@ENCHÈRES 2015 #3 : Après 18 mois sans marteau ni couronne, Aurel Bacs remonte sur un trône dont on ne voit pas lequel de ses concurrents pourrait le déloger...
Le 11 / 05 / 2015 à 06:00 Par Le sniper de Business Montres - 3367 mots
Ayant roulé des mécaniques avec ses Glamorous Day-Date samedi soir, Aurel Bacs devait nous démontrer qu'il y avait beaucoup de puissance derrière ses muscles. Dimanche soir, il a préventivement mis ses concurrents en état de sidération avancée...
▶▶▶ ENCHÈRES GENÈVE 2015Comme le dieu Thor, Aurel Bacs lance la foudre et sème le tonnerreen quelques …
Ayant roulé des mécaniques avec ses Glamorous Day-Date samedi soir, Aurel Bacs devait nous démontrer qu'il y avait beaucoup de puissance derrière ses muscles. Dimanche soir, il a préventivement mis ses concurrents en état de sidération avancée...
▶▶▶ ENCHÈRES GENÈVE 2015Comme le dieu Thor, Aurel Bacs lance la foudre et sème le tonnerreen quelques coups de marteau... ◉◉◉◉ QUE DE LEÇONS À TIRER DE CETTE VENTE PHILLIPS-BACS & RUSSO qui s'est jouée en nocturne et en deux épisodes, samedi et dimanche soir, dans le cadre inhabituel d'une grande tente dressée dans les jardins de La Réserve, le fameux palace aux portes de Genève ! Tiens, des ventes en soirée ? Quand il était chez Christie's, Aurel Bacs n'était pas avare de sarcasmes à propos des ventes nocturnes de Sotheby's, abandonnées depuis pour manque d'efficacité. Comme quoi ce n'est pas l'heure qui change l'efficacité du marteau, c'est le talent de celui qui en frappe son pupitre pour faire circuler les millions ! Dans ce domaine, Aurel Bacs a prouvé, l'espace d'un week-end, qu'il restait le fabuleux accélérateur de particules financières qu'il était du temps de Christies : quasiment 30 millions de francs suisses [exactement 29,6 millions de CHF] encaissés en 207 lots (97 % de vente du catalogue initial), soit le total proprement hallucinant de 143 000 CHF par lot ! Dix fois le prix moyen du déballage Antiquorum et sans doute quatre à cinq fois plus que le prix moyen des ventes Christie's et Sotheby's... ◉◉◉◉ LES ENSEIGNEMENTS DE CETTE VENTE ANIMÉE PAR AUREL BACS (une belle performance physique personnelle en soirée) sont multiples et très intéressants à suivre pour comprendre ce qui se passe dans l'univers de moins en moins feutré de la montre de collection. Voici ce que nous révèlent les coups de marteau d'un Aurel Bacs qui, tel le dieu Thor armé de Mjöllnir (ci-dessus), sème la foudre et le tonnerre pour protéger le monde du chaos qu'entretiennent les géants – l'analogie est plaisante alors que Phillips-Bacs & Russo part en guerre – au moins sur le terrain horloger – contre des maisons d'enchères historiques comme Christie's et Sotheby's [n'oublions pas non plus que Thor est aussi le dieu de l'Orage et de la fertilité] : ◉ Les enchères 2015 voient le retour d'un marché d'amateurs (et non plus d'un champ clos pour les marchands) : la sélection des lots favorisait objectivement les collectionneurs du monde entier plus que les habituelles séries de pièces commerciales qui s'échangeaient entre grands et petits marchands européens. Ces derniers ont relativement peu acheté, à la vente Day-Date comme à la vente One de dimanche soir. Les records d'adjudication enregistrés l'ont été – à quelques exceptions près – par des enchérisseurs privés du monde entier : les quatre millions (prix marteau), 4,6 millions de CHF avec les frais, décrochés pour le lot n° 123 (un chronographe monopoussoir Patek Philippe en acier, réf. 130 : ci-dessus) ont été disputés entre amateurs – on serait tenté de dire à la loyale ! – et c'est un collectionneur asiatique qui les déboursera. La Patek Philippe réf. 2585 (lot n° 121, ci-dessous) était typiquement une montre d'amateur très éclairé : 785 000 CHF au final, pour une estimation initiale à 80 000-120 000 CHF. De nombreuses Rolex très bien vendues étaient des délices d'initié, pas des mignardises pour marchands : les amateurs – qui achètent pour eux, pas pour revendre – peuvent se permettre des enchères supérieures à celles que pourraient consentir des négociants. Certains enchérisseurs ont même réussi à contrer l'acheteur du musée Patek Philippe pour s'emparer de telle ou telle pièce – ce qui ne s'était pas vu depuis longtemps. Ceci expliqué, il n'en est pas moins évident que le stock de ces mêmes marchands – souvent de vieux « chevaux de retour » blanchis sous le harnais des enchères – se trouve sérieusement réévalué après de telles enchères entre amateurs... ◉ Indice supplémentaire de ce nouveau « marché d'amateurs » : la façon dont Aurel Bacs a dû faire machine arrière à propos de son lot n° 79 (Rolex triple calendrier réf. 6062 : ci-dessous), dont le marché – les amateurs, les experts, les réseaux sociaux, les marchands – contestait l'intégrité – du moins dans la présentation faite par le catalogue. Aurels Bacs avait particulièrement soigné l'environnement de ce lot, estimé 400 000-600 000 CHF, mais dont il espérait secrètement un million : quatre pages du catalogue, longues explications sur le général Sweeney auquel la montre était dédicacée [le catalogue oubliait juste de nous préciser que ce général américain était un des pilotes du B-29 qui avait largué une bombe atomique sur Nagasaki : c'est moins chic à avouer !] et excitation télécommandée des forums de collectionneurs. Le grand Aurel Bacs a dû rétropédaler et admettre cette simple évidence : jamais une Rolex à cadran noir n'aurait pu naître avec une Lune bleue. Clair et définitif ! Juste avant la vente, il nous signalait que, tout bien pensé, le cadran original était argenté, pas noir. La montre n'a pas dépassé 420 000 CHF sous le marteau, ce qui est honorable, mais sans plus, même avec un cadran Rolex malheureusement pas d'origine...
◉ Autre indice révélateur de cet effacement (très relatif) des marchands : les fameuses Patek Philippe réf. 2499 – dont tout le monde répétait qu'elles étaient le Graal indispensable à toute collection et qui étaient donc les hochets préférés des ténors du commerce vintage – n'ont pas fait des étincelles dimanche : 471 000 CHF chez Antiquorum (lot n° 504), c'est tout juste le prix moyen, surtout avec un double marquage Tiffany & Co ; 533 000 CHF pour la même référence chez Phillips-Bacs & Russo (lot n° 122), c'est à peine meilleur, quoique la pièce ait été en meilleur état [même dans ce cas, la valeur ajoutée par Aurel Bacs ne crée pas une vraie différence]. Les prix de réserve trop hauts – ceux des marchands – ont été immédiatement sanctionnés... ◉ Argent sale ou pas sale ? Investisseurs avides ou flambeurs sans scrupules ? Blanchiment ou caprices de milliardaires ? Tout dépend où on met le curseur : il est certain que le marché des enchères bénéficie des liquidités abondantes qui souhaitent s'investir dans des actifs aussi tangibles que facilement négociables dans le monde entier : par son allure usuelle, sa discrétion au poignet et la forte valeur qu'elle peut concentrer dans quelques centimètres cubes, la montre est un vecteur idéal pour transformer des surplus fiscaux – plus ou moins déclarés – en « monnaie parallèle » offshore, immédiatement « liquide » dans toutes les grandes capitales du monde. Cette « liquéfaction » aisée des montres de collection ne concerne évidemment pas les dizaines de Day-Date adjugées à un Glamorous Collector, qui a acheté plus de 60 % des montres de la vente Day-Date valeur (80 % en valeur, soit cinq des six millions) ...
◉ Cette vente est un signal fort très positif adressé au marché ! Il faut y croire : il y a encore des « poches » de résistance et des « gisements » de collectionneurs très actifs, prêts à casser leurs tirelires pour des pièces exceptionnelles. Le marché est porteur et nettement orienté à la hausse. Plusieurs marques, qui jouent actuellement en seconde division, peuvent concurrencer celles de la classique Champions League (Patek Philippe, Rolex, Vacheron Constantin, Breguet) : la Zenith El Primero (lot n° 85, estimée 20 000-30 000 CHF) qui s'enlève à 68 700 CHF montre qu'il est sans doute temps d'investir sur Zenith [c'est peut-être même le musée Zenith qui se réveille]. 18 000 CHF pour une TAG Heuer Monaco en acier de 1969 (lot n° 195 : ci-dessus), c'est mieux qu'un réveil du marché [et c'est peut-être le signe d'une nouvelle conscience patrimoniale de la marque]. Même constat pour Longines, marque en pleine ascendance. Les enchères deviennent un enjeu marketing pour les marques qui ont compris l'intérêt de gérer de plus près leur « second marché »... ◉ Aussi positif soit-il, le marché est devenu très exigeant : il faudrait que les auctioneers le soient tout autant et qu'ils fassent preuve de la même intelligence – sinon de la même expertise – que les amateurs. Que de catalogues pléthoriques ! Plus de 500 lots chez Antiquorum, plus de 300 chez Christie's : pourquoi faire – sinon faire croître le chiffre d'affaires, ce qui revient à préférer la quantité au détriment de la qualité, et le profit au détriment de l'image ? Le succès incontestable des 214 pièces de Phillips-Bacs & Russo annoncent ici des ventes plus ramassées – échapperions-nous, enfin, à ces déballages de marché aux puces ? – et des catalogues plus affûtés. Un indice révélateur de cette nouvelle exigence sélective, en plus du recul des pièces déjà trop vues et revues sous le marteau, c'est l'irruption de nouvelles montres fresh to the market, comme la Patek Philippe réf. 1518 (lot n° 165 de la dispersion Aurel Bacs, ci-dessus – adjudication à 1,4 million de CHF, conforme à l'estimation haute). Des montres qu'on jurerait sorties d'une hibernation à travers les décennues. Effet des successions qui voient disperser les collections commencées dans les années 1980, ouverture miraculeuse de certains coffre-forts familiaux défiscalisés ou insistance avec garanties des auctioneers pour trouver de la « bonne marchandise » ? Peu importe, le marché valorise les montres vintage neuves de stock et les montres sorties d'usine, même si c'était il y a cinquante ans ! ◉ Les atouts gagnants sur ce marché ? Incontestablement, la beauté de la pièce : c'est le cadran qui décide du prix, par sa fraîcheur, son état et sa rareté, mais aussi son élégance et son équilibre – son histoire ajoute à son charme. Ce qui est un indice supplémentaire de la mutation des enchères vers un marché d'amateurs qui regarde la montre plus que sa réputation sous le marteau et dans les shows commerciaux. L'esthétique redevient une valeur forte, de même que l'originalité : ce sont les références les plus rares qui se sont arrachées ce week-end, pas forcément les plus connues [on peut même penser que la Patek Philippe réf. 1518 dont nous venons de parler a souffert de sa relative notoriété]. Bon exemple avec le chronographe Patek Philippe réf. 1506 (lot n° 101 de la vente Phillips-Bacs & Russo : ci-dessous, adjudication à 725 000 CHF), infiniment moins connu, donc plus désirable sur un marché en mutation que les classiques chronographes 1463 ou 1579. Influence de l'esthétique : le résultat relativement décevant – toutes proportions gardées – du lot n° 51 : cette Day-Date impériale (Business Montres du 9 mai) a calé à 305 000 CHF, alors qu'elle pouvait espérer plus, mais son style brutal n'a été apprécié des amateurs. Ce qui n'empêche évidemment pas les pièces iconiques vraiment rares, présentées dans des états exceptionnels, d'exploser leur cote : en témoigne le gros million de francs suisses posés sur le table par un amateur pour la Rolex réf. 6062 (lot n° 118 d'Aurel Bacs, ci-dessous), soit plus du double de l'estimation haute. Le fait que les collectionneurs soient de mieux en mieux informés – souvent bien mieux que les marchands – consolide leur reprise en main du marché. Ajoutons à cette analyse un dernier argument : le coup de génie d'Aurel Bacs est sans doute d'avoir refusé l'habituelle cosmétique des catalogues horlogers, en laissant les montres dans leur aspect naturel, sans retouches, ni maquillage, telles qu'elle se présentent à l'amateur (exemples avec les images de cette page)... ◉ Serait-ce la fin du bling-bling obligatoire qui s'attache aux montres qui battent des records ? Certes, quelques-unes étaient serties, mais les enchères les plus spectaculaires étaient des montres en acier. C'est la qualité et la rareté de la pièce qui créé sa valeur, pas son or, ni ses diamants – même si ça peut aider – surtout si le sertissage est un élément-clé du résultat esthétique. Avec son chronographe Patek Philippe réf. 130 en acier (plus haut dans la page), Aurel Bacs a d'ailleurs battu tous les records pour une montre en acier vendue aux enchères. De même, sa Rolex Cosmograph (Daytona), surnommée « Albino » à cause de ses compteurs dépigmentés (lot n° 214 de sa vente : ci-dessous –adjudication à 1,3 million de CHF, très au-dessus de l'estimation haute) bat aussi tous les records pour n'importe quelle Rolex vendue aux enchères. On imagine l'enchère finale si, au lieu de la Big Kahuna (lot n° 43, adjugée à 473 000 CHF, ce qui est le record du monde pour une Rolex Day-Date – présentation Business Montres du 9 mai), Aurel Bacs avait mis en vente une des rarissimes Day-Date en acier qui ne passent jamais sur le marché : le million de francs sous le marteau aurait été dépassé ! ◉◉◉◉ ALLEZ, ON Y RETOURNE, LES ENCHÈRES CONTINUENT AUJOURD'HUI chez Christie's, avec quelques superbes lots dont nous vous reparlerons (voir également notre analyse Business Montres du 10 mai). Que va devenir notre montre coup de coeur de catalogue Christie's, ce lot n° 314 dont nous sommes tombés amoureux (une Patek Philippe Nautilus en platine, estimée 200 000-400 000 CHF) ? Au fait, notre coup de coeur – purement esthétique – du catalogue Phillips-bacs & Russo, une Audemars Piguet Disco Volante (n° 174 du catalogue : ci-dessous) est partie à 13 000 CHF, pour une estimation à 5 000-8 000 CHF... D'AUTRES SÉQUENCES RÉCENTESDE L'ACTUALITÉ DES MONTRES ET DES MARQUES...