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BLOC-NOTES CANICULAIRE (accès libre)
Bloc-notez, bloc-notez, il en restera toujours quelque chose...

C’est l’excellent Sylvain Tesson qui en parle mieux, faisons-lui confiance : « Les blocs-notes sont des coups de sonde, des carottages donnés dans le chatoyant foutoir du monde ». Concernant l’actualité caniculaire du village des montres, on pourrait juste se demander pourquoi on doit bloc-noter plus de questions que de réponses…


En vrac, en bref, mais toujours en toute liberté (Business Montres oblige), quelques notes à la volée sur l’air du temps caniculaire. Avec une certitude : ce n’est pas parce que les vacances horlogères ont mis en panne la plupart des manufactures horlogères qu’il ne se passe rien dans l’actualité des montres !

Complication

Quoique dûment inscrites dans cette compétition [on ne peut que les en féliciter], certaines marques semblent faire des efforts désespérés pour ne pas recevoir la moindre récompense au Grand prix d’horlogerie de Genève ! On peut le vérifier en consultant les textes de présentation mis à la disposition des académiciens du GPHG 2022 pour choisir les 90 montres qui figureront dans la présélection. À ce stade de la compétition, les académiciens ne disposent pour se décider que d’une brève notice fournie par la marque [ils n’ont pas la montre en main] : autant dire que cette notice doit être efficace pour faire émerger la montre parmi les 254 qui sont inscrites en 2022. Une des montres les plus originales de ce concours de beauté horlogère est sans doute la Chaumet Sous le soleil, une montre à « complication créative » présentée récemment aux lecteurs de Business Montres (13 août). Que nous dit Chaumet de cette « complication créative » ? En tout 74 mots pour décrire ce qu’on voit de la montre, ses pierres précieuses et son bracelet, mais à peine 22 mots, en fin de paragraphe, pour en expliquer le fonctionnement en termes relativement sibyllins. C’est probablement la notice la plus nulle de toutes les pièces présentées : il ne faudra pas s’étonner si cette pièce unique tarifée à 275 000 francs suisses (ci-dessus) passe cette année à côté du destin qu'elle méritait dans la course aux honneurs ce GPHG 2022…

 À l’arraché

La presse généraliste consacre de plus en plus d’articles de plus en plus alarmistes au « fléau des vols de montres à l’arraché » (exemple récent avec ce reportage de TF1). Un chiffre : 27 % de plus en 2022, pour la seule région parisienne, par rapport à 2021. La contagion gagne toutes les métropoles de quelque importance, non seulement en France, mais aussi dans tous les pays développés, et même en Suisse, puisque, par exemple, les directions genevoises de certaines boutiques horlogères de la rue du Rhône ont fait part à la police locale de leur exaspération face aux « guetteurs » qui repèrent leurs meilleurs clients quand ils ont effectué leurs achats et qui les dépouillent quelques rues plus loin ou dans un parking proche. En soi, cette délinquance purement horlogère, qui semble de plus en plus violente, n’est qu’une illustration supplémentaire de la montée généralisée de l’insécurité dans les sociétés occidentales [cela concerne moins les sociétés plus promptes à couper la main des voleurs, comme les pays où règne la charia islamique, ou soumise au « contrôle social » de type chinois]. En fait, c’est une très mauvaise nouvelle pour l’industrie des montres : si on ne peut plus porter une montre dans la rue sans mettre sa vie en danger, pourquoi en achèterait-on ? Il y a une relation de cause à effet directe entre cette délinquance et la réticence croissante au luxe ostentatoire, dont les montres de luxe étaient un des plus éclatants symboles. Et il n’est pas question de se consoler en avouant que cette recrudescence des violences horlogères marque un progrès dans la diffusion de la culture des montres au-delà des cercles d’amateurs : l’identité facilement reconnue et financièrement établie des « icônes » horlogères est ici un facteur toxique d’encouragement au carpo-brigandage…

Pologne

Cette « universalité » de la valeur reconnue des plus célèbres montres de luxe a un effet dérivé des plus inattendus, encore jamais repéré par les médias généralistes qui déplorent cette carpo-délinquance. Savez-vous pourquoi bon nombre de ces « icônes » ne reviennent pas sur le marché gris ? Du fait de leur cote élevée dans à peu près toutes les métropoles de cette planète [on parle ici de Rolex, Patek Philippe, Richard Mille, etc.], ces montres sont consignées dans des offices de prêteurs sur gage, avec une liquidité immédiate [officines qui sont, dans beaucoup de pays même européens, moins « regardantes » quant aux détails de propriété de la montre], quand elles ne servent pas directement de caution pour louer des voitures de luxe dans des pays aussi peu inquisiteurs que la Pologne – où, dans certains circuits d’une rare opacité, on peut remplacer une caution financière de 30 000 euros ou 40 000 euros par quelques montres célèbres qui valent deux ou trois fois ce montant. On ne s’étonnera donc pas de la prolifération en Europe de bolides légalement immatriculés en Pologne, alors que la légalité de leur location et l’identification de leur locataire semblent des plus problématiques. Des bolides loués à l’arraché avec des montres volées à l’arraché, juste pour s’arracher aux contraintes administratives des bureaucraties fiscales européennes…

« In-house »

On se demande pourquoi certaines marques se risquent encore à pratiquer le plus éhonté des bullshits, comme à l’époque où les réseaux sociaux n’intervenaient pas sous le moindre prétexte. Il est à peu près impossible aujourd’hui de ne pas se faire prendre par la patrouille dès qu’on effleure la ligne jaune ! Voici quelques jours, la manufacture IWC lançait une nouvelle montre d’aviateur, la Mark XX [on n’avait pas vu passer la Mark XIX, mais peut-être est-elle encore dans les limbes], en toute discrétion, avec un nouveau boîtier (40 mm : même chez IWC, on réduit les tailles), un nouveau cadran en plusieurs couleurs (noir ou bleu : ça reste classique), des nouvelles aiguilles et un nouveau mouvement, le calibre IWC 32111, présenté comme développé en interne et « in-house » – en français, on dirait « manufacture ». Sauf que ce mouvement automatique est parfaitement générique, puisqu’il s’agit de l’excellent « tracteur » développé chez ValFleurier (l’atelier de mécanique multimarques du groupe Richemont), qui a déjà équipé d’autres marques du groupe, notamment Baume & Mercier (Baumatic) ou Panerai (qui l’a rebaptisé P.900, avec le même baratin sur le développement « en interne » – en plus d’autres montres d’aviateur chez IWC. Bien entendu, des redresseurs de tort comme le fameux @perezscope n’ont pas raté IWC, qui a essayé d’étouffer l’affaire, non sans provoquer un vrai malaise interne qui n’a fait qu’aggraver le désarroi et la motivation des équipes…

Liste d’attente

Forcément, on vous a déjà fait le coup des montres sold out à peine apparues sur le marché et des « listes d’attente » longues comme le bras où il faut s’inscrire alors que la montre n’est pas encore en vitrine. C’est parfois vrai, mais beaucoup plus rarement que ne le proclament les marques. Un exemple récent : une marque des plus notoires lance une édition limitée pour fêter l’ouverture de sa boutique sur une des grandes avenues du luxe international. Jolie montre, avec un fond gravé qui célèbre la métropole horlogère où cette boutique vient d’ouvrir. La série ne compte qu’une centaine de pièces, toutes numérotées et, nous dit-on, déjà quasiment toutes préréservées par les amateurs du monde entier. Diantre, quel succès planétaire ! On presse évidemment les bons clients de profiter de cette bonne affaire, en leur faisant miroiter la possibilité de choisir leur numéro personnel dans cette série. Question logique du client : « Quels sont les numéros encore disponibles ? ». C’est là que la supercherie se révèle : le vendeur consulte la liste des numéros déjà réservés et on découvre alors que cette série limitée – officiellement décrite comme pratiquement sold out– n’a qu’une petite vingtaine de numéros déjà réservés, les autres restant libres. On se moque de qui ?


Coordination éditoriale : Eyquem Pons


 

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