CHAISES MUSICALES : Une filiale du complexe militaro-industriel chinois recrute un ex-responsable du Poinçon de Genève
Atterrissage genevois pour une filiale de CATIC (China National Aero-Technology Import & Export Corporation) : un manager suisse de haut niveau pilotera la marque Swiss Made de ce fleuron aéronautique du complexe militaro-industriel chinois. La Chine horlogère affiche clairement ses ambitions en Europe... ▶▶▶ ÉMILE CHOURIET GENÈVE
Atterrissage genevois pour une filiale de CATIC (China National Aero-Technology Import & Export Corporation) : un manager suisse de haut niveau pilotera la marque Swiss Made de ce fleuron aéronautique du complexe militaro-industriel chinois. La Chine horlogère affiche clairement ses ambitions en Europe...
▶▶▶ ÉMILE CHOURIET GENÈVEPatrick Jaton aux commandes d'une filiale de Fiyta... ◉◉◉◉ On va encore reparler des investissements chinois dans le champ horloger suisse. Il y a quelques mois, le groupe Haidian – dont les liens sont étroits avec le pouvoir central chinois – s'offrait la manufacture Corum pour en faire le coeur d'un nouveau projet horlo-industriel avec la manufacture Eterna. Cette fois, il ne s'agit pas d'un investissement, puisque la marque genevoise Émile Chouriet était déjà passée dans le giron du groupe horloger de Shenzhen Fiyta (bien prononcer « Fi-ya-ta »), qui est lui-même une filiale du CATIC. Derrière ces initiales, le fleuron aéronautique du complexe militaro-industriel chinois (China National Aero-Technology Import et Export Corporation), le bras armé du Poliburo, classé parmi les 20 premières entreprises chinoises avec près de 4 milliards de chiffre d'affaires pour 22 000 employés. Il s'agit d'un recrutement hautement symbolique. Là encore, on est en prise directe sur les consignes stratégiques du nouveau pouvoir chinois pour ce qui concerne l'avenir de l'économie. Et, comme dans le cas du rachat de Corum, on vérifie la nouvelle ligne de conduite retenue par Beijing : choisir des marques authentiques et faire confiance à des équipes locales, en investissant sur les hommes et les équipes plutôt que sur les machines... 
◉◉◉◉ Jean Depéry, le re-fondateur de la marque Emile Chouriet (horloger genevois de la fin du XVIIe siècle), avait vendu la marque au groupe chinois Fiyta en 2010, avec l'engagement – strictement et scrupulement respecté – de ne pas transiger sur l'intégrité du Swiss Made. Songeant à la retraite après 18 ans passés à la tête de l'entreprise, Jean Depéry s'est entendu avec ses administrateurs pour trouver un homme capable d'incarner cette intégrité et de donner à la marque une renommée horlogère qui n'est aujourd'hui évident qu'en Chine, où elle dispose d'une boutique. Avec un volume annuel d'environ 40 000 montres (pour une équipe d'environ 25 personnes), Emile Chouriet est sans doute la moins connue des manufactures mécaniques genevoises, alors qu'elle réalise d'intéressantes complications (tourbillons, répétitions minutes) et des montres de décoration émaillées de fort belle facture. Le recrutement de Patrick Jaton, ci-contre, l'ex-patron de Timelab (COSC et Poinçon de Genève), qui avait quitté Timelab pour rejoindre Vacheron Constantin dans la vallée de Joux, est un signal clair des nouveaux engagements du groupe Fiyta : remuscler Émile Chouriet en « sanctuarisant » son intégrité genevoise, tout en lui apportant le sang neuf capable de faire (re)connaître la marque dans son territoire de référence (la Suisse), mais aussi en Europe et dans le monde entier. Les Chinois sont des amateurs de pensée symbolique : Patrick Jaton est un signal fort ! 
◉◉◉◉ C'est pourquoi le choix d'un ancien patron du Poinçon de Genève est si révélateur : le terrain d'exercice chinois n'est plus suffisant pour les groupes horlogers chinois. Fiyta, qui expose depuis plusieurs années dans le Hall 1 de Baselworld, estime que le moment est venu de passer à des manoeuvres plus internationales : avec la force du storytelling des étoiles [dix ans de présence dans l'espace au poignet des taïkonautes : normal pour une marque aussi proche du pouvoir !] et avec l'atout d'une distribution intérieure génératrice de profits [les 200 boutiques du réseau Harmony, qui distribuent 70 marques suisses grâce auxquelles le groupe a pu apprendre le métier], il est temps de passer aux choses sérieuses ! Avec 5 000 employés et 500 millions de dollars de chiffre d'affaires pour un volume de plus de 600 000 montres [estimations Business Montres], les terrains de jeux ne manquent pas, à commencer par l'Europe, qu'on attaquera avec des collections dessinées par des designers suisses : à la place de Tissot, qui joue dans la même gamme de prix, on ne perdrait pas Fiyta de vue... 
◉◉◉◉ L'autre mâchoire de la tenaille, c'est le Swiss Made et le haut de gamme avec Émille Chouriet, sans exclure d'autres rachats possibles. Désormais installée à Meyrin, la marque ne manque pas de projets, en particulier pour assurer son indépendance logistique vis-à-vis d'ETA. Pour l'instant, les complications sont développées par des petits ateliers suisses, mais la verticalisation sera étudiée, comme toujours avec Jean Depéry, puis désormais avec Patrick Jaton, avec intelligence, prudence et détermination. L'objectif prioritaire reste la crédibilité dans le sérieux horloger et dans la valeur ajoutée suisse – ce qui passera par une communication à présent totalement aphone et donc inaudible. Patrick Jaton était l'homme de la situation : il a saisi sa chance pour asseoir installer un marque suisse authentique [quoiqu'elle ne soit, aujourd'hui, vendue qu'en Chine, ou presque] sur la scène internationale. On n'a pas fini de reparler de l'horlogerie Swiss Made sous pavillon chinois, mais est-ce pire que l'horlogerie suisse sous pavillon sud-africain (Richemont), français (LVMH, Kering), américain (Ebel), japonais (La Joux-Perret), ouzbèque (Jacob & Co), séoudien (RJ-Romain Jerome) ou autre (pas toujours avoué, ni avouable) ? 
D'AUTRES SÉQUENCES RÉCENTESDE L'ACTUALITÉ DES MONTRES ET DES MARQUES...