresh to the market vont commencer à se faire rare sous le marteau...
••• Le mouvement, signé Bovet, poli miroir et superbement bleui, est gravé de motifs fleuris à la "florisanne" (une spécialité des Bovet de Fleurier), le boîtier et la cuvette bénéficiant des mêmes soins décoratifs poussés dans le moindre détail [on peut admirer au musée Patek Philippe de Genève plusieurs de ces mouvements "chinois" réalisés au début du XIXe siècle par la maison Bovet]. On rappellera que Bovet était devenu une telle référence pour les amateurs chinois que l'idéogramme de la marque – Bo Wei – était devenu synonyme de belles montres européennes, à une époque impériale où ces pièces décorées avaient fini par s'instituer en une sorte de monnaie parallèle pour les échanges économiques au sein de l'élite mandarinale. Ce qui nous rappelle le rôle joué aujourd'hui, dans la Chine capitalo-communiste, par les "montres de corruption" – dont la valeur d'échange tient plus à leur prix affiché et au prestige supposé de leur marque qu'à leur contenu purement horloger [parfois même, c'est toujours la seule décoration symbolique de ces montres contemporaines qui crée leur valeur]...
••• Plus qu'une montre, c'est un objet du temps à forte charge émotionnelle, hautement déflagrant sur le plan mytho-culturel : les conditions sont réunies pour que la chasse au canard mandarin soit ouverte cet automne, sur les rives du lac de Genève. Pour ceux qui auraient des doutes sur l'identité de ce canard mandarin, pas vraiment conforme aux actuels standards ornithologiques, pas d'inquiétude : c'est ainsi que les Chinois les voient et les représentent dans leurs peintures traditionnelles. Et c'est ça qui compte !
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