QEELIN-PPR : le pourquoi du comment d'un rachat
Une opération menée à la hussarde, en quelques semaines, alors même que les futurs mariés se fréquentaient de longue date. Dans le rôle du gendre idéal : François-Henri Pinault, qui offre en cadeau sa boîte à outils PPR... Dans le rôle de la fiancée qui fait un beau mariage : Qeelin, singulier concept bi-culturel de haute joaillerie, qui offre à PPR un trousseau de clés parfait pour le marché chinois... ◀▶ BLITZKRIEG DANS …
Une opération menée à la hussarde, en quelques semaines, alors même que les futurs mariés se fréquentaient de longue date.
Dans le rôle du gendre idéal : François-Henri Pinault, qui offre en cadeau sa boîte à outils PPR... Dans le rôle de la fiancée qui fait un beau mariage : Qeelin, singulier concept bi-culturel de haute joaillerie, qui offre à PPR un trousseau de clés parfait pour le marché chinois...
❍❍❍ Pourquoi cette nécessité de lever des fonds ? C'est le dilemme classique des créateurs passées les premières années de développement : comment pérenniser l'entreprise pour lui offrir un second souffle et une nouvelle dimension ? Lancée en 2004 comme une marque de haute joaillerie internationale capable de marier l'inspiration symbolique chinoise et le savoir-faire français dans le domaine du luxe, Qeelin était à la fois un hommage à l'héritage artistique chinois et à la richesse créative d'une tradition joaillière française capable de trouver une expression légitime au-delà de la place Vendôme. Un beau réseau de 14 boutiques (Paris, Londres, Hong Kong, Beijing, Shanghai, Nanjing, Tianjin, Tokyo, Singapour) et de nombreux corners (30 % des ventes) a été mis en place, en Europe et en Asie, avec des collections dont certaines pièces sont devenues iconiques [comme le fameux BoBo, en haut de page, ou la famille des Roobot, ci-dessus] et des créations qui font de Dennis Chan une des "locomotives" de la joaillerie contemporaine. Sur ses marchés de référence (55 % de clients "grand-chinois"), les amateurs ont plébiscité ce concept hybride et ses réussites esthétiques dans la réinterprétation des symboles archétypiques de la culture chinoise (comme les poissons symbole d'amour : en cartouche, en haut de la page). Il ne restait qu'à financer les prochains épisodes de la saga...
❍❍❍ Ce sera l'esprit du partenariat signé avec PPR. Les co-fondateurs de Qeelin s'adossent à un groupe qui peut les aider à trouver, dans de meilleures conditions, de nouvelles boutiques sur les hot spots de la planète, des nouveaux talents pour animer les équipes ou des conditions préférentielles dans l'achat aux médias. À quoi serviraient les groupes de luxe, sinon à épauler leurs marques pour en favoriser la croissance ? La boîte à outils PPR est ici pour fournir, en plus des fonds nécessaires au développement de la marque, un savoir-faire et une expertise bien établis sur le marché du luxe. On peut également imaginer que d'autres sygergies seront établies avec les marques joaillières (Boucheron) ou horlogères (le groupe Sowind) du groupe – ce qui peut garantir à Qeelin un accès privilégié au marché des plus belles pierres ou la capacité de trouver des mouvements prestigieux [on songe ici aux tourbillons sous trois ponts d'or fournis à Boucheron par Girard-Perregaux] : de source proche du dossier chez PPR, on jure cependant que ces synergies n'ont pas été évoquées pendant les phases de préparation du contrat de mariage...
❍❍❍ PPR gagne dans cette affaire un allié précieux – et un temps précieux – pour aborder le marché chinois avec des atouts de référence. Dennis Chan est pétri de culture et de symbolique chinoises. Marié à une créatrice chinoise, Guillaume Brochard est un bi-culturel dans l'âme. Leur marque a un pied dans chaque camp et un hémisphère cérébral dans chaque continent. C'est leur savoir-faire et leur expertise qui seront précieux pour gagner du temps, s'initier aux subtilités d'une culture immémoriale et s'éviter les bêtises qui font perdre la face à tant de marques : quand on constate à quel point la greffe Boucheron a du mal à prendre sur le terrain chinois, on ne peut qu'apprécier le cours de rattrapage auquel vient de s'inscrire PPR, qui ne pourra que bénéficier localement d'une acquisition vécue comme un hommage des "Barbares" à la grande civilisation de l'Empire du milieu...
❍❍❍ Une négociation gagnant-gagnant, vécue dans l'intensité d'une construction commune, qui ne laisse ni amertume, ni regrets : le temps dira si cette pratique de la double commande avait du sens. S'ils ne savent pas enrayer la décadence d'une marque quand son ADN est rongé de l'intérieur, les groupes de luxe ont l'art de doper l'expansion des jeunes marques créatives qui n'ont rien perdu de leur dynamisme créatif. Qeelin et ses 50 employés ont prouvé que l'impertinence et l'élégance françaises pouvaient être fécondées par la richesse et la densité de la méta-culture chinoise : pour quelles raisons cette saga créative s'arrêterait-elle en si bon chemin ?
[caption id="attachment_11186" align="aligncenter" width="683" caption="Dennis Chan (à gauche) et Guillaume Brochard..."]
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