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@BASELWORLD 2015 #20 : Pourquoi cette nouvelle et controversée « montre de pilote » de Patek Philippe (réf. 5524 pour les initiés) est une étape importante dans l'histoire de la marque...

Entendre glapir les « experts » de la blogosphère contre la nouvelle Patek Philippe est un plaisir de gourmet. Cette quasi-unanimité des Watch Idiot Savants (WIS) ne nous dispense pas de réfléchir à tout ce que cette réf. 5524 nous raconte de la marque et de son élan... ▶▶▶ PATEK PHILIPPE @BASELWORLD 2015Savoir traverser en dehors des clous


Entendre glapir les « experts » de la blogosphère contre la nouvelle Patek Philippe est un plaisir de gourmet. Cette quasi-unanimité des Watch Idiot Savants (WIS) ne nous dispense pas de réfléchir à tout ce que cette réf. 5524 nous raconte de la marque et de son élan...

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▶ PATEK PHILIPPE @BASELWORLD 2015
Savoir traverser en dehors des clous
et savoir prendre le droit d'explorer
de nouveaux territoires d'expression...
 
◉◉ LAISSONS À THIERRY STERN LE SOIN DE RE-RACONTER une histoire qu'il a bien dû répéter cent fois pendant Baselworld. À propos de cette controversée réf. 5524 : « À peu près tout le monde est venu me dire que je n'aurais jamais dû lancer une telle montre de sport, mais les mêmes s'empressaient aussitôt de me demander de leur en réserver une » ! En quelques mots, l'essentiel était dit : même en rupture apparente avec les codes de la marque, une Patek Philippe reste une Patek Philippe – c'est-à-dire une montre désirable par son style autant que par ses finitions ou sa mécanique. On veut bien parier que Thierry Stern en a vendu beaucoup plus d'avance qu'il ne pourra en produire au cours de ces prochaines années. Signe des temps : alors qu'elle n'est pas encore livrée, la montre est déjà en vente ou en réservation chez tous les parallélistes, à des prix situés entre + 30 % et + 50 % du prix catalogue...
 
◉◉ SUCCÈS PRÉ-COMMERCIAL QUI RIDICULISE les états d'âme des vestales du patekisme le plus intégriste et les puristes qui prétendent en savoir plus que la marque sur ce qu'elle est ou qu'elle devrait être. Ils ne savent que le propre d'une vraie grande marque, son droit le plus essentiel, c'est précisément de créer ses propres frontières et d'imposer au marché ses propres codes, sans trop se soucier du « bon goût » de ce qui se considèrent comme son public privilégié : le devoir d'une vraie grande marque, c'est précisément de savoir transcender ses propres impératifs catégoriques pour agréger sans cesse de nouveaux publics et pour éviter de vieillir avec ses clients. C'est à peu près ce que Patek Philippe a su faire – avec des hauts et des bas – au cours des 175 ans de son histoire. Un seul exemple de la reconstruction permanente de cette résilience : quand la famille Stern reprend les rênes de la manufacture Patek Philippe, en 1932, rien ne va plus. Les milliardaires qui avaient dopé la marque dans les années 1900-1920 ont été emportés par les krachs boursiers et la fameuse « crise de 1929 » : les Patek Philippe sont trop chères, ou trop démodées : très taxées, elles s'importent difficilement sur le marché américain et les nouvelles élites, celles d'Hollywood ou des profiteurs de la crise, s'en détournent.
 
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◉◉ CHARLES STERN, L'ARRIÈRE-GRAND-PÈRE de Thierry Stern, décide alors de casser les codes. En profondeur. La maison avait fait sa réputation sur les montres de poche compliquées : elle va lancer vers 1932 une ligne de montres très simples, avec un cadran très dépouillé, faciles à fabriquer ; un modèle très profitable, vendu à un prix beaucoup accessible, dans une taille inhabituelle pour les montres-bracelets masculines de l'époque. Ce sera la Calatrava, promise à huit décennies de succès. Face à cette « trahison » de l'identité Patek Philippe [on employait d'autres mots à l'époque], les chaisières patekophiles de l'époque ont dû pousser les mêmes hurlements que ceux d'aujourd'hui. Les chiens aboient, la caravane passe... 
 
◉◉ POUR MIEUX FAIRE COMPRENDRE CETTE CAPACITÉ des vraies grandes marques à tout changer pour que rien ne change [formule du Guépard, de Lampedusa, qui reste d'une intemporelle actualité pour les maisons de luxe], on pourrait citer l'exemple de la maison Hermès une décennie plus tôt. La Première Guerre mondiale a sonné le glas de l'Europe équestre. De même que les montres-bracelets colonisent les poignets, les automobiles envahissent les routes et en délogent les calèches. Tout l'univers des marques liées au cheval s'effondre. Le sellier Hermès va-t-il succomber ? Pas du tout. Emile-Maurice Hermès décide lui aussi de casser les codes et de reconvertir ses ateliers en les mettant au service non des beaux-arts du harnachement équestre, mais au service de l'automobile et de la vie sportive au grand air. Les anciens sacs à selle sont transformés en sacs à main : ce sera le Kelly. La soie bariolée des casaques portées par les jockeys est taillée en foulards : ce sera le fameux carré Hermès. la maison adopte très vite la fermeture Eclair. Elle se lance dans les montres et dans les bijoux. Loin de ses écuries natives, elle habille les skieurs et les régatiers chics. Le sellier se métamorphose en grande maison de luxe contemporain. Avec la même génétique, on a su redonner une nouvelle expression à l'identité fondamentale de la maison, redéfinie par sa science du voyage [et non plus du moyen de transport de ce voyage]...
 
PatekPhilippe-sideromètre-Businessmontres◉◉ DONC, PATEK PHILIPPE AVAIT NON SEULEMENT LE DROIT, mais aussi le devoir d'explorer un univers différent de son habituelle grammaire statutaire, dans le respect des règles de la bienfacture genevoise. Dans les années 1930, Patek Philippe avait réalisé, pour certains de ses clients, une poignée de « montres de pilote » : on relira à ce sujet notre chronique Business Montres du 26 avril 2009, histoire de vérifier que le 1,891 million de francs suisses de l'adjudication Christie's était mérité [sachant malgré tout que l'enchérisseur final de ce « sidéromètre » était le musée Patek Philippe : ci-contre]. Pendant la Seconde Guerre mondiale, un lot de Patek Philippe d'une austérité très militaire s'est retrouvé alloué à quelques heureux officiers de l'armée américaine. C'est à peu près tout ce qui peut fonder une quelconque tradition de la « montre militaire » chez Patek Philippe, mais c'est déjà énorme ! Même si Patek Philippe n'est pas, à proprement parler, une marque « sportive » [pas une seule vraie montre de plongée], la maison dispose cependant de collections à vocation « active ». Alors que les ventes en Asie [des marchés qui ne réclamaient que des montres ultra-classiques et qui détestaient les montres sportives] se raréfient, il était de même tentant pour Patek Philippe de chercher à séduire les amateurs de ses marchés traditionnels (continent américain et continent européen), qui valorisent beaucoup mieux les montres destinées au plein air et au lifestyle sportif...
 
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◉◉ DE LÀ, L'IDÉE DE CRÉER UN PRODUIT FORT, RADICAL, novateur, disruptif [pour une marque comme Patek Philippe], mécaniquement bien pensé et magistralement dessiné, avec tous les codes Patek Philippe adaptés au style traditionnel des montres militaires ou des « montres de pilote » – les plus belles et les plus pures, celles des années 1930, du temps des avions à hélice, avant que l'électronique envahisse les cockpits, quand les montres étaient encore d'indispensables instruments de navigation [c'était précisément la fonction des « sidéromètres » à angles horaires dont nous avons parlé]. Patek Philippe s'étant fait une spécialité des montres à « heures universelles », selon les principes de l'horloger genevois Louis Cottier [c'est une « heures universelles » Patek Philippe, entrée dans la collection du propriétaire coréen de Samsung, qui détient toujours le record du monde des enchères pour une montre-bracelet], il devenait évident de couper cette montre de style pilote sur un calibre à double fuseau horaire (324 C FUS à remontage automatique), doté de nouvelles améliorations techniques, comme la déconnexion entre le réglage des fuseaux horaires et celui du mouvement de la montre, dont la précision ne souffre donc pas des corrections du second fuseau horaire. Ce calibre (ci-dessous) est désormais équipé d'un balancier Gyromax et d'un spiral Spiromax en silicium (silinvar chez Patek Philippe), atouts qui lui permettent d'afficher une précision de l'ordre de -3 à +2 secondes par jour, soit deux fois mieux que les requisits du COSC.
 
PatekPhilippe-5524-2-Businessmontres◉◉ UNE FOIS RÉGLÉE LA QUESTION MÉCANIQUE, c'est un affaire de choix esthétiques. Là, dans ce domaine, Patek Philippe prouve une enviable maturité et une jolie compréhension de l'esprit contemporain. Là on aurait pu s'attendre à une cadran noir, Patek Philippe a choisi un bleu profond et très élégant. Les chiffres arabes en or gris sont soulignés d'un très efficace Super-LumiNova. la sobriété du cadran est soulignée par le choix des aiguilles pour indiquer le second fuseau horaire et par la discrétion des indicateurs jour/nuit (9 h pour l'heure locale : 3 h pour l'heure du domicile). À la place de la petite seconde (on a préféré une aiguille centrale), un superbe calendrier circulaire, qui affiche les dates de trois jours en trois jours [du jamais vu chez Patek Philippe], ce qui permet d'en rééquilibrer visuellement l'échelle mensuelle. En 42 mm, le boîtier a de la présence sans être massif : très équilibré entre la couronne et les deux poussoirs correcteurs vissés, il est plutôt plat sans viser la minceur. Même le bracelet ne se pique pas de conformisme, en préférant le barénia brun surpiqué au sempiternel alligator. 
 
◉◉ S'IL Y AVAIT UN REPROCHE À FAIRE À CETTE MONTRE, ce seraient deux choses. Un : son étanchéité, nettement insuffisante à 30 m pour une montre destinée à une vie active sur tous les terrains et sous tous les climats. Deux : pourquoi mélanger l'anglais et le français sur le cadran ? C'est Genève, pas Geneva : donc, c'est peut-être Local, mais pas Home ! Ceci posé, on l'aura compris, cette Calatrava Pilot Travel Time réf. 5524 vise une clientèle sportive, dynamique, en phase avec son temps, avec des allusions légères à une vocation « instrumentale » qui sont autant de citations historiques pour les initiés (ci-dessous). C'est donc un parfait compromis entre accomplissement technique et révolution esthétique, dans le respect des traditions – dont la première est celle de l'innovation permanente...
 
PatekPhilippe-5524-7-Businessmontres◉◉ OSER CE DÉFI ET LE RÉUSSIR DÉMONTRE SURTOUT que la maison est en pleine possession de ses moyens. Bien maîtrisée autant que parfaitement assumée, l'identité est assez forte pour supporter des incursions vers des horizons encore jamais explorés [là,c'est très prometteur : il va falloir s'habituer à ce « style pilote » !]. Nous n'aurons pas la méchanceté de nous appesantir sur une autre grande marque de référence, Rolex, qui avait choisi le printemps 2015 pour revisiter un de ses classiques : le pauvre restylage en or rose et caoutchouc noir de la Yacht-Master (« la montre qui n'aurait jamais dû être lancée à Baselworld ») en dit long sur la langueur créative de Rolex face à la dynamique de conquête de Patek Philippe, qui a toutes les chances de toucher avec cette Pilot une nouvelle clientèle – d'autant que le prix, certes coûteux (autour de 42 000 euros) – n'est qu'un investissement que tout laisse considérer comme profitable à moyen terme...
 
◉◉ UNE PATEK PHILIPPE À PORTER AU QUOTIDIEN et qui emporte la décision en relançant la partie sur le terrain des montres sportives ultra-chic : face à des références comme Hublot, Blancpain, Audemars Piguet, Breguet ou même Richard Mille (sinon Rolex), Patek Philippe choisit de régater au plus haut niveau, sans tricher, avec ses seuls atouts [qui, il est vrai, ne sont pas minces], mais avec toute la force de son autorité et de l'immense goodwill de sa marque. Une façon de siffler la fin de la récréation ! Et de recadrer les prétentions de jeunes ambitieux, qui croyaient pouvoir se pousser du col. Pourvu que les rappeurs ne se mettent pas à la patekphilippomania ! Qu'on se le dise  : il n'y a pas de niche de marché qui soit étrangère à la maison familiale des Stern, qui signent là une de leurs plus belles réussites de ces vingt dernières années. La nature d'une vraie grande maison, c'est aussi d'asseoir son autorité en instituant un nouveau paragon de marché et en obligeant tout le monde à reformater son offre. Mission accomplie pour Patek Philippe avec cette réf. 5524... 
 
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◉◉ LES (EXCELLENTES) IMAGES CI-DESSUS SONT CELLES du dossier de presse, mais nos commentaires sont personnels. Pour avoir une idée de la montre portée, prière de recourir à tous les médias perroquets, qui ont préféré opter pour le copié-collé des textes du dossier de presse, agrémenté des images de la montre à leur poignet. Comme des centaines de psittacidés ont réalisé les mêmes prises de vues de la même montre, dans la même salle, avec les mêmes lumières et le même fond de plateau, nous vous laissons le choix entre les poignets plus ou moins poilus et les reflets plus ou moins parasites...
 
 
 
 
 
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