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ONLY WATCH 2021 (accès libre)
Autant en emporte l’argent : trente millions de francs pour 53 montres dispersées sous le marteau de Christie’s

La neuvième édition de la vente charitable Only Watch s’annonçait héroïque : elle a tenu ses promesses, avec cependant quelques déceptions à la clé. En tout cas, quel fantastique message d’espoir pour les créateurs non alignés, qui étrillent sous le marteau la plupart des « vieilles » marques ! Avec un prix moyen global de 566 000 francs pour les montres adjugées, le gonflement d’une « bulle des indépendants est plus que jamais évident…


Première bonne nouvelle de cette vente : une communication scientifique plus rassurante que celles qui ont tenté de nous terroriser pendant la pandémie. Les soixante-dix millions d’euros (dollars ou francs suisses, c’est pareil) déjà versés à la recherche contre les myopathies par les horlogers auront au moins servi à mettre au point un médicament qui sera très vite opérationnel pour soigner cette maladie ou alléger le quotidien de ceux qui en souffrent. Il y a parfois très loin « de la paillasse à l’injection » [de la recherche à la piqûre salvatrice], mais c’est formidable quand tout se termine très bien – et c’est parti pour, avec des essais cliniques pour une nouvelle molécule prévus pour 2022…

Les trente millions de la cette édition 2021, la neuvième depuis une quinzaine d’années, seront donc les bienvenus pour aller encore plus loin. Only Watch avait mis les petits plats dans les grands pour réussir cette session : un grand espace dans les halles de Palexpo (Genève), des invitations qui ont rameuté dans cette salle le ban et l’arrière-ban de l’horlogerie européenne, sinon mondiale, une communauté horlogère mammifèrement parlant très heureuse de se retrouver, de parler, de se sourire, de ragoter et parfois même d’enchérir après des semestres de confinement. Business Montres (4 novembre) avait pronostiqué six marques « millionnaires » – capables de franchir le million sous le marteau pour leur pièce. Elles ne sont que cinq au rendez-vous, mais, avant d'en parler, une précision indispensable : nous nous calons ici sur les prix d’adjudication en francs suisses, seulement un certain nombre de petits malins ont joué habilement des taux de change pour se prétendre à leur tour « millionnaires » – même si ce n’était qu’en dollars ! Monnaie faible et communication forte : un péché véniel qui sera pardonné et attribué à leur enthousiasme juvénile…

Parmi les vrais « millionnaires » sous le marteau et en francs suisses, on compte ainsi Audemars Piguet (3,1 millions), De Bethune (1,3 million), FP Journe (4,5 millions), Patek Philippe (9,5 millions) et Richard Mille (2,1 millions). Manque donc à l’appel, par rapport à nos pronostics, la Cyber Skull de Bell & Ross, partie à 220 000 francs pour une estimation haute de 110 000 francs : c’est assez décevant. De même, on aurait pu attendre davantage de la montre De Bethune [le double n’aurait pas été indécent], de la FP Journe (qui aurait logiquement dû passer la barre des cinq millions) ou même de la Richard Mille – qui se revendra sans doute avec un coquet bénéfice dans les jours qui viennent. On peut également regretter que l’horloge de table Patek Philippe n’ait pas franchi la barre symbolique des huit chiffres (10 millions), comme cela était prévu sous le regard attentif de Thierry Stern, présent dans la salle comme pour les autres sessions d'Only Watch…

La vraie bonne surprise de cette édition 2021 d’Only Watch reste l’excellente tenue des marques indépendantes et des ateliers créatifs. On peut clairement parler d’une « fête des indépendants », notamment des plus jeunes maisons. Quelques exemples :

❑ AKRIVIA : 800 000 francs pour la pièce unique Chronomètre contemporain de Rexhep Rexhepi (Akrivia), plus de dix fois l’estimation basse (70 000 francs), avec un allongement prévisible des listes d'attente pour les montres de série [depuis le temps que nous vous répétons que Rexhep Rexhepi est le nouveau François-Paul Journe !]

❑ H. MOSER & CIE. : 750 000 francs pour la pièce unique Streamliner Cynlindrical Tourbillon de H. Moser & Cie., à l’estimation basse de 60 000 francs [la montre va repartir vers le Proche-Orient]

❑ MB&F : 620 000 francs pour la pièce unique HM10 Panda, qui partait d’une estimation basse de 100 000 francs – ce sera la plus chère des montres MB&F jamais vendues sur le marché…

❑ KRAYON : 320 000 francs pour la montre Anywhere de Krayon, à l’estimation basse de 95 000 francs…

❑ KONSTANTIN CHAYKIN : 290 000 francs pour le « tourbillon martien » du maître-horloger russe, qui partait d’une estimation basse de 40 000 francs [un fantastique exploit !]

❑ URWERK : 280 000 francs pour une pièce unique UR-102 « Gaïa », qui était à l’estimation basse de 32 000 francs…

❑ CZAPEK : 240 000 francs pour la pièce unique Antarctique ratttrapante de Czapek, à l’estimation basse de 60 000 francs…

❑ LAURENT FERRIER : 160 000 francs sous le marteau pour la Classic Origin Hope de Laurent Ferrier, à l’estimation basse de 29 000 francs…

❑ DAVID CANDAUX : 150 000 francs pour la pièce unique DC7 Genesis, à l’estimation basse de 120 000 francs [c'est quand même un rien décevant]

❑ LUDOVIC BALLOUARD : 140 000 francs pour l’imaginative Half Time VInyl 33 Tours de Ludovic Ballouard, qui était estimée au plus bas à 40 000 francs…

❑ MORITZ GROSSMAN : 120 000 francs pour une pièce unique qui était estimée au minimum à 20 000 francs…

❑ TRILOBE : 100 000 francs pour la spectaculaire horloge de table Reciproque développée avec Daniel Buren par Trilobe – l’estimation basse était de 35 000 francs [un autre exploit français de cette vente]

❑ ROMAIN GAUTHIER : 100 000 francs sous le marteau pour une pièce unique Continuum en titane, initialement à l’estimation basse de 40 000 francs…

❑ ANDERSEN GENÈVE : 100 000 francs pour la pIèce unique Quotidiana d’Andersen Genève, à l’estimation basse de 60 000 francs…

❑ ATELIER DE CHRONOMÉTRIE : 95 000 francs pour la pièce unique ADC 21 d’Atelier de Chronométrie (Barcelone), à l’estimation basse de 35 000 francs…

❑ LOUIS MOINET : 80 000 francs pour la Memoris Spirit dont l’estimation basse était de 28 000 francs.. ;

❑ ARTYA : 55 000 francs pour la pièce unique Is That So ? d’ArtyA, à l’estimation basse de 35 000 francs suisses, guitare en prime…

❑ BALTIC : 50 000 francs pour le chronographe pièce unique pulsomètre monopoussoir de la jeune marque française Baltic, à l’estimation basse de 12 000 francs [c'est un des exploits de la vente]

❑ CYRUS : 50 000 francs pour la pièce unique Klepcys de Cyrus, à l’estimation basse de 35 000 francs…

❑ ARMIN STROM : 38 000 francs pour la pièce unique Gravity Equal Force d’Armin Strom, à l’estimation basse de 17 000 francs…

❑ RESERVOIR : 32 000 francs pour la pièce unique Kanister Palladium, à l’estimation basse de 20 000 francs…

❑ MAURICE LACROIX : 30 000 francs pour Maurice Lacroix, dont la pièce unique Aikon Master Grande Date partait à l’estimation basse de 12 000 francs…

❑ PERRELET : 26 000 francs pour une Turbine Hope calée à l’estimation basse de 8 000 francs…

Autres bonnes surprises, certes moins spectaculaires, mais très encourageantes pour des marques qu’on peut qualifier de… seniors ! Certaines de ces marques ne pouvaient attendre mieux de leurs pièces uniques, parfois relativement peu imaginatives, mais ces résultats recalent subtilement l’échelle des images de marque auprès des collectionneurs…

❑ TUDOR : 650 000 francs sous le marteau, pour une Black Bay GMT « patinée, soit plus de 150 fois (!) l’estimation basse de 4 000 francs – il y avait de la folie dans l'air en fin de vente !

❑ ZENITH : 480 000 francs pour la Defy Double Tourbillon restylée par Daniel Pantone, avec une estimation basse de 180 000 francs…

❑ ULYSSE NARDIN : 380 000 francs sous le marteau pour la pièce unique UFO dont l’estimation basse était de 60 000 francs…

❑ HUBLOT : 320 000 francs pour une Big Bang Tourbillon, à l’estimation basse de 160 000 francs…

❑ TAG HEUER : 290 000 francs pour la Monaco en carbone, à l’estimation basse de 50 000 francs…

❑ CHANEL : 280 000 francs pour le couple de Chanel J12 Paradoxe, dont l’estimation basse était de 30 000 francs…

❑ BREGUET : 250 000 francs pour une Type XX à l’estimation basse de 35 000 francs [pour une fois, la Breguet d'Only Watch était désirable et parfaitement réussie]

❑ BVLGARI : 220 000 francs sous le marteau pour la pièce unique quantième perpétuel Octo Finissimo de Bvlgari, dont l’estimation basse était de 80 000 francs [c’est la montre Aiguille d’or du récent Grand prix d’horlogerie de Genève]

❑ LOUIS VUITTON : 220 000 francs pour la pièce Tambour GMT livrée dans sa mallette Louis Vuitton, pour une estimation basse à 80 000 francs…

❑ JAQUET DROZ : 200 000 francs d’adjudication pour une Grande seconde tourbillon squelettée de toute beauté, à l’estimation basse de 160 000 francs [la montre n'était pas forcément très commerciale, ni facile à comprendre]

❑ BLANCPAIN : 130 000 francs pour l’adjudication de la Fifty Fathoms No Rad de Blancpain, à l’estimation basse de 12 000 francs…

❑ CARL F. BUCHERER : 90 000 francs enchéris pour une Héritage Bicompax estimée au plus bas à 20 000 francs…

❑ HERMÈS : 90 000 francs sous le marteau pour un duo de la nouvelle H08, pour une estimation basse de 14 000 francs…

❑ GIRARD-PERREGAUX : 80 000 francs payés pour les chiffres rouges de la Casquette [depuis le temps que nous expliquions à la marque qu’il fallait rééditer ce modèle !], pour une estimation basse de 10 000 francs…

❑ CHOPARD : 80 000 francs pour l’Alpine Eagle estimée (bas) à 30 000 francs, c’est très honorable…

D’autres performances sont relativement médiocres : 85 000 francs pour la Charles Girardier à l’estimation basse de 75 000 francs – on est loin d’accompagner le mouvement haussier des autres jeunes marques indépendantes.  La Miss Audrey Sweet Fairy de Bovet 1822 méritait sans doute mieux que les 80 000 francs réalisés sous le marteau (avec une estimation basse à 45 000 francs). De même, le score médiocre du chronographe Nicolas Rieussec de Montblanc, proposé avec une réplique du chronographe « historique », est assez décevant (75 000 francs sous le marteau, pour une estimation basse à 30 000 francs). Rebellion aurait dû mieux tirer son épingle du jeu avec sa pièce unique RE1 2.0, adjugée à 35 000 francs après une estimation basse à 26 000 francs. N’en est-il pas de même pour la Dual Time de Speake-Marin (60 000 francs sous le marteau, pour une estimation basse à 30 000  francs) ? Et pour le chronographe Epic de Jacob & Co (adjugé à 40 000 francs, mais estimé 20 000 francs), la marque nous ayant habitués à mieux ?

Une seule mauvaise surprise à l’arrivée, et on la comprend d’autant moins que les représentants de la maison étaient dans la salle et qu’ils ont laissé faire, au risque d’envoyer un mauvais message sur la marque. Alors que de nombreuses maisons ont eu à cœur de s’approcher de l’estimation haute de leur montre, en s'imposant très au-delà de l’estimation basse, une seule montre s’est adjugée au-dessous de l’estimation basse : la montre en or Highlife Monolithic de Frederique Constant, partie au marteau à 24 000 francs alors que son estimation basse était fixée – par la marque ! – à 28 000 francs…

Le total de la vente était initialement estimé entre 3,64 millions (estimation basse) et 5,02 millions (estimation haute). On se retrouve à 30 millions au final, soit un résultat moyen de dix fois supérieur à l’estimation basse. Autant dire un triomphe : dès les premières lots, on a compris que l’unité de compte de cette dispersion serait plutôt à six chiffres qu’à cinq chiffres : une quarantaine de montres du catalogue étaient estimées sous les 100 000 francs [une dizaine au-dessus de ces six chiffres, et seulement deux sous les 10 000 francs], mais, à l’arrivée, 32 montres ont été adjugées au-delà des 100 000  francs, soit plus de 60 % des lots proposés. Le premier million du cumul des ventes était atteint au quatrième lot, les cinq millions au 19e, les 11 millions au 22e, les 14 millions au 38e et les 28 millions au 50e. Autant dire que l’ambiance était plutôt euphorique, dans la salle comme en ligne ou au téléphone, avec une majorité d’enchérisseurs asiatiques apparemment plutôt connaisseurs…

Conclusion générale : même si les enchères « millionnaires » ont tiré quantitativement la vente en assurant les deux-tiers de son produit (20,5 millions), ce sont bien tous les indépendants (grandes marques hors groupes comprises) qui ont assuré la « charpente » qualitative de cette édition d’Only Watch, dans le plaisir d’un bouillonnement créatif et dans le respect de la biodiversité horlogère. Voir des très jeunes maisons comme Trilobe se frayer une place parmi les enchères à six chiffres (pile 100 000 francs) est une réjouissante source d’étonnement. On peut en dire autant des 800 000 francs sous le marteau pour le Chronomètre d’Akrivia : c’était le premier lot, mais l’excellent Rahul Kadakia, qui a tenu le marteau d’une main de maître tout au long de la session, n’a sans doute pas assez insisté pour qu’on frôle le million [en revanche, il a vraiment ramé fort et longtemps pour qu’on frôle les dix millions avant de caler sur les 9,5 millions du lot Patek Philippe]. Un dernier chiffre : 566 000 francs de prix moyen pour 53 montres de la dispersion – c’est du jamais vu [on a réussi à faire encore plus dingue que le GPHG, mais c'est cette fois pour la bonne cause et ça crée toute la différence] !

Conclusion de cette conclusion : merci à Luc Pettavino, le fondateur du cycle Only Watch, pour nous avoir procuré de tels plaisirs d’amateur avec cette saison 9. Ajoutons nos félicitations aux marques qui ont joué le jeu. Par principe, les absents ont toujours tort, et tout particulièrement dans une opération charitable comme Only Watch. C’est encore plus lamentable pour les pleutres qui redoutent de se mesurer. Du coup, on a moins envie d’épiloguer sur la « bulle des indépendants », mais on va forcément vous en reparler. On vous laisse réfléchir là-dessus…


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