SALE TEMPS POUR LES MONTRES SUISSES
Xi Jinping persiste, signe et même aggrave sa campagne anti-luxe
On prétendait que ça irait mieux en fin d'année pour les montres suisses sur le marché chinois. Apparemment, Xi Jinping, le nouveau président chinois, n'est pas au courant. Il a fait adopter par le Parti communiste une nouvelle « ligne de masse » qui condamne plus que jamais l'ostentation au poignet. ▶▶▶ « RECTIFICATION »Une reprise en mains qui passe par les poignets du Parti... ◉◉◉◉ Dans le jargon communiste chinois, c'est ce qu'on appelle …
On prétendait que ça irait mieux en fin d'année pour les montres suisses sur le marché chinois. Apparemment, Xi Jinping, le nouveau président chinois, n'est pas au courant. Il a fait adopter par le Parti communiste une nouvelle « ligne de masse » qui condamne plus que jamais l'ostentation au poignet.
▶▶▶ « RECTIFICATION »Une reprise en mains qui passe par les poignets du Parti... ◉◉◉◉ Dans le jargon communiste chinois, c'est ce qu'on appelle une « campagne de rectification » : il s'agit, pour le Parti, de regagner les coeurs et les esprits des larges masses par une « campagne d'éducation de la ligne de masse ». Vocable un peu obscur, qui fait référence au concept maoïste de « ligne de masse » [ce qui est une façon de surfer avec la nostalgie populaire de la « pensée Mao Zedong » et avec la déception face aux effets pervers de la croissance économique], mais qui n'en fait pas moins de la « lutte contre la corruption » un impératif, à tous les niveaux hiérarchiques du Parti communiste – c'est-à-dire de toute l'ossature socio-militaro-industrielle de la nouvelle Chine. Cette « reprise en main » du Parti – annoncée par de nombreux signaux faibles, dont Business Montres a souvent rendu compte – devrait logiquement entraîner quelques purges pour convaincre les récalcitrants. Pour ceux qui auraient des doutes sur les nouvelles orientations du Parti communiste chinois (PCC), rien ne vaut la lecture du Quotidien du Peuple (ci-dessous : cliquez sur le lien ou sur la Une)... 
◉◉◉◉ Dans la ligne de mire du nouveau président chinois, les fonctionnaires « moralement dégénérés » : ce sont ceux qui tapent dans la caisse et ceux qui « abusent de leur pouvoir », mais aussi ceux qui persistent dans les « dépenses somptuaires », en Chine comme à l'étranger. Ouvertement mis en cause : le « formalisme », la bureaucratie, l'« hédonisme » et les « extravagances », catégorie floue, mais que tous les cadres du Parti, même dans les sous-préfectures (xian) ont interprété comme une condamnation sans appel du luxe européen, des voitures étrangères et des montres de prestige. Au passage, c'est une condamnation implicite de la stratégie économique des prédécesseurs de Xi Jinping, qui fondaient sur l'enrichissement personnel le développement économique collectif. Il semblerait désormais que la priorité soit aux investissements lourds [dans la plus pure tradition maoïste] dont on espère un effet mécanique d'entraînement sur la croissance. Une ligne « plus rouge que rouge » [voir la notice sur la « ligne de masse » dans Wikipedia], chimiquement beaucoup plus pure et clairement intégriste, qui subordonne le progrès à l'intelligence des masses [populisme néo-marxiste ?] et qui exclut, de fait, la consommation ostentatoire : c'est la nouvelle éthique de la « frugalité prolétarienne » dont Business Montres a souvent souligné la montée au sein de l'exécutif chinois : notre article sur le nouveau « duel entre les rouages (de montre) et les roues (de vélo) » semble ici prémonitoire (Business Montres du 15 septembre 2012)... 
◉◉◉◉ L'heure est à quelques nouvelles valeurs : « L'auto-purification, la perfection de soi, l'auto-renouvellement et l'auto-progression ». Ce qui ne veut rien dire pour nous, mais qui est très parlant dans la doxa post-communiste. Métaphoriquement, cela donne, pour les cadres du Parti communiste, « se regarder dans le miroir, se purifier, prendre un bain et prendre les remèdes qui conviennent ». On ne rigole plus et on ne se vautre plus dans le stupre et la luxure : l'« hédonisme » des plaisirs personnels, c'est bon pour les Occidentaux. Pour les bureaucrates qui n'auraient pas compris, le Parti a mis en place un site dédié à la « ligne de masse » (qzlx.people), où tout est clairement détaillé. Un indice révélateur de ce nouveau climat esthétique autant qu'éthique : les dirigeants chinois ont abandonné la cravate ! On peut le vérifier sur le nouveau site : pas une seule image de cravaté. Insignifiant, anecdotique ou dérisoire ? Certainement pas, c'est au contraire hautement signifiant ! C'est même un symbole criant de ce nouveau chic anti-occidental qui s'impose dans les allées du pouvoir chinois, qui cultive depuis si longtemps le chic passe-partout du businessman à l'européenne. La répression de l'extravagance et la condamnation du luxe [lequel ? Forcément celui des Européens !] passent désormais par la libération emblématique de ce marqueur occidental par excellence qu'est la cravate (ci-contre). Pour être plus près du peuple, on tombe aussi la veste. Du jamais vu dans un comité central [voir également la photo de Xi Jinping à la Une du Quotidien du peuple : image ci-dessus]. À quand le retour du costume Mao, abandonné voici une trentaine d'années ? Sans doute dans pas longtemps : chacun aura noté le grégarisme, qui consiste à remplacer un uniforme par un autre. Un qui va être content, c'est Zhang Yuping, colonel de l'Armée de libération populaire (l'armée rouge chinoise) et patron du réseau de distribution horlogère Hengdeli, qui n'a jamais abandonné son costume Mao... ◉◉◉◉ « Pourriture », « cupidité », « discipline de fer du parti marxiste » : on ne rigole pas dans les discours du comité central relayés par le site qzlx.people ! On y parle beaucoup de « style de vie », mais il s'agit d'un brouet spartiate et prolétarien qui n'a plus rien à voir avec les molles langueurs de notre life style. Comme les communistes sont des « travailleurs ordinaires », on ne voit pas pourquoi ils porteraient d'autres montres que celles de travailleurs chinois, les bonnes vieilles Sea-Gull de l'armée rouge ou les nouveaux chronographes Fiyta. On pourrait en sourire si les conséquences immédiates et directes pour les industries du luxe européennes n'étaient pas aussi percutantes : la campagne vise désormais ouvertement les moindres fonctionnaires, mais aussi leurs épouses. En première ligne dans cette bataille anti-luxe à l'européenne : les montres suisses. L'âge d'or du marché chinois est désormais derrière nous : l'hédonisme des « jouets de garçon » ne colle plus aux directives du PCC. Ce sera un long mauvais moment à passer pour les marques très impliquées par leurs publicités dans le quotidien – réel ou virtuel, assumé ou fantasmé et aspirationel – des Chinois urbanisés, mais c'est peut-être une chance pour les marques horlogères moins exposées et celles qui pourront mieux tirer leur épingle du jeu dans les métropoles de second rang : le tout sera désormais de combiner l'understatement apparent et la valeur ajoutée intrinsèque – ce qui réclame la promotion de nouveaux codes, moins ostensiblement ostentatoires. La haute horlogerie « prolétarienne », c'est pour quand ? 
◉◉◉◉ Pendant ce temps, la Suisse horlogère « d'en haut » se félicite de la signature de l'accord de libre-échange passé avec la Chine pour baisser de 18 % l'année prochaine et de 60 % sur dix ans les droits de douane sur les montres suisses importées en Chine. Immense victoire, nous affirme-t-on, qui ne pourra que faire baisser le prix des montres suisses vendues en Chine et donc relancer nos importations sur place ! Première question : qui va prendre le risque d'acheter sur place des montres suisses que la morale prolétarienne bannit des poignets ? Seconde question : de qui se moque-t-on ? Business Montres (28 mai dernier) a déjà demandé, à propos de ce « coup de bluff », que la « première marque qui baissera ses prix en Chine nous jette la première pierre ». Pas de risques ! Combien pèsent les seuls droits de douane dans un produit importé, alors que toutes les autres taxes sont laissées à la discrétion de l'administration chinoise ? Pour le découvrir, jetez un oeil sur le tableau ci-dessous (source : Marketing Chine) : 
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