14 FÉVRIER : La Saint-Valentin comme degré zéro de la créativité horlogère (le rouge n'impressionne vraiment plus que les bêtes à cornes)
Mais pourquoi les montres lancées pour la Saint-Valentin sont-elles globalement aussi nulles ? Trop pressés de ne pas rater cette fête, les horlogers suisses cumulent des contresens sur la signification symbolique de l'événement à des erreurs de perspective sur les valeurs qui le soutiennent. ▶▶▶ IN THE MOOD FOR LOVEUne fébrilité créativequi s'égare en indigestion de guimauve...
Mais pourquoi les montres lancées pour la Saint-Valentin sont-elles globalement aussi nulles ? Trop pressés de ne pas rater cette fête, les horlogers suisses cumulent des contresens sur la signification symbolique de l'événement à des erreurs de perspective sur les valeurs qui le soutiennent.
▶▶▶ IN THE MOOD FOR LOVEUne fébrilité créativequi s'égare en indigestion de guimauve...
◉◉◉◉ D’abord, autant commencer à se poser la question qui fâche : la Saint-Valentin est-elle autre chose qu’un événement purement commercial ? À la base, et avant même de s’interroger sur la dérive marchande de cette journée, c’est déjà une affaire de récupération et de détournement. La fête de ce saint – dont la relation aux amoureux reste totalement hypothétique – correspond à une série de rites qui célébraient l’amour et la fertilité bien avant les Évangiles : les Romains fêtaient ainsi les Lupercales autour du 15 février. L’Eglise a ensuite plaqué sur cette foi populaire un des saints de son calendrier, ce qui lui permettait d’enrober de christianisme une ferveur nettement païenne. Comme il faut bien animer les vitrines entre Noël et Pâques, les mercantis contemporains – la mode est venue des Etats-Unis (ci-dessous) – ont détourné commercialement ce détournement chrétien. C’est ainsi que la Saint-Valentin est devenue un sympathique prétexte pour glisser des petits cœurs (roses ou rouges) un peu partout et pour un étalage de nunucheries qui, pour être sympathiques et généralement inoffensuves, ne sont que rarement de bon goût. Face à cette sentimentalité sirupeuse et dégoulinante, les accrochages massifs de « cadenas d’amour » sur le pont des Arts (Paris) ou sur le Ponte Vecchio (Florence) font figure de pratiques ascétiques et presque macératoires... 
◉◉◉◉ Récupération dans la récupération, les horlogers suisses se sentent désormais investis d’une mission d’agitation langoureuse aux alentours de la mi-février. La cardio-symbolique (les cœurs, la couleur rouge, les fleurs) a l’avantage d’être facilement comprise, même dans les cultures exotiques qui ne la pratiquaient pas : en Asie, le Valentine Day est à présent le marqueur d’une acculturation américanomorphe considérée comme un « progrès ». Quand – sublime bonheur ! – cette Saint-Valentin consonne avec le Nouvel An chinois (autre prétexte à une flambée de consommation symbolique et propitiatoire), les manufactures suisses exultent et touchent au nirvâna – même si c’est pour perdre les pédales… ◉◉◉◉ En avant, donc, pour des montres commémoratives dédiées à la Saint-Valentin. Une habitude qui a sa légitimité pour des Swatch dont la saisonnalité est génétique et dont la tradition valentinesque est désormais fortement établie, mais une pratique qui laisse songeur dès qu’il s’agit d’horlogerie mécanique traditionnelle, sinon de haute horlogerie. La Saint-Valentin est, par définition, une pause éphémère de célébration symbolique, non ostentatoire, dans la course du quotidien : la touche valentinienne se doit donc d’être légère, allégorique et non dénuée d’humour. Ce que ne savent apparemment pas faire les marchands de guimauve que les horlogers suisses prennent pour modèles… 
◉◉◉◉ Certaines Swatch de Saint-Valentin peuvent être amusantes (pour celle de 2015, voir Business Montres du 28 janvier ou Business Montres du 14 février 2014). Autant on peut saluer des initiatives combinées (Saint-Valentin et Année de la chèvre) et opportunistes de marques comme Ice-Watch (ci-dessus) ou The Chinese Timekeeper (Business Montres du 4 février dernier), autant on s’interroge sur des propositions comme la montre Be My Sweet Valentine de Pierre DeRoche : jamais l’expression « tarte à la crème » n’a mieux qualifié cet étalage convenu de touches rouges et de choux à la crème semés de petits cœurs (en haut de la page, sous le chapeau). Sauf à se faire une curieuse idée du romantisme en vallée de Joux, on repassera pour l’humour et l’originalité autant que pour la créativité ! 
◉◉◉◉ Dans un autre style, la montre Masterpiece Power of Love de Maurice Lacroix (ci-contre) affiche originalité et créativité [les trois roues dentées asymétriques épèlent le mot « Love » en le répétant avec obstination], mais la présenter à l’occasion de la Saint-Valentin – alors qu’il s’agit d’un vrai tour de force mécanique – est le meilleur moyen d’en massacrer le concept en le noyant dans les mièvreries de saison. ◉◉◉◉ Comme Business Montres (4 février) vous le signalait l’autre jour, on peut trouver le comble du machisme élémentaire, naïf et inconscient [le pire !] dans une promotion franc-montagnarde d’Aerowatch. Nous vous avions également présenté la tendance vanille-fraise écrasée sur la cadran de la Blancpain Saint-Valentin (ci-dessous, en bas de la page) : quelle curieuse idée de la femme amoureuse ! Que dire que la Tambour prévue par Louis Vuitton pour la Saint-Valentin : n'aurait-elle pas été plus à l'aise chez Fossil ou Michael Kors ? Nos dossiers de presse regorgent d’incongruités et d’horreurs valentinesques, qui prouvent à quel point cette Saint-Valentin se situe au degré zéro de la créativité horlogère. Il faut vraiment être anglais pour imaginer une telle Rolex de Saint-Valentin (ci-dessous : une « création » I Love You de Bamford Watch Department)… 
◉◉◉◉ S’il suffisait d’une pointe de rouge pour badiner avec l’amour, cette planète serait peuplée que de fougueux amoureux ! S’il suffisait d’un cœur pour prouver sa flamme, Dominique Strauss-Kahn n’aurait jamais visité Rikers Island. S’il suffisait de combiner cœurs et notes rouges pour être créatif, saint Valentin serait aussi le saint patron des horlogers à la place de saint Eloi. Ce n’est pas le cas ! Et ce déficit créatif se remarque encore plus à la Saint-Valentin… 
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