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JACQUES BIANCHI (accès libre)
Un miracle français qui s’explique somme toute logiquement

Plus de 400 000 euros de souscriptions en quelques heures et près de 560 passionnés qui s’arrachent la nouvelle JB 200. Un record de sociofinancement en vue pour cette marque française. Ce n’est pas un hasard…


On sentait venir le « gros coup » tant la rumeur montait, depuis quelques jours, sur les réseaux sociaux très habilement stimulés par l’équipe qui relance la marque Jacques Bianchi. Dès hier, quelques heures après le lancement officiel de la campagne (Business Montres du 15 juin), les dizaines de milliers d’euros commençaient à s’empiler sur le compte Kickstarter de cette opération, dont l’objectif était ambitieux (150 000 euros demandés). Ce matin, après vingt-quatre heures de campagne, on dépasse déjà les 400 000 euros apportés par près de 560 contributeurs – ce qui permet d’envisager de battre le record actuel de sociofinancement d’une marque française sur Kickstarter, actuellement détenu depuis 2015 par la campagne Klokers (605 000 euros et 1 500 contributeurs : en 2017, une seconde campagne avait permis à Klokers de rafler 460 000 euros supplémentaires auprès de 2 000 contributeurs – Business Montres du 8 novembre 2017). Avec sa nouvelle « plongeuse » JB200, l’équipe qui relance la marque Jacques Bianchi peut – si tout se passe bien – aller tutoyer le million d’euros…

On ne va vous présenter à nouveau ici cette nouvelle montre JB200, proposée sur Kickstarter à moins de 600 euros [le futur prix public sera de 990 euros] : on en dit longuement tout le bien qu’on peut en penser dans une de nos pages « Repérages » (Business Montres du 16 juin). On ne va pas non plus réécrire la « légende Bianchi », largement décrire – en français – dans la page de référence de la campagne Kickstarter. Tout cet univers est évoqué dans la vidéo ci-dessous…

Ce million de souscription en vue serait évidemment magnifique, même s’il n’est pas atteint – et quasiment miraculeux pour une marque horlogère française [espèce qu’on disait en voie de disparition]. Cependant, en y regardant de plus près, cette perspective ouverte sur le million d’euros peut se décoder comme une fantastique confirmation du retour sur le devant de la scène des marques françaises qui réussissent à faire des belles montres (Swiss Made ou non), qui les font à des prix accessibles pour des amateurs toujours plus frustrés par les délires tarifaires et les égarements marketing des marques suisses de leur catégorie. Quelles sont les ingrédients de la bonne recette ? Quelles sont les clés qui ont ainsi permis à la nouvelle maison Jacques Bianchi de déverrouiller la malle au trésor ?

❑❑❑❑ LA PUISSANCE DE LA LÉGENDE JACQUES BIANCHI : à 80 ans, Jacques Bianchi (ci-dessus) reste la figure tutélaire de l’horlogerie marseillaise [il travaille toujours à son établi, dans le centre de la ville, tout près du Vieux Port !] en même temps qu’une légende dans l’univers de la plongée. Même les plus jeunes ont entendu parler de lui, les plus anciens ayant si pieusement conservé leur « Bianchi » des années 1980 qu’il n’en passe que très peu sur le marché. Cette légende était un facteur de notoriété suffisant pour permettre à la nouvelle marque marseillaise « Jacques Bianchi » d’émerger en quelques semaines dans la communauté française des amateurs d’horlogerie et de créer une attente récompensée par la vague de souscription des premières heures de la campagne…

❑❑❑❑ L’AUTHENTICITÉ DES RACINES MILITAIRES : les montres de plongée signées Bianchi figurent parmi les rares « plongeuses » vraiment réglementaires dans les unités de la Marine nationale. La page de référence de la campagne Kickstarter en cours donne à ce sujet tous les détails nécessaires sur cette dotation officielle de certaines unités de l’époque en JB 200 à quartz : bravo à ceux qui ont fait cette recherche historique dans les archives militaires. On n’est pas ici dans le marketing horloger, pas plus que dans le bullshit pseudo-militarisé que pratiquent bien des faisans de la mémoire. En achetant une authentique Jacques Bianchi comme cette JB200, on pose sur son poignet un vrai morceau de l’histoire horlogère. Ce facteur rassurant a fait craquer le premier cercle des initiés : il ne devrait pas tarder à séduire une nouvelle génération d’amateurs…

❑❑❑❑ LA VOLONTÉ DE RESPECTER L’ICÔNE : entre la réédition pure et simple et le simple hommage allusif et réinterprétatif, plusieurs choix s’offraient à l’équipe qui a relancé la marque Jacques Bianchi. La sagesse l’a emporté, avec le respect de l’esprit des codes plus que de leur lettre. Côté reprise : même format, même étanchéité à 200 m, même « conduite à gauche » pour la couronne, même silhouette de plongeur, même esthétique fonctionnelle globale, mêmes aiguilles, même choix d’un rehaut poli miroir. Côté modernisation : on a préféré un calibre automatique (Seiko NH35) à l’ancien mouvement à quartz France Ébauches, ce qui a réclamé un épaississement du boîtier (poussé à 13,3 mm) ; on a supprimé la date [tant mieux !] ; on en a également profité pour renforcer la luminescence ivoirée (SLN) des index, qui ont été agrandis, et des aiguilles, ainsi que de la lunette ; le style du bracelet de type « Tropic » évoque ceux du passé, mais il est en caoutchouc. Aucune trahison dans ces adaptations : la légende n’est pas un ersatz : c’est un facteur de confiance

❑❑❑❑ LE SAVOIR-FAIRE HORLOGER : pour mener dignement cette renaissance, il fallait une vraie équipe de professionnels de la marque et du produit. Si Jacques Bianchi a supervisé l’opération, c’est à Fabrice Pougez, l’animateur de MATWatches (séries spéciales de montres robustes pour les militaires et les professionnels de l’extrême) qu’est revenu la mission de proposer ce qui pouvait se faire de mieux pour cette relance. Les choix techniques ont été pointus, les exigences très serrées et les contraintes sévères, mais le résultat horloger est là. Même si on doit pouvoir critiquer tel ou tel détail de la nouvelle JB 200, l’ensemble est irréprochable dans sa qualité horlogère des plus rigoureuses. Quand les Français travaillent « à la suisse », ils font des étincelles – quel dommage qu’il n’y ait pas, en France, le moindre mouvement mécanique tricolore disponible à des prix décents !

❑❑❑❑ L’INTELLIGENCE DU TRAVAIL SOCIONUMÉRIQUE : tout le mérite en revient au jeune Simo Tber, spécialiste de la digitalisation dans le luxe, et à l’équipe de bonnes fées (notamment journalistiques) qui ont veillé sur le berceau de cette nouvelle « plongeuse ». L’opération a été menée de main de maître sur Kickstarter, en amont comme en aval, les réseaux sociaux alertant et relayant les médias horlogers, eux-mêmes relancés avec intelligence par des contenus pour une fois intéressants [pas le moindre basketteur chinois, ni la moindre blogueuse guatémaltèque, ni le moindre rappeur californien dans la combine : c’est rafraîchissant !]. C’est un facteur de réussite non négligeable sur un marché de sortie de crise où les propositions se bousculent en ligne : la maison Jacques Bianchi fait la différence en marquant paisiblement son identité.

On ne prête qu’aux riches : si on combine à peu près tous ces facteurs, on peut décoder un succès qui correspond en tout point à l’axiome de Business Montres, qui situe la réussite de la nouvelle horlogerie contemporaine dans un ring dont les quatre angles sont polarisés autour de montres créatives, ludiques, signifiantes et accessibles. Cette JB 200 est créative par son style néo-vintage pimenté d’impertinence (« conduite à gauche » et plongeur sur le cadran) ; elle est ludique en ce qu’elle est le fruit d’une passion et qu’elle donne du plaisir à son porteur – ne serait-ce que celui de faire partie d’une « élite » de connaisseurs – en plus de faire son apparition dans ce grand bal du gaming horloger que constitue Kickstarter ; elle est signifiante pour la légende historique qu’elle évoque, les valeurs militaires qu’elle porte et qu’elle sait prolonger par de nouvelles émotions « sportives chic » ; elle est accessible par son prix – et surtout par son rapport qualité-prix. Ce n’est donc pas un miracle au sens surnaturel des choses, mais bien une résultante : quand on a coché toutes les bonnes cases en comprenant bien ce qui mobilisait aujourd’hui les affects des amateurs, on a la grille gagnante du Loto. La suite aux prochains numéros, quand on s’approchera du million…


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