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@2013 : Les 10 pires mauvaises surprises d'une année en pente douce (descendante)

Après les bonnes surprises et comme dernier article de la saison 2013, les mauvaises surprises d'un millésime pas si nul (voir nos bonnes surprises). Elles ne sont pas si nombreuses, mais ce sont autant de bombes à retardement pour 2014, année de tous les dangers...  ▶▶▶ MAUVAISES SURPRISES 2013 1] La révolution des montres connectées...


Après les bonnes surprises et comme dernier article de la saison 2013, les mauvaises surprises d'un millésime pas si nul (voir nos bonnes surprises).

Elles ne sont pas si nombreuses, mais ce sont autant de bombes à retardement pour 2014, année de tous les dangers...

 
 MAUVAISES SURPRISES 2013
 
1] La révolution des montres connectées...
◉◉◉◉ En Suisse, à part quelques professionnels (dont Business Montres), personne n'a vraiment vu venir la révolution des objets connectés, ni le danger que peut représenter – pour toute l'industrie des montres – l'explosion des smartwatches. Foi de Nick Hayek (Swatch Group), ces « gadgets électroniques » ne sauraient menacer les montres traditionelles, tellement plus nobles, tellement mieux faites et tellement plus valorisantes sur le plan social. Ce qui n'est pas faux, les « montres connectées » étant encore loin d'avoir digéré leurs péchés de jeunesse et n'offrant aujourd'hui qu'une alternative médiocre à l'offre Swiss Made. Sauf qu'il ne s'agit pas, pour les géants de l'électronique, de se battre contre les montres suisses, mais tout simplement d'occuper, au poignet, une place stratégique conquise voici à peine un siècle par les montres-bracelets. Demain, tous les objets de notre quotidien seront connectés, donc les montres le seront. De gré ou de force. Et ce ne sera pas forcément pour assurer la liaison avec le téléphone, mais pour toutes sortes de fonctions personnelles et relationnelles annexes. Ce qui ne tuera pas ouvertement les montres traditionnelles : elles seront seulement reléguées au rang de fétiches légèrement surannés – donc délicieux – d'un temps passé et d'une rétro-nostalgie validée par tous les discours sur la valeur intemporelle de cette horlogerie mécanique. Si les marques les plus statutaires ont des arguments pour résister à cette exigence de l'hyper-connexion, il n'en va pas de même pour les montres purement fonctionnelles et dénuées de légende – c 'est-à-dire 90 % de l'actuelle production Swiss Made. D'où notre pronostic pessimiste sur une industrie horlogère qui peut perdre, en dix ans, la moitié de ses volumes actuels...
 
2] Les prémices de la bataille du poignet...
◉◉ La carpo-révolution a sans doute commencé en 2013 avec le grand lancement de la Galaxy Gear par Samsung. Même si cette montre n'était qu'un galop d'essai, surtout destiné à prendre des parts de marché défensives face à l'offensive de la future iWatch d'Apple, elle a préparé le terrain de la prochaine wrist revolution (« révolution du poignet ») qui va voir les géants de l'informatique se tailler la part du lion dans la (re)conquête territoriale du poignet : autant dire que la voix des marques suisses ne portera pas, ou si peu, face au tonitruant tumulte généré par la communication de ces géants [rappelons que le budget promotionnel de Samsung sera de 16 milliards de dollars en 2014]. Faute de parts de marché médiatique significative, mais aussi de nouvelles bonnes raisons de se distinguer, l'horlogerie suisse va disparaître des écrans radar du grand public, ce qui laminera les marques d'entrée et de moyenne gamme [à l'exception sans doute des marques de mode] tout en menaçant sérieusement les équilibres économiques des marques plus huppées. 2013 n'était que la première bobine d'un film-catastrophe à peu près annoncé...
 
3] La nouvelle prohibition chinoise...
◉◉ Pour les horlogers suisses, le nouveau « fléau de Dieu » est chinois : c'est Xi Jinping, l'homme fort du pouvoir central chinois. On lui doit la campagne anti-signes extérieurs de richesse, qui a instantanément séché la promotion des « montres de corruption », avec d'autant plus d'efficacité que porter ces montres occidentales est vite devenu synonyme d'argent sale malhonnêtement acquis. Il ne restait plus ensuite qu'à prôner une nouvelle morale prolétarienne pour que tout le monde comprenne que l'ère de l'argent-roi [la décennie qui a précédé sa prise du pouvoir] était terminée et qu'on allait pouvoir passer aux choses sérieuses et à la construction d'un Etat-providence fait pour les ex-ruraux néo-urbains – et non plus pour les nouveaux riches d'une industrialisation trop rapide. Histoire de ne pas laisser les marques suisses induire en tentation horlogère les larges masses, les flux commerciaux vont être réorientés vers le marché intérieur, y compris la fantastique manne du shopping touristique, désormais très encadré par le Parti communiste et cantonné dans des zones franches intra-chinoises [contrôlées, tout comme les réseaux de distribution à l'intérieur du pays, par les clans proches du pouvoir central]. Dans le même temps, la promotion des « valeurs chinoises » va doper la consommation des montres de marques locales, désormais encouragées à partir titiller les marques européennes sur leur propre marché. Tout ceci pour dire que le moteur chinois – qui avait évité à l'horlogerie suisse de plonger dans la crise de 2008 – est au point mort, sans remplaçant même provisoire pour assurer la croissance de l'industrie des montres...
 
4] La méprise fatale de Richard Mille...
◉◉ Comptablement et statutairement, ça se tenait : c'était même une fantastique occasion, pour le groupe Kering, de reprendre la main sur le terrain horloger, en complément des marques récemment rachetées par François-Henri Pinault. Pour les autres marques indépendantes, c'était même une lumière au bout du tunnel : comme en 2000, quand Richard Mille avait lancé sa marque au nez et à la barbe des grands groupes qui n'y croyaient pas, tout le monde aurait sa chance dans la foulée de ce rachat par le groupe Kering. Sauf que le « coup du Père François » (Business Montres du 23 décembre) a torpillé la manoeuvre et convaincu le marché que les marques indépendantes étaient désormais des facteurs de risque – alors qu'elles sont la pépinière des tendances et des talents de demain. Il n'y avait plus qu'à plier les gaules et à trouver – si possible loin du microcosme franco-suisse – des investisseurs moins soucieux de ROI que de prestige : sur ce terrain, Richard Mille reste la marque la plus enviable du marché par son cocktail d'image, de statut, de tendance, de valeur ajoutée personnelle, de mode, de créativité et de style. On peut donc imaginer qu'il trouvera à qui passer la main, sans doute pas au même prix que celui qui se dessinait chez Kering et sans doute pas avec un actionnaire aussi arrangeant...
 
5] La joaillerie comme champ clos du luxe...
◉◉ Les groupes de luxe considèrent déjà que le marché de la montre ne représente plus un potentiel de croissance suffisant pour qu'on lui alloue des ressources promotionnelles supplémentaires : il faut donc trouver un « moteur » de remplacement pour emballer les cours de la Bourse. En 2013, on a donc vu se mettre en place un terrain de manoeuvres alternatif : la joaillerie – qui résiste d'ailleurs mieux à la décroissance que l'horlogerie et qui constitue une sorte de terre vierge encore très mal défriché par les grandes marques, alors qu'il représente un potentiel supérieur à celui de l'horlogerie. C'est ainsi qu'il faut comprendre le renforcement du Swatch Group par le rachat de la maison Harry Winston [devenue d'autant plus désirable que les rêves de mariage avec Tiffany & Co s'étaient évanouis], la montée en puissance des investisseurs qataris chez Tiffany & Co [qui n'est pas sans rapport avec la brouille évoquée auparavant], la nomination du booster Jean-Chridtophe Babin chez Bvlgari ou celle de Stanislas de Quercize chez Cartier (« La grande lessive de la joaillerie orchestrée par les proctériens du luxe » : Business Montres du 25 septembre). Partout, on affûte ses armes, même chez les « seconds couteaux », indépendants (Chanel, Graff, Chopard, de Grisogono) ou encartés (Boucheron, Chaumet, Van Cleef & Arpels, Piaget). On va nous rejouer la Première Guerre mondiale entre la place Vendôme et la rue de la Paix...
 
6] L'insécurité pour les détaillants horlogers...
◉◉ Ce fut l'été des braqueurs, avec plus de 100 millions d'euros de joaillerie volés en quelques secondes au Carlton de Cannes (hallucinante vidéo des dix secondes du casse sur Business Montres Vision), sans parler d'autres attaques sur la Croisette ou sur la Riviera, mais ce fut aussi l'année de l'explosion des braquages dans les boutiques de joaillerie des grandes marques comme dans les plus modestes comptoirs horlogers. Les montres représentent désormais une telle « valeur » sous un faible volume qu'il est tentant pour les malfrats de se refaire une santé financière dans des vitrines horlogères relativement perméables aux agressions. Débordées, les autorités de l'Etat se proposent d'assurer la sécurité des personnes et des biens par une... concertation avec les professionnels concernés. Les braqueurs en rigolent très fort depuis quelques mois. Et l'insécurité va d'autant moins cesser de galoper que la légitime défense est un droit coutumier des plus flous, soumis à une intense pression médiatique, qui rend très aléatoire l'auto-défense des détaillants attaqués.
 
7] La déstabilisation du marché des enchères...
◉◉ En laissant partir Aurel Bacs, Christie's n'a sans doute pas mesuré le risque de déstabilisation du marché que son retrait des salles de vente pouvait provoquer. Surtout à un moment où le marché semble hésiter après des années de hausse continue et alors que se dessinent des mutations sans doute irréversibles dans la sociologie des collectionneurs, leurs comportements d'achat et leurs tropismes passionnels. Personne n'est irremplaçable, mais, sans Aurel Bacs, beaucoup de ces collectionneurs qui animent le marché auront la tentation de ne plus passer par la case enchères pour fluidifier ou enrichir leur patrimoine : on voit se dessiner un retour vers les transactions privées, hors salles, sans autre référence de valeur que l'avis des professionnels et des experts [là où le marteau de l'auctioneer était un juge de paix relativement incontestable et un repère sur marché]. Comme on ne distingue pas encore clairement qui pourrait bien enfiler le costume de suzerain – pour ne pas dire « parrain » – du mundillo des montres de collection, disons que le départ d'Aurel Bacs intervient au mauvais moment. Et au mauvais endroit : rien ne garantit la pérennité de la place de Genève, alors que se dessinent de nouveaux bassins de collectionneurs...
 
8] Le scandale du cuir humain pour les montres-bracelets...
◉◉ C'est sans doute une des informations les plus écoeurantes de l'année, mais c'est probablement celle qui a été la moins reprise, peut-être parce qu'elle est tout simplement impossible à croire ! Et pourtant... Il existe bien une maroquinerie en « cuir humain » : c'est même une spécialité britannique et on peut commander des bracelets de montres sur mesure en peau de cadavre – ce qui n'a rien d'illégal puisque ces peaux proviennent de « donneurs d'organes » légalement enregistrés (dénonciation du scandale : Business Montres du 28 novembre). Il y aurait même une file d'attente pour se faire livrer ses articles de petite maroquinerie dans ce matériau. On nous assure que cette peau d'Homo Sapiens sapiens est « le cuir le plus fin qu'on connaisse » et que le tanneur britannique concerné en possède l'exclusivité : l'affaire n'en reste pas moins répugnante – au-delà des jeux de mots qu'on peut faire pour « avoir la peau » de ses ennemis ou de ses concurrents. Bizarrement, personne n'a réagi à cette information, en dépit des éléments que nous avons versé au dossier. On espère à présent qu'aucune marque ne se prêtera à cette infâmie...
 
9] Les bombes à retardement...
◉◉ 2013 en a semé quelques-unes sous nos pas en prévision de 2014. À commencer par les conséquences du supposé Swatchgate, procès pour « corruption » intenté en Inde contre trois dirigeants de Swiss Timing (Swatch Group), accusés par les enquêteurs indiens d'avoir passé des marchés truqués (chronométrage officiel pour Omega) avec les organisateurs des Jeux du Commonwealth, qui se tenaient à Dehli en 2010 (Business Montres du 16 mars, avec des détails sur l'éviction du principal responsable de Swiss Timing : Business Montres du 18 mars). Autre bombe à retardement : le niveau beaucoup trop élevé du prix des montres suisses dans le cadre des désordres monétaires qui peuvent à tout moment faire chuter la valeur des monnaies de référence (dollar, euro) et donc renchérir le prix des montres suisses. Potentiellement explosif : le poids et le coût des réseaux de boutiques ouverts par les marques, qui en subissent désormais les effets négatifs en termes de profitabilité et d'hostilité des réseaux de distribution traditionnels. Tout aussi instable et dangereux : la condamnation morale implicite née de l'association trop marquée entre les montres de luxe et les élites financières corrompues que les opinions publiques accusent d'avoir provoqué la crise mondiale tout en profitant de sa déstabilisation. Et ainsi de suite, en se souvenant que les crises horlogères ne sont jamais nées d'une seule cause toxique, mais d'une conjonction de facteurs négatifs empilés au même moment historique...
 
10] Les amis partis trop tôt (in memoriam)...
◉◉ Ils sont nombreux, ceux qui nous ont quittés cette année, mais nous n'en retiendrons que quelques noms, comme celui de Frank Low, qui tenait à bout de bras Bédat & Co et LuxuryConcepts, celui de Patrick Heiniger, l'ancien patron « héréditaire » de Rolex [maison qui a beaucoup changé depuis son départ], celui de Dominique Loiseau, prodige de la création mécanique hors normes (ci-contre) qui avait encore tant de créations à partager avec nous, celui de Sylvie Rumo, qui aura marqué la vie quotidienne de plusieurs manufactures, ou celui de Dominique Tadion, femme de tête autant que de coeur qui manquera tant à la FHH dans l'année à venir. Une pensée pour leur famille et pour leurs amis – avec un dernier salut à leur mémoire : ceux-là, et d'autres encore, ont contribué à faire du marché ce qu'il est et à nous pousser à devenir ce que nous sommes...
 
 
 à lire...
Les 10 bonnes surprises de 2013...
(Business Montres du 30 décembre)
 
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