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LE ZAPPING DU MERCREDI (accès libre)
Plus que quelques jours pour commencer à compter les morts et relever les ruines du village horloger

C’est précisément au moment où la communauté horlogère devrait faire corps et souder ses énergies que les « grandes » marques tentent de mettre hors-jeu les créateurs indépendants, les artisans horlogers, les nouvelles marques et les PME de montre. On veut les priver des salons horlogers qui s’organisent à Genève pour le printemps 2021. Au nom de quel monopole ? Et au nom de quels principes les priver de ce « vivre ensemble » sans lequel la biodiversité horlogère se fragiliserait jusqu’à menacer la survie de cette industrie ?


« C’EST AUSSI RAVAGEUR 

ET RÉGÉNÉRATEUR QU’UN GRAND 

INCENDIE DE FORÊT » (éditorial)

Selon les botanistes, les grands incendies qui se déclarent spontanément dans les forêts primaires et qui ravagent des dizaines de milliers d’hectares avant de se clamer tout aussi spontanément sont une réponse environnementale de la nature pour régénérer ces forêts : certaines graines des grands arbres qui brûlent ainsi ne peuvent éclore qu’après avoir été soumises à des températures extrêmes. Après le passage des flammes, on voit émerger quelques grands arbres roussis au milieu d’un paysage chaotique et desséché de broussailles réduites en cendres et d’arbrisseaux qui semblent morts, mais qui reverdiront à la première pluie…

L’analogie est très intéressante après le passage de l’ouragan coronaviral à travers le paysage horloger : quelques grands arbres qui paraissent épargnés par les flammes et qui semblent dominer encore plus majestueusement la futaie, des arbustes qui régénèreront la forêt dont le sol sera fertilisé par les cendres, des jeunes pousses qui auront résisté aux flammes et des buissons prêts à repousser au soleil dès que la fumée se sera dissipée. C’est le bon moment pour se demander s’il ne faudrait pas pousser cette analogie jusqu’aux lendemains de la chronapocalypse en cours.

• Les « grandes » marques en sortiront encore plus fortes, ne serait-ce que parce qu’elles sont les seules à disposer d’une trésorerie confortable pour amortir les aléas de la conjoncture [que ces marques soient indépendantes, comme Rolex, Patek Philippe, Chanel et quelques autres, ou qu’elles appartiennent à des groupes – Richemont, Swatch, LVMH et quelques autres]. En dépit de quelques dégâts collatéraux, ces « grandes » marques auront résisté à l’incendie : elles feront encore plus d’ombre aux petites et aux moyennes maisons horlogères. On peut comprendre qu’elles aient pris la décision de se regrouper, entre elles, à Genève, en avril prochain : elles considèrent [à tort] qu’elles se suffisent à elles-mêmes…

• Les créateurs indépendants, de haute ou de moins horlogerie, les artisans des ateliers spécialisés, les horlogers de « garage » [au sens œnologique du terme] les start-ups horlogères (pourvu qu’elles soient bien calées dans leur « niche » de marché), n’ont guère de souci à se faire : tout ce remuant petit monde a toutes les chances de passer entre les gouttes de l’orage en réduisant la voilure et en restant raisonnables. Il serait tragique pour la biodiversité horlogère que ce levain créatif se trouve exclu de l’événement genevois par la volonté de rester entre soi des plus « grandes » marques. Leur exclusion de facto appauvrirait l’écosystème horloger, qui ne saurait se résumer à un deux poignées de « grandes » marques [même si elles assurent effectivement les trois-quarts de la valeur ajoutée créée par l’industrie des montres]. Bien des arbustes porteurs de fruits délicieux peuvent grandir dans l’ombre portée des hautes branches de Rolex ou de Patek Philippe : la richesse d’un environnement tient, précisément, à la symbiose de ses différentes espèces…

• Les petites et moyennes marques horlogères sont les plus menacées, de même que les groupes horlogers de taille moyenne, suisses et non suisses (Mondaine, Frederique Constant, Festina, Movado, Fossil, Timex, etc.) : non seulement ils vont pâtir de la destruction annoncée d’une grande partie de leurs réseaux de distribution [le coronavirus est un ravageur de détaillants indépendants], mais ils vont manquer de capacités de production (surtout pour ce qui concerne le Swiss Made), de budgets de communication et de trésorerie commerciale pour émerger dans les conditions très difficiles du marché de l’après-confinement. Leur faible numérisation est un handicap grave dans ce contexte. Ces petites et moyennes marques ont une impérieuse nécessité : pouvoir présenter leur offre 2021. Il serait tout choquant de voir les marques de ce segment très important de la branche horlogerie – celui qui correspond à la demande des amateurs « normaux » sur les marchés traditionnels de la montre suisse – écartées des salons du printemps 2021 et privées d’exposition comme de ces rencontres avec les détaillants dont ces maisons ont un besoin vital…

Moralité bio-horlogère et conclusion provisoire : comme après un incendie, il faut laisser faire la nature et laisser jouer les mécanismes naturels de régulation d’un écosystème. Certes, certaines marques – maisons, ateliers, créateurs, etc. – étaient trop faibles pour survivre, mais celles qui auront pu résister ne méritent de rester confinés par l’ostracisme dont elles seraient frappées par les « grandes » marques, notamment lors des prochains salons horlogers de Genève, au printemps 2021 [s’ils peuvent effectivement se tenir, ce qui n’est pas gagné d’avance pour cause d’incertitudes sanitaires]. On ne comprendrait pas que ces marques – qui forment un pôle très attractif en termes de créativité, d’originalité et d’accessibilité – soit bannies des halles de Palexpo [la meilleure solution] ou du centre de Genève au nom d’un quelconque « monopole » local des grandes marques institutionnelles ou – pire – au nom d’une volonté sournoise des autorités de la ville et du canton de favoriser ces « grandes » marques en détriment de la biodiversité naturelle de l’écosphère horlogère. On vous laisse réfléchir là-dessus…

LES BONNES,

LES MOINS BONNES

ET LES AUTRES NOUVELLES DU JOUR

❑❑❑❑ LE CLIN D’ŒIL DU JOUR : elle, c’est la fille du célébrissime Joaquín Guzmán, dit « El Chapo », l’ancien patron du féroce cartel de Sinaloa (Mexique), organisation mafieuse spécialisée dans le trafic de stupéfiants (ci-dessous). Elle procède ici à une distribution charitable et solidaire de vivres. À son poignet, une des marques préférées de son papa (aujourd’hui emprisonné aux Etats-Unis, dans la prison de haute sécurité d’ADX Florence, qu’on surnomme l’« Alcatraz des Rocheuses) : chacun aura reconnu une Hublot…

❑❑❑❑ LE RECRUTEMENT DU JOUR : pour les montres Gc (ex-Guess), l’ambassadrice du printemps 2020 est Jennifer Lopez. Dans la prochaine campagne de publicité, qui vient d’être bouclée en Californie, « J-Lo » arbore à son poignet la Gc Prime Chic ornée de cristaux Swarovski, « un modèle en corrélation avec son style qui se démarque avec chic. Cette montre aux détails raffinés dispose d'un mouvement suisse et est fabriquée en France, un véritable bijou horloger qui sublimera les tenues les plus élégantes ». Avec ça, si vous n’êtes pas convaincus par cette égérie…

❑❑❑❑ LE MUSÉE DU JOUR : une collection horlogère dans une spirale de verre largement ouverte sur les monts du Jura. Le nouveau musée horloger d’Audemars Piguet a été dessiné par le cabinet de l’architecte danois Bjark Ingels (BIG), dans une logique hélicoïdale qui fait surgir la résille de bronze de ses façades d’un alpage du Brassus [résille qui sert à filtrer le soleil sans obscurcir la vue sur le paysage ambiant]. Au centre de la spirale, les collections des grandes complications (juste à côté des ateliers de la manufacture qui y travaillent encore). À l’autre extrémité de la spirale, l’espace Royal Oak et quelques coups de projecteur sur l’avenir que se voit la marque. L’ouverture au public est prévue pour l’été 2020…

❑❑❑❑ LA BANDE-SON DU JOUR : on va changer un peu ! Avec un encouragement à la patience dans la dernière ligne droite avant la sortie du confinement, avec Encore un soir de Céline Dion (2016). Les paroles sont un trésor d’apprentissage de la patience pour ceux qui commencent à trouver un peu long le temps de ce confinement : « Encore un soir / Encore une heure / Encore une larme de bonheur / Une faveur, comme une fleur / Un souffle, une erreur / Un peu de nous / Un rien du tout / Pour tout se dire encore ou bien se taire / En regard / Juste un report / À peine encore / Même s’il est tard ». Rappelons que Business Montres a décidé de créer une play-list optimiste et nostalgique pour aider tout le monde à se déconfiner mentalement…

❑❑❑❑ JE JEU-TEST DU JOUR : un peu de culture horlogère pour ne pas mourir idiot du coronavirus ! Les bonnes réponses à précédent quiz de confinement (Business Montres du 21 avril) étaient : Rochet-B ; Moritz Grossmann-D ; Girard-Perregaux-G. Voici maintenant trois nouvelles questions tirées d’un de nos précédents « Tour des montres en 80 tests ». Rendez-vous dans notre prochain numéro (vendredi) pour les bonnes réponses d’aujourd’hui !

❑ Fondée en 1839 sous le nom de Patek, Czapek et Cie, l’actuelle manufacture Patek Philippe tirait son nom… A) du marquis hongrois Jan Czapek, financier genevois ? B) de l’horloger français d’origine polonaise Julius Czapek ? C) du maître-horloger tchèque François Czapek ?

❑ Pour les horlogers, les « ailes » d’un pignon sont… D) les dents de ce pignon ? E) le sobriquet en jargon professionnel qui « tigerons » qui portent l’assiette où est rivée une roue ? F) le dispositif qui freine un mobile grâce au frottement de l’air (échappement à gravité) ?

❑ Très utile pour la décoration horlogère, la diamantine rose est… G) une variété de diamant de synthèse (corindon) pour les coussinets des mobiles horlogers ? H) une pierre naturelle semi-précieuse employée pour des sertissages colorés ? I) une poudre d’oxyde d’aluminium cristallisé qui sert à polir des métaux durs comme l’acier trempé ?

❑❑❑❑ UN GESTE UTILE : avez-vous pensé à « liker » ou à signaler à votre communauté notre vidéo sur la fausse reprise et le « rebond » purement théorique de l’horlogerie suisse ? Pensez aussi à vous abonner et à faire s’abonner vos proches ! 0 % publicité, 100 % liberté : il revient à nos lecteurs de nous soutenir en favorisant la diffusion de nos interventions, qu’elles soient éditoriales (comme cette page du Quotidien des montres) ou audiovisuelles comme la vidéo ci-dessous

❑❑❑❑ LE DESSIN DU JOUR : « Visiblement, dans ce contexte sanitaire tendu, les horlogers n’avaient pas bien anticipé les dangers d’une reprise trop hâtive de leurs petites affaires » (séquence « Sérieux, s’abstenir » : Business Montres du 22 avril). Lundi prochain, le travail aura repris dans la quasi-totalité des manufactures horlogères, mais les employés s’apprêtent à multiplier les signalements pour défaut de sécurité sanitaire et infraction aux règles de non-contamination…

❑❑❑❑ À NOS AMIS LECTEURS

Alors que l’horlogerie est au point mort , avec ses manufactures et ses ateliers fermés ou très ralentis, nous profitons de cette chronapocalypse pour proposer un supplément de pages en accès libre. C’est notre contribution à l’« effort de guerre » de toute la communauté horlogère, pour la soutenir dans les difficultés qu’elle affronte et qui ne font que commencer. Nos lecteurs, anciens et surtout nouveaux, pourront ainsi mieux profiter des loisirs que leur offre le confinement. À vous, en retour, de nous soutenir par un geste simple et très efficace : vous abonner (moins de 70 centimes par jour) pour bénéficier tranquillement de toutes nos informations, de toutes nos chroniques et de toutes nos analyses. Nous comptons sur vous comme vous pouvez compter sur nous pour ne pas vous abandonner dans cette crise aux conséquences incalculables…


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