LE SNIPER DU MARDI (bloc-notes)
Pour se rafraîchir les idées, rien ne vaut une plongée dans les coulisses des guerres du luxe
Retour à son poste du Sniper pour une nouvelle mission d’informations en toute liberté : on va donc vous parler, entre autres, des secondes capricantes qui pourraient valoir un million, de la vie pas toujours rose des grands actionnaires du luxe guettés par d’inquiétants requins et d’un rendez-vous communautaire inattendu – on en oublie, mais vous retrouverez tout ce petit monde dans les notes ci-dessous. En vous rappelant ce que l’excellent Sylvain Tesson nous dit d’un bloc-notes de ce genre : « Les blocs-notes sont des coups de sonde, des carottages donnés dans le chatoyant foutoir du monde ». Nous n’avons donc plus qu’à bloc-noter dans le chatoyant foutoir de l’horlogerie…
▶︎▶︎▶︎▶︎ SIX CHIFFRES OU SEPT CHIFFRES POUR LA SPACEONE D’ARGON ? (en guise d’éditorial)…
Un million d’euros, un peu moins, un peu plus ? Un million de francs suisses, un peu plus, un peu moins ? La barre symbolique est fixée autour des sept chiffres, mais le décompte final de la campagne de souscription (Kickstarter) pour la montre Spaceone d’Argon (Guillaume Laidet et Théo Auffret) s’opère déjà en million de dollars : en euros [ce sera probablement légèrement au-dessous, de très peu] ou en francs suisses [là, ce sera plus compliqué, mais sait-on jamais]. Tout va se jouer dans les heures qui viennent (il ne reste que trois jours de campagne), avec un demi-millier de souscripteurs, dont un peu moins d’un quart d’Américains du Nord, un peu moins de 10 % de Français ou de Singapouriens, à peu près autant de Proche-Orientaux et 5 % de Suisses. Le tandem créatif d’Argon a eu la bonne idée de lancer, en cours de campagne, une triple version « Destro » pour gaucher [couronne à droite, d’où le D-Type gravé sur le boîtier, avec une limitation à 50 montres des trois séries], en fibres de carbone, acier poli et titane bleui, histoire de compléter l’offre des Spaceone avec couronne de remontage à gauche [ceci pour ne pas blesser le dos de la main], proposée elle aussi en trois versions au prix de campagne de 1 500 euros (acier) à 1 900 euros (titane bleui, titane brossé ou fibres de carbone)…
Indices du succès de cette campagne possiblement « millionnaire » [il y avait longtemps qu’un tel succès ne se voyait plus sur Kickstarter] : l’épuisement rare des offres pour des montres en titane brossé (100 pièces : pré-commandes épuisées !) et en « carbone forgé » (50 pièces en version droitier ou 100 pièces version gaucher : séries épuisées). Quoi de plus normal pour une initiative qui réunissait tout ce qui plaît aujourd’hui aux nouvelles générations d’amateurs – lesquelles qui ne tiennent pas à joueur aux spéculateurs, si tant est qu’ils en aient les moyens, ce qui n’est pas le cas ? Ces nouveaux amateurs veulent à leur poignet des montres aisément reconnaissables [c’est le cas], riches de sens [avec un narratif consistant], « plus proches, plus humaines » [liées à une personne créative qui les incarne ou qui les porte], créatives et ludiques, sinon « sensuelles » [génératrices de plaisirs multi-sensoriels, au toucher comme à l’œil] et, enfin, accessibles [à un niveau de prix clairement inférieur à celui des icônes du marché verrouillées par les grandes marques]. On remarquera que la « signature » de la montre – sa marque commerciale – ne fait pas partie des priorités listées ci-dessus, ce qui explique le succès de la plupart des néo-marques de niche auprès de ces nouveaux amateurs. On remarquera aussi que les codes « sport chic » n’apparaissent pas dans la liste de ces recommandations essentielles : la preuve par la Spaceone d’Argon, qui n’a ni vocation à ressusciter une icône, ni bracelet intégré, ni boîtier à pan coupé, ni cadran de couleur texturé – une montre totalement non conformiste qui se permet même une lecture du temps qui passe par des heures sautantes, des minutes traînantes et des secondes capricantes…
Alors, million ou pas million de francs suisses à l’issue de cette campagne qui fait honneur à la nouvelle horlogerie créative sous pavillon tricolore ? Ce serait mieux avec, mais ce sera tout de même formidable sans ce million, juste au-dessous, qu’il soit libellé en euros ou en francs suisses. Ce qui est certain, c’est que cette Spaceone née sur Kickstarter n’est que le premier épisode d’une série dont on peut attendre de passionnants rebondissements mécaniques et esthétiques : quand on part sur de telles bases, on peut s’attendre tout, sauf à ce qui est classiquement prévisible. On vous reparlera certainement de l’équipe d’Argon et on vous laisse donc réfléchir là-dessus !
▶︎▶︎▶︎▶︎ DANS LES COULISSES DES NOUVELLES GUERRES DU LUXE (1)…
La vie n’est pas forcément rose pour les grands actionnaires des groupes de luxe : « LVMH, Kering et Richemont bousculés par des fonds spéculatifs », nous annonce ainsi Off Investigation, média en ligne indépendant, incisif et non aligné avec lequel Business Montres que des raisons de s’entendre [comme ici, les chroniques ne sont accessibles que par abonnement ou en vente à l’article]. Résumé rapide de cette synthèse à ne manquer sous aucun prétexte : « Derrière les paillettes et les créations artistiques, le luxe est un univers de fauves où (presque) tous les coups sont permis. Les grands groupes mondiaux que sont LVMH, Kering et Richemont se livrent des guerres sans merci pour mettre la main sur les dernières maisons indépendantes. Le luxe est si rentable que même des fonds spéculatifs entrent dans la danse. Depuis quelques mois, ils semblent s’être passés le mot pour démanteler le groupe suisse Richemont, propriété du madré milliardaire sud-africain Johann Rupert. Pour mieux mettre la main sur ses bijoux de famille que sont Cartier et Van Cleef & Arpels ». Pour les lecteurs de Business Montres, depuis longtemps tenus informés de la plupart des dossiers entrouverts par Off Investigation sous la signature de Blanche Chatwin-Bouvier [promis juré, ce n’est pas un des pseudos de Grégory Pons !], ce ne sera pas véritablement une surprise, mais ce sera une heureuse confirmation capable de faire date par la solidité d’une compilation qui leur rafraîchira la mémoire tout en chatouillant agréablement leurs papilles avec quelques ingrédients supplémentaires. Bonne surprise : Business Montres (Grégory Pons) est correctement cité dans cet article – on y reconnaîtra notre franc-parler…
▶︎▶︎▶︎▶︎ DANS LES COULISSES DES NOUVELLES GUERRES DU LUXE (2)…
Le décor est connu : c’est celui des grands groupes, photographiés ici par des drones panoramiques qui n’épargnent pas l’envers du décor. Les acteurs sont célèbres : ils font l’actualité du luxe, mais ils sont éclairés ici par un projecteur qui fait vite couler les maquillages. Les corsaires et les prédateurs des fonds activistes qui montent à l’assaut sont un peu moins familiers, mais leurs noms ne surprendront pas nos lecteurs, comme Third Point ou Giuseppe Bivona (Bluebell Capital Partners) quand ils s’en prennent à Richemont [pas toujours avec bonheur, comme nous l’avons raconté, mais ils ont su ébranler les colonnes du temple] : l’affaire Richemont, qui avait permis à Johan Rupert d’écarter la menace Trapani, est ici racontée avec un luxe de détails qui passionneront les amateurs. Rappel pour nos lecteurs : ils reliront avec profit nos « Belles histoires de l’été » (Business Montres du 25 juillet 2022) ou notre « bloc-notes mésoaoûtien (Business Montres du 24 août 2022). On passe ensuite à l’affaire Kering, qui ne fait peut-être que commencer : qui sait si les prédateurs n’ont pas entamé de nouvelles campagnes pour apparaître au grand jour d’ici à la fin de l’année ? Il y aura clairement une suite à cet article, auquel on ne reprochera, d’un point de vue horloger, qu’une focalisation sur Richemont et, dans une plus faible mesure, sur Kering et LVMH, alors qu’il y aurait tant à raconter sur d’autres guerres du luxe horloger, au Swatch Group ou chez les derniers grands indépendants de la place (Chopard, Audemars Piguet, etc.). Promis, on va vous en reparler, avec ou sans cette chère Blanche Chatwin-Bouvier, qui en a encore beaucoup sous le coude et qui connaît bien ce mundillo des activistes du turbo-capitalisme…
▶︎▶︎▶︎▶︎ LE SALON HORLOGER QUE PERSONNE N’ATTENDAIT…
Personne n’a rien venir, mais ce sera ce week-end à Neuchâtel : le salon Golden Hour va rassembler passionnés d’horlogerie, amateurs de montres, collectionneurs et grand public, pendant trois jours (9, 10 et 11 juin), à l’hôtel Beaulac de Neuchâtel. Au programme : des présentations de montres [entre autres, Alain Silberstein, BA111OD, Czapek, Greubel Forsey, Panerai, Utinam ou Zenith ont déjà répondu à la demande, ainsi que Visiodôme,Watchbox ou Watch Certificate pour les partenaires des marques] et deux ventes aux enchères de « montres incroyables » (pour Iconeek, Vanessa et Fabien Chicha seront à la manœuvre samedi et dimanche, en soirée et en matinée). Sont annoncées, entre autres, la vente d’une montre-bracelet pour dame en or jaune 18 carats, extrêmement fine et rare, en superbe état, avec bracelet en or intégré, cadran champagne, conçue par Gilbert Albert pour Omega, qui devrait atteindre un prix élevé en raison de sa rareté et de son importance historique. Parmi les autres garde-temps extraordinaires figure une très belle et rare montre-bracelet automatique Patek Philippe Ref. 3448J en or jaune 18 carats avec un calendrier perpétuel et phases de lune, connue pour ses complications complexes et son design unique. La ville de Besançon est associée à cet événement qui vise à célébrer l’héritage de la belle horlogerie neuchâteloise et qui associe également quelques artisans des métiers d’art de l’horlogerie pour des démonstrations de savoir-faire. Pourquoi le Beaulac, hôtel idéalement situé au bord du lac [ne pas manquer la vue à 360° – lac,Alpes bernoises et Jura suisse – depuis le roof top] ? Parce que la famille propriétaire de l’hôtel adore les montres ! C’est donc Lena bint Wail, membre du conseil d’administration, qui a supervisé les opérations. Golden Hour : un joli nom pour une manifestion aussi prometteuse qu’inattendue…
▶︎▶︎▶︎▶︎ TOUT LE MONDE VOUDRAIT BIEN OUBLIER L’AFFAIRE OMEGA …
Si l’affaire Omega (un juteux trafic de faux certificats pour alimenter des records aux enchères) n’a pas fini de secouer le petit monde biennois, tant chez Omega où tout le monde rase les murs, qu’au GQG (grand quartier général) du Swatch Group, elle fait aussi trembler les milieux horlogers périphériques (Business Montres du 5 juin). Vous n’imaginez pas le nombre de personnalités du microcosme des collectionneurs de haut niveau qui ont « nettoyé » leurs réseaux sociaux (Instagram ou Facebook) de tout ce qui pouvait les associer aux « ripoux » d’Omega. Plus personne ne connaît personne dans ce magma mafieux : c’est la grande lessive de printemps sur Instagram et sur Facebook, certaines pages ayant été proprement vidées de tout leur contenu (exemple ci-dessous : autant de followers pour ne rien voir, c’est héroïque !). Plus la moindre photo compromettante avec ceux qui étaient hier des stars de la cote pour les Omega de collection. Heureusement, quelques petits malins avaient préalablement fait des captures d’écran. Heureusement aussi qu’il reste des marchands honnêtes d’excellentes Speedmaster tout ce qu’il y a de plus authentiques et de vraiment rares…
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C’est très facile en deux clics et tout en bas de cette page : une adresse e-mail suffit pour recevoir tous les matins, à l’aube, la newsletter (gratuite) qui récapitule tout ce que Business Montres a publié la veille. C’est le meilleur moyen de ne rien manquer : pour chaque article, vous aurez droit au surtitre, au titre, au « chapeau » et au dessin qui introduisent la page…
▶︎▶︎▶︎▶︎ « ON NE VA PAS FAIRE DANS LA DENTELLE » (le dessin du jour)…
Ce bloc-notes perpétue la bonne vieille habitude du Sniper, celle du « dessin du jour », qu’on pourra retrouver dans la page Instagram de Business Montres, qui compte déjà plusieurs milliers de pictofictions à base de comics détournés et de photos piratées. Un bon conseil à propos de cette page : abonnez-vous pour ne pas manquer un épisode, likez et faites circuler les images qui vous plaisent, ça détend toujours l’atmosphère ! Le dessin d’aujourd’hui : « Cartier-Tiffany & Co : on ne va pas faire dans la dentelle » (Instagram du 6 juin). En fait, la guerre est déclarée depuis longtemps, mais elle est restée au stade d’une drôle de guerre jusqu’à l’accélération de ces dernières semaines avec l’inauguration de la fantastique « boutique » de New York [à vrai dire, c’est un palais plus qu’une boutique !] et la présentation des récentes collections de joaillerie et d’horlogerie. La suite sera sauvage et il n’y aura qu’un seul vainqueur pour devenir le leader mondial de la haute joaillerie…
Coordination éditoriale : Eyquem Pons