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Quelques jours avec la nouvelle Klok-01 Blue Note de Klokers au poignet
Une montre d’initiés pour une marque de niche : tout le plaisir est dans l’exclusivité, pas forcément dans la lisibilité fonctionnelle et instantanée…
L’avantage d’une néo-marque horlogère, c’est qu’elle n’est pas connue et qu’elle ne poussera aucun malfaisant à vous couper le bras pour vous la voler [voir un récent article du Figaro, très bien documenté sur l’explosion des vols de montres de luxe en France]. L’inconvénient, c’est évidemment qu’elle ne vous apporte pas la moindre gratification en termes de reconnaissance sociale de la part des béotiens, avec ce plaisir de gourmet que les initiés qui auront reconnu une Klokers [et qui n’ont pas l’occasion d’en voir aussi souvent] vous procureront en vous demandant de la voir de plus près…
Parce que l’identité de cette Klok-01 Blue Note à boîtier noir satiné est forte : cette montre au cadran qui sort de l’ordinaire est immédiatement repérable, surtout avec son cadran d’un bleu très élégant. Depuis son lancement en 2015, la ligne n’a pas pris une ride et elle est toujours aussi originale, avec un boîtier de 44 mm qui se pose confortablement sur un poignet, même mince, et une épaisseur qui passe à peu près sous toutes les chemises. Le problème serait plutôt la faible largeur du bracelet (22 mm) rapportée au diamètre du boîtier : c’est un peu fluet…
Passons rapidement sur les fonctionnalités annexes de ce concept Klokers, comme le boîtier facilement détachable du bracelet (poussoir à huit heures) pour porter la montre en poche au bout d’un lien, pour poser la montre en mini-pendule de bureau [plutôt qu’un support de cuir, il aurait sans doute été préférable d’intégrer un système bipède agrafé sur le fond de la montre] ou tout simplement pour changer de bracelet. La vraie adaptation, qui suscite ou non l’adhésion au concept de la montre, c’est la lecture de l’heure. Rappelons qu’elle est inspirée par les anciennes règles à calcul circulaires : un repère (trait blanc) fixe sous lequel défile trois disques circulaires :
• À l’extérieur : le disque des heures, avec une graduation par quarts d’heure et un grand 12 sur fond noir pour bien repérer la journée ; il tourne dans un sens antihoraire (du 01 vers le 02 situé à droite) ;
• Au centre : le disque des secondes, qui tourne lui aussi dans un sens antihoraire (du 00 repéré en noir vers le 05 situé à droite), avec une double graduation latérale un peu fantasque du disque circulaire – avec des bons yeux, on y discerne tantôt les demi-minutes, tantôt les quarts de minutes, tantôt les dixièmes de minutes (entre 15 et 30 ou entre 45 et 60)…
• À l’intérieur : le disque des secondes, en rotation antihoraire lui aussi (du 00 vers le 05 situé à droite). C’est l’élément le plus animé de cette montre à mouvement électronique…
Même avec un peu d’habitude, la lecture de l’heure est tout sauf intuitive et elle réclame un bon apprentissage : autant on évalue facilement l’espace entre deux chiffres horaires, autant il est facile de se tromper dans le dernier quart d’heure, quand le chiffre de l’heure est trop proche du repère blanc. C’est plutôt une montre qui vous donne l’impression d’être en avance qu’une montre qui vous retarde par une perception décalée des aiguilles. La confusion entretenue par les intervalles de minutes trop gradués s’ajoute à cette illusion d’optique : quand on est dans la minute 50, on a plutôt l’impression d’être très proche du chiffre de l’heure suivante. Le positionnement un peu flou des chiffres des minutes ne facilite pas non plus le réglage de la montre à la seconde près d’un top horaire…
Heureusement, on finit par s’y faire, tout comme on n’en finit pas de se laisser fasciner par ces secondes, ces minutes et ces heures qui s’écoulent à l’envers, mais dans le bon ordre, avec l’implacable scansion du disque des secondes qui donne l’impression d’être un vrai métronome sous le repère blanc du cadran. Pour ceux qui n’auraient vraiment rien compris à cet instrument d’une précision électronique, chaque disque porte les mots « heures », « minutes » et « secondes » en trois langues – français, anglais, allemand…
Pour conclure, avouons que c’est purement une affaire d’esthétique plutôt que de passion mécanique, même si l’aspect « instrumental » de la Klok-01 Blue Note n’est pas négligeable. Le mariage du boîtier noir et du cadran bleu est une belle idée – sauf que la mode est cette année au vert plutôt qu’au bleu ! Il y a probablement quelques retouches graphiques à apporter à la lisibilité du cadran, mais on ne saurait trop en demander pour les 585 euros d’un objet du temps aussi singulier. Sur ce marché de niche, cette montre de designer attend maintenant des séries limitées en collaboration avec des stars du crayon/ Tiens, la mode 2021 est à la reprise des codes d’Alain Silberstein ! Une K x AS aurait une sacrée gueule…