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ETERNA : En confiant les clés à Antonio Calce, les Chinois d'Haidian prouvent qu'ils ont tout compris !

Consolidé aux commandes de Corum par les nouveaux actionnaires chinois, Antonio Calce prend en mains, avec les pleins pouvoirs, la maison Eterna (marque, manufacture, licence Porsche Design). Serait-ce la fin de la fatalité qui fait exploser les partenariats horlogers helvéto-chinois ? ▶▶▶ ETERNA-PORSCHE DESIGNAntonio Calce a pu imposer un management suisse aux Chinois... ◉◉◉◉ Antonio Calce sort à l'instant d'une réunion avec le personnel d'Eterna, qui n'a retenu qu'un point de son discours …


Consolidé aux commandes de Corum par les nouveaux actionnaires chinois, Antonio Calce prend en mains, avec les pleins pouvoirs, la maison Eterna (marque, manufacture, licence Porsche Design). Serait-ce la fin de la fatalité qui fait exploser les partenariats horlogers helvéto-chinois ?

 ETERNA-PORSCHE DESIGN
Antonio Calce a pu imposer un management suisse aux Chinois...
 
◉◉ Antonio Calce sort à l'instant d'une réunion avec le personnel d'Eterna, qui n'a retenu qu'un point de son discours : on ne verra plus de Chinois à l'étage de la direction, ni d'ailleurs dans les annonces du registre du commerce. Eterna redevient une manufacture intégralement suisse, gérée par des équipes suisses (ou européennes), un peu comme les marques du groupe Richemont ont un management globalement franco-suisse, même si leur actionnaire est sud-africain. On est donc loin du fantasme de certains journalistes après le rachat de Corum par le groupe Haidian (révélation Business Montres du 24 avril), quand tout le monde imaginait une main-mise des investisseurs chinois sur la manufacture de La Chaux-de-Fonds – c'est ce qui s'était passé chez Eterna après le rachat par Haidian – et même une délocalisation plus ou sauvage des centres de décision en Asie...
 
◉◉ C'est exactement le contraire qui s'est produit, mais cela n'étonnera pas les lecteurs de Business Montres, qui avaient pu anticiper, depuis Baselworld, la reprise de l'ensemble Eterna par l'équipe d'Antonio Calce. Ce qui prouve que Hon Kwok Lung, le président du groupe China Haidian, a une vision très claire du marché horloger. À Bâle, le lendemain ou le surlendemain de notre révélation sur le rachat de Corum, ce même Hon Kwok Lung s'était retrouvé sur le stand Corum pour une conférence de presse improvisée, avec une nuée de journalistes asiatiques (généralement chinois) et un seul Européen – comme par hasard, c'était Business Montres ! Le hasard fait bien les choses, d'où la question qui fâche : « Cher M. Hon, c'est bien joli de racheter Corum mais, à ce jour, il n'y a pas un seul exemple d'investissement chinois dans l'horlogerie suisse – pas un seul en un siècle ! – qui se soit bien terminé. Comment comptez-vous faire face à cette fatalité tragique ? » De quoi effrayer les journalistes asiatiques, mais Hon Kwok Lung avait très calmement et malicieusement répondu : « J'ai parfaitement conscience que ça ne s'est jamais bien passé et ça ne s'est pas bien passé chez Eterna, mais c'est justement mon défi personnel et ma tentation de pionnier : faire en sorte que, pour une fois, ça marche bien et tout mettre en place pour qu'on entre dans une nouvelle ère. Et j'ai ma petite idée sur la question »...
 
◉◉ Sa « petite idée », on l'a compris, est une ancienne recette éthique commune à toutes les cultures de l'humanité : « Il n'y a de richesses que d'hommes ». Mieux vaut investir sur les hommes que sur les structures. En rachetant Corum, il rachetait avant tout une capacité managériale [et tout de même quelques actifs, dont des dettes] et une équipe spécialisée dans le redressement de situations considérées comme impossibles. L'analyse de Business Montres, à l'époque, était que Haidian s'était payé le pompier de service plus que la voiture des pompiers : on avait pu ironiser sur l'intoxication de Business Montres par un Antonio Calce qui aurait réussi à nous convaincre que c'était lui que les Chinois achetaient, et pas Corum. Notre pronostic initial est aujourd'hui confirmé par la reprise en main de la flottille Eterna par Antonio Calce (ci-contre). Hon Kwok Lung a parfaitement repéré le fait que la situation actuelle d'Eterna est à peu près celle de Corum il y a cinq ans, lorsqu'Antonio Calce avait entrepris de remettre à flots la marque de Severin Wunderman. On ne change pas une équipe qui gagne ses paris. Il ne pouvait qu'accepter les conditions posées par Antonio Calce pour une telle reprise : les pleins pouvoirs à l'équipe suisse [avec le renvoi en Chine des cadres chinois qui appréciaient plus les night-clubs de Zurich que les ateliers de Granges], les moyens financiers d'accomplir la mission, la désignation d'une équipe de confiance et la connexion aux réseaux de distribution alliés du groupe Haidian en Chine.
 
◉◉ Pour les actionnaires chinois, c'est une forme de « révolution culturelle » [concept dont ils ont l'habitude] : non seulement ils ont compris que, en Suisse, l'argent n'achète pas tout et le redressement était un art tout de patience et d'exécution, mais ils ont surtout admis qu'il y avait une culture suisse de l'horlogerie, irréductible à la vision chinoise du business, et que cette culture suisse exigeait des managers suisses, ou romands, avec des profils très particuliers qui exigent un taux minimum d'endogamie. Quel magnifique hommage à cette Suisse horlogère qui défie la bourrasque économique mondiale ! Quelle magnifique reconnaissance d'une exception culturelle qui est, au-delà des machines, des hommes et des marques, le fruit d'une histoire, d'un paysage et d'une sagesse – des valeurs qui ont sédimenté lentement avec les siècles et qui forment aujourd'hui un humus capable de féconder tout projet enraciné, alors que les horlogeries offshore sont à la peine...
 
 
◉◉◉◉ Quelques informations (non officielles et non autorisées) glanées à la réunion du personnel d'Eterna, à Granges. Si la manufacture est toujours sous perfusion financière chinoise [chaque mois, ce sont encore des millions qui sont virés sur le compte de la marque], l'outil industriel commence à prendre tournure : le parc de machines (trois 5-axes, huit 3-axes) commence à devenir performant, avec la perspective de pouvoir produire plusieurs dizaines de milliers de mouvements par an (notamment le calibre 39). Très rapidement, les mouvements en ligne des T-Bridge et des Golden Bridge de Corum devraient d'ailleurs y être transférés sur de nouvelles lignes [ils sont aujourd'hui en production dans une « manufacture déléguée »]. Faute de Chinois dans l'organigramme légal et dans le management opérationnel, on devrait voir arriver des hommes de confiance d'Antonio Calce, qui négocie également un nouveau stand pour Eterna-Porsche Design à Baselworld. L'ensemble Eterna devrait d'ailleurs bénéficier de synergies avec Corum, pour les filiales hors de Suisse comme pour le back office. Côté réseaux commerciaux, tant pour Corum que pour Eterna des pourparlers très avancées sont en cours avec le groupe Emperor (qui distribue en Chine des marques comme Rolex, Tudor, Patek Philippe, TAG Heuer, Franck Muller ou les marques de Richemont), ainsi qu'avec le réseau Sincere : ce qui tombe bien pour les nouvelles références suisses d'Haidian, les consommateurss chinois s'orientant désormais vers des marques moins surdistribuées et plus exclusives.
 
◉◉◉◉ Tiens, au fait, on en est où pour le rachat de Corum (closing officiel) ? On en est à bout touchant : c'est agendé pour une annonce le 27 juin, mais il faut remarquer que l'action Haidian à Honk Kong (0256.HK), un instant ragaillardie par l'achat de Corum, n'est pas vraiment éblouissante ces derniers temps – comme toutes les actions des groupes de distribution horlogère cotés à Hong Kong. Ce qui n'empêche pas quelques investisseurs de songer à s'associer demain ou après demain aux destinées du groupe familial Haidian : vous ne serez pas troublés d'apprendre que Hon Kwok Lung est un bon copain de Polyanna Chu, la « dame de platine » marxisto-milliardaire qui a racheté le groupe Sincere...
 
◉◉◉◉ Et maintenant, à qui le tour dans la partie de Monopoly helvéto-chinoise ? Pour le savoir, regardez dans le cartable d'Antonio Calce, le nouvel homme fort du groupe Haidian, qui se verra remettre en mains propres ses actions du groupe, le 27 juin prochain, à Hong Kong : vous trouverez dans ce cartable quelques catalogues de maisons suisses qui auraient bien besoin d'une bouée de sauvetage « Made in China »...
 
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