LE SNIPER DU VENDREDI (accès libre)
Ce virus est un redoutable serial killer, très utile pour flinguer les médias horlogers
C’est même un génial tireur d’élite et un assassin systémique : non content de tuer de préférence les seniors et les pauvres, il ravage le paysage horloger en réglant leur compte aux détaillants, aux sous-traitants, aux marques et maintenant aux médias horlogers, qui n’ont visiblement pas compris dans quel piège ils tombaient.
À CÔTÉ DU COVID-19,
LE TERMINATOR DE JAMES CAMERON
EST UN ENFANT DE CHŒUR (éditorial)
Alors qu’il aura fallu trois épisodes (en vingt ans) pour venir à bout du Terminator de James Cameron, le Covid-19 n’aura eu besoin que de trois mois pour « nettoyer » de la planète avant de faire un massacre chez les vieux et chez les pauvres. On peut même dire que, à côté de ce Covid-19, ce pauvre Terminator n’est un petit rigolo, voire même un petit bricoleur ! Le Covid-19, lui, est un vrai tueur en série, un assassin systémique [au sens où il existe des désherbants « systémiques »], froid et méthodique. Les ravages qu’il inflige au village horloger provoquent ou vont provoquer une tragique hécatombe – mot très insuffisant, dont la racine grecque n’avoue que 100 morts – de détaillants de sous-traitants, de petites marques et, bientôt, de médias horlogers.
Beaucoup en rêvaient dans les états-majors horlogers, le Covid-19 l’aura fait : débarrasser le paysage de ces « journalistes » [terme générique très impropre] toujours trop gênants, trop exigeants, trop encombrants et même parfois trop insolents. Déjà, à la faveur des premières semaines de crise, on leur avait coupé les vivres en « sucrant » les budgets publicitaires, en ligne comme hors ligne : beaucoup des espaces promotionnels qu’on voit aujourd’hui sur de nombreux sites sont des « repasses gratuites et ils sont là pour meubler, sinon pour comme cache-misère. Oubliées les blogueuses ! Largués les influenceurs. Ensuite, à la faveur du confinement, on a pu constater que la crise vaporisait les audiences en ligne : notés en direct, les chiffres réels de fréquentation des live chats, des webcasts, des talks instagram et des autres placebos numériques sont assez pathétiques. Maintenant, on va tuer les médias horlogers en démontrant leur inutilité et en les remplaçant par… rien ! Le plus troublant est de voir l’empressement de la plupart de ces médias horlogers à prouver leur part de… rien en participant activement à leur propre mise à mort ! On ne sait pas si c’est un réflexe pavlovien [celui des chiens qui salivent dès qu’on ne leur met plus un susucre sous le nez] ou une ultime courtisanerie dans l’espoir d’une caresse ultérieure, en vue de « gratter » quelques miettes du petit gâteau publicitaire qui subsistera d’ici à la sortie de la crise, mais cet acharnement des médias à confirmer qu’ils ne servent à rien est proprement sidérante – mais elle est surtout pathétique…
Regardez-les bien, ces médias perroquets qui se précipitent sur les dossiers de presse récemment mis en ligne pour les présenter à leurs lecteurs et à leurs followers les nouveautés de l’année ! Ne font-ils pas la démonstration parfaite de leur psittacisme et de la vacuité de leurs commentaires, qui ne disposent que des mêmes images ? Dès ce week-end, quasiment les mêmes dossiers sur les mêmes nouveautés avec les mêmes illustrations seront à la disposition du grand public et des amateurs, qui savent désormais parfaitement que, à quelques exceptions près, ces médias perroquets n’ont pas vraiment vu les nouveautés en question : les éléments de langage qu’ils répètent sont donc assez peu crédibles. La valeur ajoutée des commentaires qui paraphrasent la « langue de boîte » officielle des marques reste ainsi plus qu’incertaine, l'absence de recul de ces posts frôlant parfois l'indécence...
On peut s’attendre dans les heures et les jours qui viennent à une avalanche de parutions en ligne sur les montres qui auraient dû être présentées à Watches & Wonders : autant d’occasions de convaincre l’opinion publique horlogère que ces médias perroquets sont vraiment d'inoffensifs volatiles, et non des producteurs de sens ou des références capables d'analyser une production. On serait presque tenté de préférer l’attitude de Rolex ou de Patek Philippe, qui ont décidé de ne présenter aucune nouveauté cette année : c’est plus digne et pas forcément moins efficace pour attiser les appétits en vue de l’année prochaine. Admirez au passage (ci-dessus) comment Watches & Wonders présente ces informations qui n’en sont plus : ce sont désormais des… ressources ! Un an de travail de toutes les équipes d’une marque pour en arriver à déverser en ligne, en même temps que tout le monde, ces « ressources », quelle déchéance (pour les marques) et quelle dépravation du métier de journaliste (pour les médias) ! On dirait la distribution de la pâtée quotidienne dans un chenil, chacun s’efforçant par ses aboiements de publier avant les autres. On dirait la distribution d’une soupe populaire, comme aux grands temps de la crise de 1929 (ci-dessous). Quand l’horlogerie sera déconfinée, quelle sera la crédibilité professionnelle de ces médias perroquets, qui n’auront pas fait la démonstration de leur valeur ajoutée rédactionnelle, mais qui n'auront donné aux marques et à leurs publics que l’illusion de leur nécessité ?
Bien sûr, même Business Montres informera ses lecteurs de certaines de ces nouveautés, mais ce sera, comme toujours dans nos pages « À découvrir », en signalant que nous respectons la « délicieuse et jamais trop fleurie “langue de boîte” de la communication horlogère » – comprenez celle des dossiers de presse. Quand nous aurons pu avoir les montres en main, nous les commenterons plus longuement (voir, par exemple, notre chronique sur le tourbillon DB28XP présenté par De Bethune : Business Montres du 23 avril). Et nous agirons de même quand nous connaissons bien soit les prototypes repérés avant le confinement, soit les modèles antérieurs des collections « animées » par les marques. C’est un simple réflexe de prophylaxie contre le bullshit marketing…
Ce qui est choquant et un peu gênant, ce n’est pas de présenter en ligne, à toute la communauté horlogère, ces nouveautés 2020 – c’est clairement de court-circuiter les médias horlogers en les privant de cette fonction d’intermédiation qui est la leur. Pour les marques, cette stratégie direct to consumer est assez suicidaire [on peut même dire qu’elle est… swissidaire !] : après des décennies de féroce pratique d’un bullshit horloger maintes fois démontré, qui croit encore à la crédibilité de ces marques ? Quels amateurs se font encore des illusions sur la pertinence des éléments de langage officiels ? Dans un écosystème horloger équilibré, l’offre comme la demande gagnent à être éclairées, contextualisées et médiatisées, les informations devant circuler librement [et si possible équitablement] de l’amont vers l’aval et retour grâce aux « professionnels » des médias [définition très extensive] dont c’est la fonction première. Manque de chance : la plupart de ces médias perroquets ont choisi de monter des petites « épiceries » et des complexes marchands qui usurpent à la fois la fonction des médias classiques [qu’ils sont de moins en moins], la fonction des détaillants [qu’ils ne sauraient remplacer] et même la fonction des services de marketing et de relations publiques des marques [dont ils détournent la capacité à s’adresser au client final]. Sans de vrais médias, l’écosystème s’appauvrit, l’information circule de moins en moins et le risque d’AVC médiatique augmente. Ce confinement généralisé est en train de mettre en évidence l’inanité de ces médias perroquets, qui se chargent eux-mêmes de crier leur futilité par leurs piaillements collectifs. Tout ça ne sent pas très bon. On vous laisse réfléchir là-dessus…
LES BONNES,
LES MOINS BONNES
ET LES AUTRES NOUVELLES DU JOUR
❑❑❑❑ LE CLIN D’ŒIL DU JOUR : même en confinement, on peut s’amuser à surfer sur les vagues de l’actualité ! La maison d’horlogerie Saegesser (Crans Montana) ne s’en prive pas, en détournant dans une inattendue direction horlogère la phrase-culte d’Alain Berset, le « ministre de la Santé » suisse. Un joli coup de com’…
❑❑❑❑ LES BONNES ACTIONS DU JOUR (1) : Babette Keller (Keller Trading), la reine de la « chiffonnette » horlogère et du gant griffé, vient d’affecter une partie de ses lignes de production biennoises à la fabrication d’un masque de protection en microfibre lavable à 60 % – c’est non seulement écologique, mais très doux à porter (ces masques, portés ci-dessous par la fille et la petite-fille de Babette sont en vente à la boutique KT, à 19,90 CHF au lieu de 29,90 CHF). Un futur must pour les marques : à quand des masques griffés, donc collectors ? Merci, Babette !
❑❑❑❑ LES BONNES ACTIONS DU JOUR (2) : même démarche solidaire pour le groupe français Créations Perrin (bracelets horlogers), qui mobilise une partie de ses ateliers d’Allenjoie, dans le Doubs, pour fabriquer des masques de protection anti-Covid-19 (modèles agréés par la Direction générale de l’armement et réalisés aux normes Afnor), qui seront destinés aux hôpitaux et aux professionnels de la santé.
❑❑❑❑ LA BANDE-SON DU JOUR ? Une chanson ultra-classique et ultra-poétique dès qu’il s’agit de redonner un peu d’espérance et un peu de sens à nos existences confinées ? C’est forcément à Jean Ferrat qu’on pense, et à son Que c’est beau, la vie (1963) – une des plus belles chansons du répertoire français. Avec des paroles d’une simplicité élégiaque et d’une belle sobriété : « Tout ce que j'ai failli perdre / Tout ce qui m'est redonné / Aujourd'hui me monte aux lèvres / En cette fin de journée / Pouvoir encore partager / Ma jeunesse, mes idées / Avec l'amour retrouvé /Que c'est beau, c'est beau la vie ». Rappelons que Business Montres a décidé de créer une play-list optimiste et nostalgique pour aider tout le monde à se déconfiner mentalement…
❑❑❑❑ LE JEU-TEST DU JOUR ? Un peu de culture horlogère pour ne pas mourir idiot du coronavirus ! Les bonnes réponses à précédent quiz de confinement (Business Montres du 22 avril) étaient : Patek Philippe-C ; Pignon-D ; Diamantine-I. Voici maintenant trois nouvelles questions tirées d’un de nos précédents « Tour des montres en 80 tests ». Rendez-vous dans notre prochain numéro (lundi) pour les bonnes réponses d’aujourd’hui !
❑ Quand ils parlent de « ligne », les horlogers utilisent une mesure horlogère antérieure au système métrique, quand un « pied » valait douze « pouces » de douze « lignes », dont chacune équivalait à… A) 2,2558 mm (arrondis à 2,2 mm) ? B) 2,0593 mm (arrondis à 2,1 mm) ? C) 1,2869 mm (arrondi à 1,2 mm) ?
❑ Premier homme à atteindre le pôle sud, le 14 décembre 1911, l’explorateur norvégien Roald Amundsen portait une montre de poche… D) Longines ? E) Eberhard ? F) Zenith ?
❑ Philippe Dufour, le » trésor vivant » de la vallée de Joux, a limité la production de sa légendaire montre Duality à… G) 9 pièces ? H) 18 pièces ? I) 27 pièces ?
❑❑❑❑ UN GESTE UTILE : avez-vous pensé à « liker » ou à signaler à votre communauté notre vidéo sur la fausse reprise et le « rebond » purement théorique de l’horlogerie suisse ? Pensez aussi à vous abonner et à faire s’abonner vos proches ! 0 % publicité, 100 % liberté : il revient à nos lecteurs de nous soutenir en favorisant la diffusion de nos interventions, qu’elles soient éditoriales (comme cette page du Quotidien des montres) ou audiovisuelles comme la vidéo ci-dessous…
❑❑❑❑ LE DESSIN DU JOUR : « À l’approche du déconfinement, certains commençaient à soupçonner l’incapacité de l’horlogerie à se rétablir avant de longues années » (séquence « Sérieux, s’abstenir » : Business Montres du 22 avril). Soit les CEO des marques de luxe ont raison quand ils s’empressent de proclamer que la Chine vit actuellement une « vigoureuse reprise » de ses ventes de montres. Soit ils n’ont pas tout-à-fait raison, même s’ils ne mentent pas tout-à-fait : parlent-ils de leurs ventes en général [auquel cas ils n’ont sans doute pas tort, encore qu’il soit préférable de pondérer cette reprise par l’effet retard et rattrapage des dix semaines de fermeture précédentes] ou de leurs ventes horlogères [auquel cas ils bidonnent ou ils confondent sell-in et sell-out, rotation des stocks et ventes sur le terrain] ? Rendez-vous dans quelques mois pour le fact-checking…