MONOPOLY : Le Swatch Group s'offre (enfin) un pôle joaillier
Le 14 / 01 / 2013 à 06:02 Par Le sniper de Business Montres - 1241 mots
Alors que Nick Hayek jurait que la joaillerie n'avait aucun intérêt à ses yeux, ce qui avait motivé sa rupture de contrat avec Tiffany & Co, il n'en vient pas moins de s'offrir une des plus belles références du monde dans l'univers de la haute joaillerie – et de la haute horlogerie... Pourquoi faire ? L"inflexion stratégique n'est pas limpide, mais l'ambition est forte face à des concurrents puissants...
◀▶ CONTRE-ATTAQUE SURPRISE DU SWATCH GROUP
Nick Hayek lâche …
Alors que Nick Hayek jurait que la joaillerie n'avait aucun intérêt à ses yeux, ce qui avait motivé sa rupture de contrat avec Tiffany & Co, il n'en vient pas moins de s'offrir une des plus belles références du monde dans l'univers de la haute joaillerie – et de la haute horlogerie... Pourquoi faire ? L"inflexion stratégique n'est pas limpide, mais l'ambition est forte face à des concurrents puissants...
◀▶ CONTRE-ATTAQUE SURPRISE DU SWATCH GROUP
Nick Hayek lâche un milliard de dollars
❏❏❏❏ 750 millions pour acquérir 100 % de la haute joaillerie et de l'horlogerie Harry Winston (à l'exception des activités minières, qui redeviennent Dominion Diamond Corporation) et 250 millions pour la reprise de la dette : soit un milliard de dollars pour s'offrir une des plus belles références mondiales. Nick Hayek, qui déclarait publiquement ne plus avoir le moindre intérêt pour le marché de la haute joaillerie [trop fragmenté à ses yeux et pas assez consolidé pour y créer des effets de marque] et qui justifiait ainsi l'impasse de l'aventure Tiffany & Co, n'a pas lésiné pour mettre la main sur la grande légende diamantaire bâtie par Harry Winston et sur une manufacture genevoise de haute horlogerie.
❏❏❏❏ "Diamonds are a girl's best friends" : on pensait que le Swatch Group l'avait oublié, mais la décision de Nick Hayek, qui ne devrait pas trop pénaliser la trésorerie d'un des groupes horlogers les plus à l'aise côté cash flow, efface une série d'échecs dans le domaine joaillier (dislocation de Dress Your Body, atermoiements autour de Bvlgari, échec de la joint-venture avec Tiffany & Co). La création d'un pôle joaillier de référence, légitime et incontestable, sera facilitée par la force de la marque Harry Winston qui, si elle n'est plus – et de loin – ce qu'elle était face aux concurrents (Cartier, Bvlgari, Tiffany & Co, voire Graff), reste riche dans son récit historique comme dans son potentiel de croissance. Il y a longtemps que la maison Harry Winston n'a plus les diamants qui avaient fait sa réputation, mais qui le sait hormis quelques initiés ?
❏❏❏❏ Pour ce qui concerne l'horlogerie, Harry Winston avait encore à faire les preuves de sa pertinence stratégique. Après la réussite de la start-up montée en son temps par Maximilian Busser (premières collections Opus), la conversion en manufacture de niveau international a pris beaucoup de retard sans convaincre. La valse des CEO n'a pas hâté la consolidation de ce pôle horloger. Dernièrement, Frédéric de Narp semblait si pressé d'ouvrir des boutiques et de hâter l'industrialisation de l'ensemble qu'on se demandait s'il pourrait garder le rythme. Autant on peut envisager sans trop de souci l'intégration de la haute joaillerie dans l'ensemble Swatch Group [qui se dote au passage d'une présence spectaculaire au coeur de New York, au 718 de la Ve Avenue : image ci-dessus et en bas de page], autant le passage de l'horlogerie sous les fourches Caudines de l'état-major biennois ne pourra pas se faire sans pleurs, ni grincement de dents : question de culture d'entreprise et de déstabilisation morale, au sein d'une équipe déjà largement ébranlée par l'évolution de ces dernières années. Quelques drames sont à prévoir, le destin indépendant rêvé par Frédéric de Narp ne pouvait désormais plus se jouer ni à New York, ni à Bienne...
❏❏❏❏ Seul bémol pour ce rachat de Harry Winston par le Swatch Group : un handicap culturel évident. Depuis le départ d'Arlette Emch [qui aurait rêvé de piloter un tel ensemble !], il n'y a plus au Swatch Group d'interlocuteur compétent et compréhensif pour un univers de la joaillerie dont les valeurs diffèrent substantiellement des impératifs industriels et commerciaux qui constituent l'ordinaire de la direction du groupe. Le problème culturel se double donc d'un problème de ressources humaines. Une grande partie de la brouille avec Tiffany & Co provenait de ce "choc des cultures" : à moins d'embaucher d'urgence quelques pointures qualifiées pour cette mission, la greffe prendra difficilement si le Swatch Group n'y met pas du sien et tente d'imposer son style autocratique et fantasque pour la conduite des opérations...
❏❏❏❏ Pour les concurrents, le coup de semonce est brutal : si Harry Winston arrive à peine aujourd'hui à la cheville de Cartier, il n'en sera certainement pas de même dans quelques années. Quasiment pas implantée en Chine, la joaillerie Harry Winston ne peut qu'y progresser très vite avec l'aide des réseaux du Swatch Group – ce qui remettra en cause les actuels équilibres sur ce marché des plus beaux bijoux. De même, surpris en pleine réorganisation, la maison Bvlgari se voit bousculée par un compétiteur inattendu, soutenu par une grande puissance du luxe. On comprend tout de suite qu'il va manquer au groupe PPR une maison internationale de haute joaillerie – à moins que la montée en pression de Boucheron ne s'accélère. Pour les marques horlogères indépendantes [y compris les plus grandes], la perspective de se trouver face à un Swatch Group encore plus dominant et encore plus oppressant n'a pas de réjouissant.
❏❏❏❏ Avec un indéniable sens de l'opportunité stratégique, Nick Hayek vient de relancer la partie sur un marché joaillier où on ne l'attendait plus. Toute la question est maintenant de savoir s'il saura créer de la valeur autour d'une marque chèrement acquise en raison d'un potentiel énorme qu'il faut maintenant actualiser. Nous l'annonçions ici même dans nos coups de projecteur sur les influenceurs : "La bataille se profile brutale et impitoyable entrel grandes puissances" (Business Montres du 14 janvier)...
❏❏❏❏ Le communiqué officiel du Swatch Group...
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