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@BASELWORLD 2015 #23 : Comment la « montre d'aviateur » est devenue une discipline horlogère à part entière et même le segment stratégique de la catégorie sport chic...

Dans la famille des montres urbaines qui ciblent une nouvelle génération d'amateurs de vie active, on voit se consolider un courant très puissant autour des « montres de pilote », fantastique réservoir de formes, de styles et d'imaginaires... ▶▶▶ STAIRWAY TO HEAVENDes codes aéro-militaires pour faire décoller l'imaginaire dans les villes de grande solitude...  


Dans la famille des montres urbaines qui ciblent une nouvelle génération d'amateurs de vie active, on voit se consolider un courant très puissant autour des « montres de pilote », fantastique réservoir de formes, de styles et d'imaginaires...

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▶ STAIRWAY TO HEAVEN
Des codes aéro-militaires
pour faire décoller l'imaginaire
dans les villes de grande solitude...
 
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◉◉ LONGTEMPS CONFINÉE À LA SEULE « SECTE » des amateurs purs et durs de montres militaires [et même des montres strictement « réglementaires »], la passion pour les « montres de pilote » a fini par créer, puis par élargir et aujourd'hui à consolider ce type de montres comme une catégorie horlogère à part entière, au même titre que les chronographes, les montres de plongée ou les multiples fuseaux horaires. Sur le segment – de plus en plus envahissant – des montres rangées sous la bannière « sport chic », les montres qui évoquent l'aviation (civile ou militaire), les pilotes, l'épopée des merveilleux fous volants sur leurs drôles de marchines, la guerre aérienne et tout cet univers ont fini par apprivoiser les jungles urbaines, à des poignets qui ne connaîtront probablement jamais le privilège d'empoigner un palonnier, ni le plaisir de s'arracher à la pesanteur dans le hurlement des hélices (ci-dessous : la nouvelle série des Clubmaster briston sur fond de palonnier et de cockpit). 
 
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PatekPhilippe-5524-7-Businessmontres◉◉ LES CODES ESTHÉTIQUES DE CES MONTRES DE PILOTE sont simplement et directement des cahiers des charges élaborées par les aviations militaires dès la fin des années 1930 (Royal Air Force, Luftwaffe, Armée de l'air française, Voïenno-vozdouchnye sily russeetc.), alors que l'Europe commençait à résonner d'inquiétants bruits de bottes. Spécifications usuelles : grand cadran noir ultra-lisible grâce aux aiguilles et aux index contrastés (blancs ou lumineux), lunette tournante pour caler des temps de calcul (avec ou sans chronographe), mécanique éprouvée (tous climats et toutes altitudes), bracelet de qualité militaire (en cuir épais souvent riveté). Il pouvait y avoir différentes fonctions plus techniques (second fuseau, cadran 24 heures, angles horaires, etc.). Il n'en fallait pas plus pour créer une légende, dans laquelle toutes les – et les petites – marques, presque sans exception, ont tenu à mêler leur identité. Même Patek Philippe, qui a dû en tout et pour tout réaliser trois ou quatre « montres d'aviateur », mais qui l'a quand même fait (ci-contre). 
 
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◉◉ MÊME BREGUET, qui a dû le faire pour survivre, dans une période de vaches maigres (au début des années 1950), mais cela nous a donné la mythique Type 20, sur un cahier des charges militaire français, directement inspiré par les chronographes allemands Hanhart, initialement saisis (ou pillés) comme « butin de guerre » par les forces d'occupation françaises en Allemagne, à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Même A. Lange & Söhne, qui avait équipé la Luftwaffe en B-Uhren. Même IWC, autre fournisseur authentique de la Royal Air Force en même temps que de la Luftwaffe allemande [c'est ce qu'on appelle la « neutralité » suisse], au point de pousser les Alliés à bombarder « par erreur » l'usine d'IWC à Schaffhouse (ci-dessus : un hommage à Saint-Exupéry) ! Même Rolex, qui a anticipé, dès le début des années 1950, l'explosion du transport aérien (civil) et conçu pour les pilotes américains de la « Pan Am » la non moins légendaire GMT Master, avant de revenir sur les pionniers de l'aviation dans différentes publicités [ci-dessous : on sait également que les GMT personnelles des astronautes du programme Apollo, le plus souvent anciens pilotes militaires, ont été portées sur la Lune]... 
 
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◉◉ ON NE LE SAIT PAS ASSEZ, MAIS LE NOM MÊME DE « PILOT » attribué à une montre est théoriquement protégé : il appartient au patrimoine de la manufacture Zenith, qui a récemment lancé une collection Pilot dont les modèles reprennent non seulement le dessin, les codes et les attributs d'une montre d'aviateur « à l'ancienne », mais leur mouvement est lui aussi issu d'un stock d'authentiques calibres de poche destinés à des montres aéronautiques. Cette Zenith Pilot Aeronef Type 20 (ci-dessous) comporte même un double fuseau horaire (GMT) qu'on retrouvera plus tard sur la Pilot de Patek Philippe (voir quelques paragraphes plus bas). Dans le genre fétichiste, il faut aussi signaler les collections que la jeune marque britannique Bremont a consacré à la mémoire des légendaires Spitfire Mk V de 1942 [le plus célèbre avion de chasse de la Seconde Guerre mondiale], en incorporant dans ses montres des éléments d'authentiques Spitfire, voire même en rendant hommage aux premiers vols des frères Wright avec des montres dont le rotor renferme un fragment de la toile authentiquement utilisée par les frères Wright pour leurs avions... 
 
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◉◉ PIONNIERS DE L'AVIATION, CES FRÈRES WRIGHT NOUS RENVOIENT d'ailleurs aux premières de la grande légende aéro-horlogère, Cartier nous assurant [il est vrai avec de moins en moins d'aplomb dans le storytelling] que les montres-bracelets ont été inventés par Cartier pour l'aviateur Santos-Dumont, sauf que Business Montres avait découvert, en 2003, dans les archives Vacheron Constantin, que la montre des frères Wright lors de leur premier vol historique, en 1903, était sans nul doute une Vacheron Constantin (rappel Business Montres du 3 novembre 2012). Si Vacheron Constantin doit cacher cette montre dans ses réserves [pour ne pas faire d'ombre à la légende Cartier], on a cependant vu Zenith rendre hommage aux frères Wright (montre ci-dessus) et même des marques américaines comme Shinola leur dédier un modèle (ci-dessous : admirez au passage le boîtier coussin, et revenez ensuite vers la Briston en haut de la page)... 
 
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◉◉ DIVERSES MARQUES ONT ENTREPRIS DE FOCALISER leur identité autour des montres de pilote : on pense évidemment à des maisons comme Breitling ou Sinn (Allemagne), mais surtout à des pionniers comme Bell & Ross, qui n'a pas dévié de cette ligne depuis sa création, il y a une grosse vingtaine d'années – en allant même jusqu'à recréer des montres qui auraient pu être portées par les as des as de la Première Guerre mondiale (ci-contre : la pièce dédiée à l'escadrille des Cigognes de Guynemer). C'est d'ailleurs dans cette logique instrumentale – celle des planches de bord des avions d'avant l'électronique embarquée – que Bell & Ross a fini par institutionnaliser son message autour de sa BR 01, lancée comme une BR « Instrument » et depuis inlassablement déclinée (il en existe plus de 150 modèles différents, avec une cinquantaine d'éditions spéciales), souvent en y ajoutant d'autres instruments de bord empruntés à un cockpit d'avion. Cette BR 01, seule montre-bracelet du marché à transposer aussi intelligemment au poignet l'esprit des compteurs de bord aéronautiques, fêtait cette année ses dix ans (ci-dessous) : on sait qu'elle équipe désormais différentes unités militaires [c'est la montre officielle de l'Aéronavale – voir la vidéo ci-dessous – et de l'Armée de l'air française] en France et en Europe, pas exclusivement dans le domaine aéronautique. C'est également une petite soeur de la BR 01, la BR 03, qui est devenue la montre emblématique du Rafale français (ci-contre : voir également notre chronique sur le Rafale, l'avion le plus horloger du monde – Business Montres du 11 avril)...
 
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◉◉ L'ASSOMPTION MÉDIATIQUE DE LA MONTRE DE PILOTE reste cependant, pour l'année 2015 et sans doute pour les années suivantes, le lancement de la Calatrava Pilot Travel Time par Patek Philippe (ci-dessous : analyse Business Montres du 29 mars dernier). La seule pensée de voir Patek Philippe lancer une montre « sportive », qui plus est avec des codes graphiques inhabituels pour la marque, a révolté les puristes et la caste horlo-médiatique. Même si cette montre n'est pas parfaite [étanchéité ridicule pour une montre dite « sportive » et boîtier en or gris, lui aussi un peu ridicule quand on aurait attendu un boîtier en acier ou en titane], elle témoigne de cet appétit contemporain pour des montres « enracinées » dans une tradition qui leur permet de se (nous) raconter une belle histoire au-delà de leurs propres qualités techniques.
 
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n°6-pequignet-ATLANTIC-TAC-2015-04-10◉◉ DU COUP, TOUTES LES MARQUES S'ENGOUFFRENT DANS CETTE BRÈCHE AÉRONAUTIQUE.  Breitling n'en peut plus de ravauder sa propre légende aérienne en recréant ad nauseam ses propres modèles historiques, avec une option de moins en moins « militaire » et de plus en plus civile : option bizarre, au moment où les codes rétro-militaires s'imposent partout. Parfois même en justifiant la relance de marques  hyper-spécialisées, comme Dodane, autrefois atelier de réparation des Type 20 militaires. Hanhart trouve dans la réédition de ses chronographes de pilote de nouvelles raisons de vivre. En Allemagne, la réédition des Même Péquignet – dont ce n'était pas du tout le terrain de jeu – se relance sur la base de montres inspirées par ces marqueurs génétiques aéro-guerriers (ci-contre). Toute à sa passion pour le retour vers ses racines, Longines se vautre dans le rétro avec son Avigation Type A-7 (Business Montres du 5 octobre 2012). Qu'on songe seulement à Graham, qui a pu s'imposer avec le seul détail d'un déclencheur de minuteur emprunté aux navigateurs des bombardiers de la Seconde Guerre mondiale ! Même Ice-Watch, qui n'est jamais en retard d'une tendance, sacrifie à cet engouement avec sa collection Ice-Heritage, dont le nom synthétise parfaitement l'esprit de ce re-décollage (ci-dessous) : acier mat comme un canon de fusil, chiffres blancs sur cadran noir, aiguille à l'ancienne, « chemin de fer » central, lunette tournante graduée (d'ailleurs plus nautique qu'aéronautique), bracelet en cuir brut surpiqué écru, tout y est... 
 
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visual01◉◉ LE COMBLE DE L'AÉRO-MARKETING PUR SUCRE est cependant à chercher du côté de la nouvelle marque coréenne Dogfight, qui a basé la totalité de son storytelling sur l'aviation militaire. Conçu comme un hangar de bombardier militaire, tout son stand de Baseworld fonctionnait sur cette thématique, de même que sa communication (ci-contre) et sa politique produits : rien d'original, mais toute la rigueur d'un concept marketing radical, impitoyablement déroulé, en cochant toutes les cases nécessaires, un peu comme si l'équipe de Dogfight [applaudissez au passage le « Since 1919 », absolument et génialement culotté pour une marque née en 2015] avait lu et annoté chaque page de la bible marketing du marketing horlo-aviateur qui n'existe pas encore. La vidéo qui témoigne de cette radicalité aéronautique dans la déclinaison est un chef-d'oeuvre à ne pas manquer (Business Montres Vision). Ne manquent même pas, dans la collection Dogfight, les traditionnelles pin-ups du Nose Art qui décorait le nez des bombardiers américains (ci-dessous). À ce stade de militarisation intégrale d'une offre horlogère et à ce degré d'application scolaire d'un concept, conçu exclusivement autour de l'univers des montres de pilote, on ne peut qu'applaudir...
 
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◉◉ ON POURRA EN CONCLURE QUE TOUT LE MONDE FAIT, a fait ou fera des « montres de pilote ». C'est un territoire d'expression aussi normé – et tout aussi normalisé – que les montres qui empruntent les codes des montres nautiques (lunette tournante graduée) ou celles qui sacrifient aux codes automobiles (tachymètre gradué en km/h). Très peu de marques notables y ont jusqu'à présent échappé – dont Hublot, ce qui est étonnant pour une marque plutôt pionnière dans le lancement des tendances. Laissons les sociologues se demander quel signifiant se dissimule derrière ce signifié aéronautique, alors que les braises d'une nouvelle guerre froide recommencent à émettre des lueurs inquiétantes. Besoin de se rassurer en conjurant le sort ou besoin de redonner du piquant militarisé à une vie quotidienne engluée dans l'hyper-connexion des villes de grande solitude ? Évolution prévisible, maintenant que les Asiatiques ont compris la combine et que Dogfight débarque sur les marchés : une institutionnalisation de l'offre dans tous les catalogues de marques, y compris les plus improbables. Banalisation qui entraînera une dilution rapide de l'intérêt et un dévergondage inévitable dans la classique explosion baroque des détails exacerbés et des codes surjoués. Vite, vite, profitons de ce retour des montres de pilote avant qu'il ne soit trop tard...
 
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◉◉ LES TROIS PEINTURES QUI ILLUSTRENT CET ARTICLE sont des tableaux figuratifs de l'artiste germano-australienne Kathryn Longhurst, qui a été élevée dans l'ancienne Allemagne de l'Est [on sent l'influence de l'ex-réalisme socialiste] avant de trouver son épanouissement en Australie : elles rendent bien compte du potentiel de tout l'imaginaire qui s'attache au monde de l'aviation militaire. L'image du cartouche en haut de la page est le détail d'une affiche de propagande de la RCAF (Royal Canadian Air Force)...
 
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