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SANS FILTRE #51 (accès libre)
« C’est peut-être Timex qui a trouvé l’argument le plus percutant contre les montres connectées »

Un argument que les montres suisses n’ont pas été capables de formuler, alors que les smartwatches ont littéralement et impunément ruiné la base de leur pyramide horlogère ! Dommage que les Américains y aient pensé avant l’industrie horlogère, mais on se consolera en remarquant qu'ils ont dû y penser en latin…


C’est ce qu’on pourrait appeler une montre de « rien du tout », proposée à moins de 200 dollars (francs suisses ou euros, c’est pareil) : 36 mm au garrot (bîtier en acier), trois-aiguilles et mouvement à quartz, cadran « militaire » noir (type vingt-quatre heures) très inspiré par les montres réglementaires de la fin du siècle dernier, étanchéité à 30 m [pas vraiment l’aventure !], verre minéral et deux bracelets (un Nato et un « Perlon ») faciles à changer. Ce modèle a été développée avec la marque de mode new-yorkaise Adsum – vocable latin qui signifie « Je suis présent » ou « J’y suis ». Pas de quoi révolutionner la planète horlogère : pour paraphraser Jacques Chirac et le président Emmanuel Macron, ça n’en touche qu’une à l’horlogerie suisse sans faire bouger l’autre…

Pour le lancement de cette montre Timex x Adsum MK1, les deux marques ont cependant fait preuve d’une intelligence facétieuse dont on regrette qu’elle ait manqué aux ténors helvétiques de l’industrie des montres quand ils ont été confrontés au tsunami des montres connectées – tsunami qu’ils n’ont d’ailleurs pas voulu voir arriver et dont ils ont persisté à nier les conséquences désastreuses jusqu’à ce que toute l’entrée de gamme suisse soit vaporisée [nos lecteurs ayant une bonne mémoire, nous n’allons pas revenir sur ce dossier où Business Montres s’était retrouvé être le seul média à tirer le signal d’alarme quand il était encore temps : l’histoire jugera écrasantes les responsabilités de l’officialité horlogère dans les années 2010]

Que nous disent les panneaux publicitaires de la campagne Timex x Adsum : « Regardez l’heure qu’il est sans qu’on vous dise que vous n’avez pas répondu à 1 249 messages » (traduction libre, mais le sens y est). C’est le slogan le plus percutant et le plus convaincant de l’horlogerie traditionnelle face aux montres connectées, dont le talon d’Achille reste la liaison au smartphone et la connexion permanente à la sphère numérique. C’est même le slogan de la reconquête des poignets : « Prenez l’heure pour ce qu’elle est, puisqu’un regard suffit sur le cadran, et cessez de vous faire mettre la pression par ce qui ne relève pas du temps qui passe ». D’ailleurs, regardez l’heure sur le cadran (en haut de la page) : ce n’est plus le classique et figé 10:10, mais déjà l’instant d’après, presque 10:20 – l’heure a tourné depuis les premiers triomphes de l’Apple Watch…

La campagne Timex x Adsum va encore plus loin avec une thématique outdoor récurrente chez Timex. On nous invite et on nous incite à ne plus nous contenter d'un écran pour médiatiser notre relation au monde : avec cette MK1, on nous incite à libérer notre regard pour voir le monde tel qu’il et sans écran, avec ses paysages, ses couleurs, ses arbres et ses rocs. Ce n’est sans doute pas un hasard si les touches de vert du cadran : on est dans le subliminal d’un retour à la nature qui nous rappelle – ce que les dérives spéculatives autour des montres suisses nous avaient fait oublier – que les montres traditionelles [celles qui nous accompagnent depuis près de cinq siècles] nous relient directement au réel du monde et à la vérité de la vie – et non à une digitosphère dont les riches virtualités connectées et la non-fongibilité cryptographique nous déshumanisent plus sûrement que n’importe quel Big Brother de rencontre. Le vrai ennemi des montres classiques, ce n’est pas en soi la montre connectée, c’est l’écran intrusif et totalitaire dont elle est dotée et dont elle est le vecteur pour déloger les autres montres du poignet…

Dommage que ces arguments (enfin convaincants) face au raz-de-marée de l’horlogerie connectée nous arrivent d’un horloger américain, qui lance déjà la bataille du jour d’après – celle qui se jouera autour des périls de l’hyperconnexion forcenée de tous à tout et du ras-le-bol des écrans qui accaparent et subjuguent notre temps de cerveau libre ! Dommage que les marques suisses en soient encore à préférer se regarder le nombril à la loupe patrimoniale : au lieu de gérer pour le pire plus que pour le meilleur les pulsions spéculatives qui les emportent, elles auraient malgré tout beaucoup à dire pour exprimer la liberté créative de cet accès au temps dont elles témoignent. Depuis trois, sinon quatre millénaires, c’est cette capacité à maîtriser son temps sans intermédiaire qui accompagne la marche des hommes et des civilisations vers leur assomption – on songe ici aux maîtres du temps de la Mésopotamie des grands empires, de l’Égypte ancienne, de la Grèce antique (Anticythère), de la Rome impériale, des monastères médiévaux, des beffrois de l’Europe renaissante ou de l’horlogerie du cœur de l’Europe. Comme on en reparlera forcément dans les semaines qui viennent, on vous laisse réfléchir là-dessus…

 

Coordination éditoriale : Eyquem Pons

NOS CHRONIQUES PRÉCÉDENTES

Des pages en accès libre pour parler encore plus cash et pour se dire les vérités qui fâchent, entre quatre z’yeux – parce que ça ne sortira pas d’ici et parce qu’il faut bien se dire les choses comme elles sont (les liens pour les quarante premières séquences sont à retrouver dans l’épisode #50 ci-dessous)…  

❑❑❑❑ SANS FILTRE #50 « Le blanc ne devient-il pas la couleur la plus disruptive pour un cadran de montre ? » (Business Montres du 13 août)



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