ENCHÈRES AUTOMNE 2012 #7 : La vraie pépite du catalogue Christie's n'est pas celle qu'on pense...
Tout le monde va vous parler du chronographe Patek Philippe en platine de la collection Eric Clapton : c'est plus facile à comprendre, mais un peu galvaudé. Les initiés visent une autre Patek Philippe. Le musée de la marque et les collectionneurs "à sept chiffres" en rêvent... ••• Il y a des montres plus faciles que d'autres. Sans être tape-à-l'oeil, il est vrai qu'elles tapent dans l'oeil, parce que leur style est plus aisément mémorisable, leur esthétique moins exigeante ou leur …
Tout le monde va vous parler du chronographe Patek Philippe en platine de la collection Eric Clapton : c'est plus facile à comprendre, mais un peu galvaudé. Les initiés visent une autre Patek Philippe. Le musée de la marque et les collectionneurs "à sept chiffres" en rêvent...
••• Il y a des montres plus faciles que d'autres. Sans être tape-à-l'oeil, il est vrai qu'elles tapent dans l'oeil, parce que leur style est plus aisément mémorisable, leur esthétique moins exigeante ou leur mécanique accessible sans culture horlogère. Le fameux chronographe Patek Philippe réf. 2499 est ainsi devenu le parangon de la "belle Patek de collection" – celle dont les primo-accédants aux montres à six chiffres commencent par rêver. Le cadran trois compteurs phases de lune est un chef-d'oeuvre d'équilibre, identifiable sans effort par les béotiens et donc légèrement ostentatoire. Pourtant, la montre est loin d'être rare : la manufacture en a tout de même réalisé 349 entre 1951 et le milieu des années 1980, soit pendant cet âge d'or de l'horlogerie mécanique qui a précédé l'effondrement des années quartz. "Que" 349 pour certains. 349 "quand même" pour d'autres. Ces réf. 2499 ["Two-four-nine-nine" pour les anglophones, "Vingt-quatre nonante-neuf" pour les Suisses] était généralement en or jaune, plus rarement (10 % de la production) en or rose. en platine, on en connaît deux – dont le lot n° 151 de ce catalogue Christie's... ••• Business Montres l'a déjà écrit dès le 8 septembre, en attirant l'attention des lecteurs sur ce chronographe réf. 2499 en platine : la montre peut parfaitement battre le record du monde des enchères pour une montre-bracelet [record toujours détenu par Osvaldo Patrizzi pour une réf. 1415 "Heures universelles" de Patek Philippe : 4,02 millions de dollars]. Aurel Bacs sait déjà qu'il pourra monter sans peine jusqu'à 4 millions, puis dépasser ce "cap" symbolique et s'approcher des 5, voire des 6 millions de dollars : c'est du moins le pronostic de Business Montres (26 septembre) et il s'appuie sur les quater atouts de cette montre : sa rareté absolue (deux exemplaires connus), sa provenance prestigieuse (Eric Clapton et une traçabilité parfaite auparavant), sa "légende blanche" (c'est le Graal de nombreux collectionneurs) et sa beauté. Business Montres la présentera plus longuement ces jours-ci... ••• En revanche, un peu avant ce lot n° 151, les vrais initiés et les aficionados dotés d'un bel instinct de la pièce rare risquent de se passionner pour une pièce plus discrète, qui réclame sans doute un niveau de culture trop élevé pour être appréciée des non-connaisseurs. Quelques collectionneurs de haut lignage veulent absolument le lot n° 88 [les chiffres qui portent chance, pour les Chinois], alors qu'ils regarderont à peine le lot n° 151, abandonné aux "autres" – comprenez à ceux qui ne regardent pas plus loin que le nom inscrit sur le cadran. Là, le combat sera féroce entre une poignée [guère plus de cinq ou six] d'enchérisseurs qui se connaissent parfaitement, mais qui ne se feront d'autant moins de cadeaux qu'ils ont tous les moyens d'aller ferrailler dans les enchères à sept chiffres, avec plusieurs unités devant les six derniers chiffres. On peut également compter sur le musée Patek Philippe pour tenter de décrocher cette pièce unique, qui doit être une des dernières montres dont Philippe Stern (le pater familias de la manufacture) peut rêver... ••• Quel est donc ce lot n° 88 ? La pièce n'est pas inconnue et elle figure dans plusieurs livres consacrés à Patek Philippe. Elle appartenait jusqu'à ces dernières semaines à une famille italienne réputée, qui l'avait acquise directement de son premier propriétaire, un richissime Américain, J.B. Champion, qui n'était pas moins que le meilleur client Patek Philippe des Etats-Unis, au début des années 1950. Ce qui lui donnait quelques privilèges, notamment celui de commander des montres "pièces uniques" réalisées spécialement pour lui, comme cette réf. 2458, dont le mouvement de très haute précision et d'un finition superlative bénéficie d'un certificat d'observatoire. Patek Philippe n'a réalisé que très peu de ces mouvements soumis aux tests impitoyables des observatoires, qui n'étaient de toute façon pas vendus aux clients. Sauf exception ! ••• Ce mouvement n° 861 121 de cette réf. 2458 a bénéficié des soins intensifs du meilleur régleur de la manufacture, pendant des mois, avant de bénéficier d'une troisième place [la première était de tout façon revenue à Patek Philippe] au concours de 1948. Ces mouvements étaient la "crème de la crème" dans la production de la maison : seul un aussi bon client que J.B. Champion a pu se permettre de demander à Patek Philippe de lui vendre un tel mouvement et, surtout, de le loger dans un boîtier en platine spécialement conçu pour cette pièce unique. Même le cadran est spécial ! D'abord, il y en a deux : un cadran de travail et un cadran de gala [les deux sont fournis]. Diamants pour les index du cadran de gala. Inscriptions très "professionnelles" pour le cadran de travail – qui est aujourd'hui le plus valorisé aux yeux des collectionneurs. Le tout authentifié par des documents d'époque et par les registres de la manufacture. ••• La montre cumule donc beaucoup d'atouts que la réf. 2499/100 P du lot n° 151, qui n'en manque cependant pas – mais on a trop vu ces chronographes 2499 pour qu'ils génèrent encore des émotions fortes. Citons parmi ces atouts : • Une plus grande rareté (pièce unique absolue, boîtier hors catégorie)... • Un métal ultra-recherché (le "blanc" du platine excite les collectionneurs de Patek Philippe au-delà du rationnel)... • Une esthétique parfaite (équilibre des volumes, sobriété fonctionnelle du cadran)... • Un style totalement inédit (heures, minutes, secondes dans un boîtier hors collection : du jamais vu dans les collections passées ou actuelles)... • Une mécanique exceptionnelle (un des plus beaux mouvements de la plus belle manufacture, alors au sommet de son art micro-mécanique, dans une expression d'une sublime simplicité : trois aiguilles !)... • Une provenance prestigieuse (J.B Champion est le dernier descendant de la lignée des collectionneurs à la Packard et à la Graves : le collectionneur qui leur succèdera pourra se draper dans leur gloire)... • Un symbole non-ostentatoire de haute culture horlogère, elle-même légèrement ostentatoire (cette montre est un Graal absolu pour les vrais watch connoisseurs, qui savent qu'une telle pièce unique ne peut que se valoriser sur le long terme, en même temps qu'elle leur vaudra le respect de la communauté des collectionneurs)... ••• Pour l'anecdote et pour faire réfléchir : si le chronographe 2499 est de toute façon un bonne affaire [il avait été adjugé 380 000 francs suisses à la vente "L'art de Patek Philippe, en 1989], cette réf. 2458 bat tous les records ! Elle a été vendue à la famille de l'actuel collectionneur italien... 15 000 francs suisses en 1976, en transaction privée. Pour Christie's, Aurels Bacs l'estime aujourd'hui 2 à 4 millions de francs suisses : si les collectionneurs se décident à concentrer leurs tirs sur ce lot n° 88, on peut doubler l'estimation basse. Il n'y aura sans doute pas de Chinois à ce niveau-là, mais, passés les 4 millions (francs suisses, dollars, euros : peu importe !), tout devient possible, y compris un record du monde à la place de la 2499, que les amoureux de la réf. 2458 trouvent finalement un peu galvaudée...D'AUTRES ACTUALITÉS RÉCENTES
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