@ENCHÈRES 2015 #1 : Aurel Bacs (Phillips) assomme le match avant même que les équipes concurrentes ne soient entrées sur le terrain !
Le 09 / 05 / 2015 à 19:00 Par Le sniper de Business Montres - 2312 mots
Aurel Bacs doit aimer le chiffre 100 000. Pour sa vente Daytona chez Christie's, il avait raflé 100 000 CHF par minute d'adjudication. Pour sa première vente chez Phillips, il vient d'adjuger pour 100 000 CHF (prix moyen) chacune des 60 Rolex Day-Date exceptionnelles qu'il dispersait. Magic Aurel est de retour !
▶▶▶ GLAMOUROUS DAY-DATE100 minutes de vente, …
Aurel Bacs doit aimer le chiffre 100 000. Pour sa vente Daytona chez Christie's, il avait raflé 100 000 CHF par minute d'adjudication. Pour sa première vente chez Phillips, il vient d'adjuger pour 100 000 CHF (prix moyen) chacune des 60 Rolex Day-Date exceptionnelles qu'il dispersait. Magic Aurel est de retour !
▶▶▶ GLAMOUROUS DAY-DATE100 minutes de vente, 100 000 francs par montre,c'est le système Aurel Bacs... ◉◉◉◉ LES ENCHÈRES, C'EST COMME LE VÉLO : quand on n'en a pas fait depuis longtemps, on redoute le pire, mais on retrouve les bons réflexes au premier tour de pédalier. Aurel Bacs n'avait pas tenu un marteau depuis exactement dix-huit mois – rappelons qu'il avait quitté Christie's Genève en novembre 2013 (Business Montres du 11 novembre 2013). Il ne lui a pas fallu plus de dix-huit secondes pour retrouver tous ses réflexes et pour nous prouver qu'il s'était encore amélioré depuis sa dernière apparition au pupitre. Il faut dire qu'il avait soigné sa rentrée... ◉◉◉◉ LE CHOIX DU LIEU PARTICIPAIT DE LA RÉVOLUTION en cours sur le marché des enchères : cette vente Phillips en association avec Bacs & Russo [c'est le nouveau nom de l'entité Phillips chargée des montres] avait lieu, hier, à La Réserve, le meilleur palace suisse qui est situé non dans le centre de Genève [là où les autres maisons organisent leurs ventes], mais à la sortie de Genève, dans un cadre vert et fleuri, où une immense tente avait été dressée sur les pelouses et sur le parking. Un cadre dépaysant, teinté d'un luxe cossu et contemporain, qui a redonné un coup de jeune au rituel compassé des ventes aux enchères genevoises traditionnelles : ce changement de décor a validé le souffle nouveau qu'Aurel Bacs entend donner à ce métier. Du coup, tout le monde se sentait mieux qu'en centre-ville, plus détendu, dans une ambiance qui oscillait entre la garden party nonchalante et le cocktail mondain, dans la lumière naturelle de cette tente qui semblait même avoir détourné les avions de l'aéroport voisin, qui sont une plaie quand ils survolent l'hôtel. ◉◉◉◉ AUREL BACS AVAIT ÉGALEMENT SOIGNÉ LES INVITATIONS : tout ce que l'Europe compte de grands collectionneurs, d'experts et de marchands s'étaient donné rendez-vous pour cette première vente de « Magic Aurel » sous sa propre casquette. Tous, soit à peu près 300 personnes, plus ceux qui ont dû se contenter de chaises de fortune ou qui sont restés debout. Ils étaient venus pour Aurel Bacs, à qui ils ont acheté, ou vendu, un jour ou l'autre, une belle pièce. Ils étaient venus vérifier, non un léger pincement au coeur, s'ils avaient eu raison de lui conserver leur confiance en lui confiant quelques-unes des plus belles pièces de leur collection ou de leur stock – sur la foi des promesses d'adjudications hors du commun. C'était donc une grande fête de la famille, avec une écrasante majorité d'Italiens, quelques Américains, peu de Français et de rares Asiatiques. Disons que c'était le noyau dur du monde de la collection de montres : bien alertée et motivée par le « système Bacs », qui fonctionne largement en amont pour la mobilisation des pièces et des hommes, cette assistance trépignait d'impatience dès 19 h... ◉◉◉◉ ILS N'ONT PAS ÉTÉ DÉÇUS, CAR LE SPECTACLE ÉTAIT MÉMORABLE : rude et contraignante, l'école Christie's est formatrice autant que formatante. Pas une fausse note, un luxe dans les moindres détails qui sait rester sérieux sans se prendre au sérieux, une prestation fluide et maîtrisée [ce qui n'avait rien d'évident sous une tente provisoire], des services efficaces et carrés, zéro défaut au compteur. Le seul souci aura été de trouver les chaises qui manquaient pour asseoir l'assistance. Le spectacle, c'est évidemment le show d'Aurel Bacs, dont le « système » fonctionne parfaitement, même sans Christie's, mais c'est surtout l'environnement de ce show. D'abord, le choix du catalogue, sa taille, son poids, son style (une double page par lot, sans photos outrageusement retouchées, textes bien enlevés dans leur lyrisme promotionnel). Auparavant, il y avait eu de longues semaines de contacts, de discussions et de négociations pour faire de chaque lot une vedette et de chaque montre un record potentiel, par sa qualité, sa rareté ou sa désirabilité. Ensuite, c'est le choix d'un lieu (La Réserve) et d'une vente le samedi soir, dans un créneau horaire délaissé par les concurrents [dimanche 10 pour Antiquorum, lundi 11 pour Christie's, mercredi 13 pour Sotheby's : à croire qu'ils ont laissé à Aurel Bacs la place d'honneur – quelle faute tactique !]. Enfin, c'est une scénographie u'on imagine étudiée au millimètre : jingle d'introduction à l'apparition d'Aurel Bacs à la tribune, écrans latéraux symétriques qui font de l'auctioneer le centre des regards, sobriété du décor qui met en valeur ces écrans. Autant de changements qui disposent à un changement de vision des enchérisseurs... ◉◉◉◉ PARCE QUE, BIEN SÛR, C'EST LE SHOW PERSONNEL QUI A TOUT EMPORTÉ : dès qu'il a pris place sous les applaudissements [une bonne vente, c'est un bon spectacle !], on a retrouvé le grand Aurel Bacs des grands jours, porté par son fan club autant qu'il porte les adjudications par son habileté, sa gouaille en trois langues, tantôt d'une politesse classique aux enchères, tantôt familière, son habileté à relancer l'Italien en italien, la force de son regard, droit dans les yeux, pour accoucher les enchères chez les timides, sa connivence avec un public dont il connaît les péchés mignons, les besoins et les collections (en substance : « Ça fait longtemps que tu cherches une comme ça »), ses prises à témoin de la salle (en parlant d'un enchérisseur : « Il sait ce qu'il fait »), ses comédies et ses silences très étudiés. Un bémol pour la réussite de cette scénographie : Aurel Bacs semblait plus à l'aise dans sa chaire Christie's que sur cette tribune un peu trop large, où il avait du mal à trouver ses marques et des appuis pour sa gestuelle habituelle. C'est son spectacle : il en a écrit les textes ! On admirera au passage la composition de son catalogue : chacune des 60 Day-Date de cette vente « Glamourous Day-Date » a reçu une sorte de surnom, un sobriquet dont on espère qu'il survivra à la vente, comme la Paul Newman, la Steve McQueen, la Jean-Claude Killy ou la Padellone ont fini par s'imposer pour telle ou telle référence Rolex. À défaut d'y entrer, Aurel Bacs veut créer de nouvelles légendes du grand récit des enchères : il y a de la poésie dans ce catalogue. ◉◉◉◉ IL Y A AUSSI BEAUCOUP DE RÉUSSITES, DE RECORDS et de millions raflés en 100 minutes de vente pour 60 lots : 6,2 millions de francs suisses auront changé de mains [soit près de 100 000 CHF par lot, du jamais vu pour des Day-Date, surtout avec les risques d'une vente thématique], 4,9 millions sous le marteau. Plusieurs records du monde ont été battus pour certaines références : 225 000 CHF sous le marteau pour la réf. 1802 en or jaune à cadran serti laqué jaune de 1973 (lot n° 58 : en haut de la page), c'est plutôt phénoménal ! 88 000 CHF pour la réf. 18388 de 1990 (lot n° 32, ci-dessus) rebatisée Tangerine Dream, c'est épatant ! Les enchères étaient attentives, mais nettement orientées à la hausse – au grand dam des marchands européens qui subissaient le spectacle plus qu'ils ne l'animaient : que faire quand, du fait des ordres passés, l'enchère commence d'emblée à l'estimation haute et qu'elle s'envole vers des sommets imprévisibles ? 390 000 CHF sous le marteau (473 000 CHF frais compris) pour la rarissime réf. 6612 en platine de 1958 (lot n° 43 : ci-dessous), c'est tout simplement stupéfiant. Ce qui ne veut pas dire que le marché est aveugle ou inconscient : la Day-Date réf. 1831 (lot n° 51, en haut de la page, sous le titre), un bloc de platine qui manquait d'élégance et de distinction en dépit d'une provenance impériale iranienne, n'a guère fait que 250 000 CHF sous le marteau – c'est même un des seuls lots qui ait respecté sans l'exploser l'estimation initiale. Notons quand même que 100 % des lots ont été vendus, la plupart très au-delà de leur estimation initiale, quadruplée ou quintuplée pour certaines pièces (cliquez ICI pour la liste des dix lots les mieux vendus)... ◉◉◉◉ UNE TELLE VENTE EST UNE EXCELLENTE NOUVELLE POUR LE MARCHÉ de toutes les montres de collection. Les amateurs sont toujours là, même si ce ne sont plus les mêmes. Les salles ne sont plus exclusivement le terrain de jeux des marchands : la plupart des lots ont été adjugés soit à des collectionneurs [l'un deux, qui n'achetait pas forcément pour lui, mais peut-être pour le musée Rolex, va repartir de Genève lourd de montres rares], soit à des marchands qui avaient le collectionneur final au téléphone. Dès qu'on met en circulation des montres exceptionnelles, bien valorisées dans un environnement exceptionnel, l'argent est là pour s'investir en montres – par passion ou par spéculation, peu importe. Les ventes ne doivent plus être la morne récitation d'un catalogue, mais un événement spectaculaire et scénarisé : elles se mettent en scène, elles génèrent des émotions, ce sont des lieux d'expérience et de partage d'un passion affinitaire. Aurel Bacs a su relever le défi, en réinventant le concept de catalogue et en osant la vente thématique bien cadrée en quantité comme en qualité. Il ne faut plus se demander si la maison Phillips a les moyens de jouer dans la cour des grands : il faut se demander si les grands ont encore les moyens de régater avec Phillips quand Aurel Bacs tient la barre ! Pour Christie's et pour Sotheby's, l'année ne commence pas bien – mais c'est un extraordinaire début de campagne pour les ventes de montres de collection... D'AUTRES SÉQUENCES RÉCENTESDE L'ACTUALITÉ DES MONTRES ET DES MARQUES...