BUSINESS MONTRES VINTAGE (accès libre)
Retour opérationnel sur l'affaire Cvstos-Depardieu (des questions et quelques réponses)
Les « ambassadeurs » et les « amis des marques », c’est de la dynamite ! Pas question de laisser les enfants jouer avec les allumettes autour de la mèche lente… D’où le ramdam numérique généré par la vidéo qui associait Gérard Depardieu et Cvstos ! Tout ça pour une montre suisse : on a dépassé les 130 000 « vues » sur « Business Montres Vision » en une semaine. Il suffirait donc d’un comédien qui sent toujours le soufre, peut-être d’un cerf, éventuellement d’un fusil à lunette et de beaucoup de culot pour buzzer sur les réseaux sociaux ? Pas tout-à-fait : tirons un premier bilan de l’opération…
À RELIRE
Première publication de ce texte et des commentaires ci-dessous, ainsi que des vidéos : Business Montres du 2 février 2016…
DERNIÈRE HEURE
Cvstos tente de faire officiellement interdire par YouTube la diffusion de la vidéo de sa publicité avec Gérard Depardieu. Ce qui revient à avouer l’erreur que constituait sa publication, en y ajoutant la faute stratégique que constitue ce reniement. La liberté ne se décrète pas : elle se prend ! Conformément à notre attitude permanente face à toutes les censures, nous diffusions immédiatement cette vidéo sur un autre canal 100 % liberté (Business Montres sur RuTube, en Russie)…
130 000 « vues » pour une publicité horlogère qui n’aurait pas dû dépasser le millier, ce n’est plus un hasard : c’est un « fait de société » comme disent les médias mainstream. Et ça interpelle, parce que c’est la preuve que la vidéo a touché – où, pourquoi, comment ? – le cœur des internautes et qu’elle a mobilisé leurs affects émotifs au-delà de ce qui aurait été prévisible. D’autant que la contagion a eu lieu dans le monde entier : après un lent démarrage sur les médias et les réseaux sociaux francophones, mis en alerte par Atlantic-Tac (Atlantico) et Business Montres, à l’exception notable de la Suisse (voir notre chronique sur le blog Genevois rien venir), on est passé à la vitesse supérieure quand les quotidiens internationaux (Le Figaro, The Telegraph, etc.) se sont emparés du dossier. De Singapour à Hollywood, et de Montréal à Moscou, Cvstos a mis le feu à la planète numérique. Était-ce le but recherché ? Oui, évidemment. L’opération buzz a-t-elle été maîtrisée. Non, manifestement [NDLR 2017 : on a su depuis que la marque était en délicatesse avec le réalisateur de sa propre vidéo].
La vidéo a été retirée du site après quelques jours de diffusion, semble-t-il à la demande de Gérard Depardieu, qui s’est inquiété des répercussions possibles de cette publicité pour son image, en Russie. Sans qu’on comprenne si c’était la peur du ridicule ou le souci de ne pas trop en faire dans ce qui aurait pu apparaître comme une parodie involontaire des propres vidéos virales de Vladimir Poutine posant torse nu en grand chasseur de la taïga… Pour une marque suisse dont la notoriété était très faible, c’est une promotion inespérée : les réseaux sociaux ont de la mémoire et l’expression @cvstosgeneve a fait le tour de la planète.
Pour le pire plutôt que le meilleur : les internautes n’ont pas été tendres avec la qualité de l’image, avec le cerf empaillé (l’était-il vraiment), l’incohérence du scénario, la chute russophile purement gratuite, l’exhibitionnisme avec fusil à lunette [en plein débat américain sur les armes, c’est explosif] ou l’ambiance globale politiquement incorrecte accentuée par la réputation de l’inoxydable Gérard Depardieu, qui résiste à tout, même aux blasphèmes [c’est même à ça qu’on reconnaît sa valeur ramdamédiatique sur le marché]. N’était-ce pas le but recherché ? Là encore, oui, évidemment. La notoriété de Gérard Depardieu était supposée doper celle de Cvstos, qui en a fait un « ambassadeur » de ses montres si fièrement russes. Tout éclat du comédien devient un coup d’éclat de la marque qui l’accompagne. Gérard Depardieu est un « bon client » qui crée le buzz où qu’il aille et quoiqu’il fasse. Sachant que pas une seule marque de luxe ne prendrait le luxe d’accoler son image à celle de ce bad boy français exilé fiscal en Belgique et adulé social en Russie, le choix alternatif de Cvstos avait du sens pour la jeune marque genevoise. Problème n° 1 : quand on s’affiche avec le truculent Gérard Depardieu, qui ne fait jamais dans la dentelle et qui adore se moucher avec la nappe, il y a forcément des éclaboussures. Il suffit de les gérer préventivement, ce qui n’a sans doute pas été le cas. On risque une balle perdue en jouant les francs-tireurs. Problème n° 2 : si « Gégé » est insubmersible dans sa carapace de Teflon anti-taches, il faut que ses partenaires le soient autant (insubmersibles et ferrés à glace), ce qui n’était sans doute pas le cas. On n’embarque pas à bord d’un Panzer en tongs et en bermuda ! Pour un buzz au niveau expert avec Gérard Depardieu, il faut être sévèrement outillé…
C’est sans doute là que Cvstos a péché par naïveté et par légèreté. D’une part, il n’aurait jamais fallu retirer la vidéo du site : compte tenu de la longue mémoire de la Toile, c’était inopérant et tactiquement idiot. C’était attirer l’attention sur un remords, donc sur un aveu, à propos d’une publicité mal goupillée qui n’aurait jamais dû être diffusée dans l’état, sans réflexion préalable, sans éclairage et sans balisage minutieux du champ de mines. C’était piquer la curiosité malsaine des internautes, qui ont prouvé par leurs commentaires – aussi consternés que consternants – à quel point les réseaux sociaux avaient l’intelligence d’un moustique pour le corps d’un mammouth. En plus, le ménage a été mal fait sur propres réseaux sociaux de la marque… D’autre part, quand on se veut « marque de luxe » et qu’on se pose en référence dans le haut de gamme horloger, est-ce qu’on produit de telles publicités ? Était-ce du luxe, cette mise en scène à la hache, ces plans flous, ce montage alzheimérisé ? Sert-on l’image d’une marque en mélangeant tout : le cerf, la Russie, le fusil à lunette, la cartouche qu’on suce, l’horlogerie et l’argot parigot ? Un message publicitaire n’est pas un caddy de supermarché où on entasse tout ce qui passe, en désordre et dans l’improvisation, sans se soucier de mettre une masse critique propice à la déflagration à la moindre étincelle. On peut parler d’un manque flagrant de professionnalisme...
• La bonne idée, c’était de monter une séquence de provocation avec Gérard Depardieu : il adore et on l’adore dans cette fonction : ça aurait fait un peu de buzz, comme vidéo amateur improvisée, tournée entre copains après quelques bonnes tournées. Tant le comédien que la marque auraient profité de ce bruit de fond positif : c’était contrôlable. On adore les marlous qui nous font de tels clins d’œil…
• La mauvaise idée, c’est d’avoir fait une publicité officielle de ces trente secondes de pure déconnade, trop ostensiblement encadrées par les marqueurs identitaires de Cvstos pour ne pas être prises au sérieux. Donc trop officielles pour ne pas prêter le flanc à une critique professionnelle de l’opération. Là, ce n’était plus contrôlable et c’est devenu toxique pour la marque comme pour Gérard Depardieu. On déteste ceux qui nous prennent pour des demeurés…
Moralité : « La communication est un métier. On ne joue pas impunément avec les affects d’une communauté de voyeurs numériques, toujours avides de voir les célébrités trébucher et les marques se planter. Comme la guerre selon Napoléon, le buzz est un art simple et tout d’exécution. On pourrait même ajouter que c’est même un art d’électrocution pour les maladroits qui n’en maîtrisent pas l’ampérage » ( Genevois rien venir) !
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