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CHANEL BOY-FRIEND : Une confusion des genres très minutieusement calibrée pour ménager le chic, la chèvre et le chou...

Et si Chanel avait (enfin) réussi à nous proposer une montre masculine digne de ce nom ? À cette seule tragique pensée, les créateurs de la nouvelle Boy-Friend frémissent d’horreur : ils jurent qu’ils n’ont songé qu’à la montre qu’une femme Chanel aimerait piquer à un homme. Faut-il les croire ? ▶▶▶ BOY-FRIEND de CHANELBleue ou rose, la layette


Et si Chanel avait (enfin) réussi à nous proposer une montre masculine digne de ce nom ? À cette seule tragique pensée, les créateurs de la nouvelle Boy-Friend frémissent d’horreur : ils jurent qu’ils n’ont songé qu’à la montre qu’une femme Chanel aimerait piquer à un homme. Faut-il les croire ?

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▶ BOY-FRIEND de CHANEL
Bleue ou rose, la layette
tricotée pour cette nouvelle icône –
qui pose pour se donner un genre à part ?...
 
◉◉ BALAYONS LES INTUITIONS VULGAIRES ! Si cette nouvelle montre Chanel – qu’on classera par analogie géométrique dans la ligne de la Première – s’appelle Boy-Friend, ce n’est certainement pas en souvenir de Boy Capel, un des premiers amants de Gabrielle Chanel, à une époque où elle n’était pas encore Mlle Chanel. Cela aurait été beaucoup trop simple et trop évident. Rappelons au passage qu'un des plus célèbres sacs à main de la maison porte déjà le nom de Boy. Le nom est décidément dans le patrimoine Chanel. « Boy-Friend », avec un tiret pour l’écrire à la française, c’est tout simplement le boyfriend au sens anglais du terme, parce que l’idée de la montre était de proposer aux femmes une montre comme celles qu’elles rêvent de piquer à leurs hommes – il paraît que cette tentation est forte, que l’homme soit leur mari, leur petit ami ou leur papa. Pour Chanel, il s’agissait donc de créer une vraie montre de femme, sans créer une nouvelle collection, mais simplement en saturant une Première de codes masculins supposés la rendre irrésistible. 
 
◉◉ C'EST L'EXPLICATION (PLAUSIBLE) de ce boîtier de forme, un rectangle vertical à pans coupés, dont la légende datée de 1987 veut que ce soit une sorte de représentation allégorique de la place Vendôme. Le storytelling est joli. Sur ce rectangle, qu’on retrouve dans l’univers horloger masculin depuis au moins les années 1910, les créateurs de la Boy-Friend n’ont pas usé de la moindre de ces fioritures que les machos de la montre réservent généralement aux dames. Ils n’ont pas non plus abusé de ces allègements de matière qui plaisent tant aux directeurs financiers : le lingot d’or de la Boy-Friend est franc, massif et loyal. Il pèse son poids de métal précieux, comme une vraie montre d’homme : on imagine que ce poids est un des marqueurs de sa virilité, tout comme la taille – non négligeable – de la montre, le cuir (sombre et reptilien, sans piqûres contrastées) de son bracelet ou sa boucle ardillon, superbement dessinée.
 
◉◉ L'AUTRE GRAND MARQUEUR MASCULIN serait le cadran, subtilement sobre dans son dépouillement [deux aiguilles et une petite seconde, sinon rien, pas le moindre chiffre, ni le moindre index], mais très élaboré dans la quadrature du cercle qui s’y dessine en creux ou dans l’évidement du compteur de la petite seconde, qui ne semble battre au cœur du cadran que pour indiquer que la montre fonctionne – avec son mouvement à quartz (petite taille) ou son mouvement mécanique à remontage manuel (grande taille), qui témoigne lui aussi d’une autre coquetterie dans l’infusion de codes virils sous pavillon Chanel. Infusion qui parfume jusqu’aux modèles sertis (avec délicatesse), qu’on imagine sans la moindre ambigüité à un poignet masculin.
 
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◉◉ MON TOUT EST UNE INTÉRESSANTE LEÇON DE BEAU DESIGN HORLOGER – dans les proportions, les lignes, les courbes, les volumes : tout tombe juste ! Et, surtout, une remarquable leçon de marketing. Leçon qui illustre a minima la nouvelle modestie qui sied aux marques, surtout aux plus grandes. Quand on s’appelle Chanel, on n’a rien à prouver à personne pour tout ce qui concerne les femmes. C’est plus problématique pour les hommes : Chanel poursuit en vain, depuis une quinzaine d’années, le rêve d’une vraie montre d’homme. Rêve qui tient du fantasme tellement il circule peu de testostérone dans l’ADN de la marque, qui aura mis douze ans à comprendre que, pour être un tant soit peu virile, une J12 « masculine » devait être plutôt dépolie, titanisée et caoutchoutée ; les trois années suivantes se passant à se demander pourquoi ces trois ingrédients ne suffisaient quand même pas à XYquiser une montre – dont nous rappellerons perversement qu’elle était, à l’origine, une montre d’homme !
 
◉◉ PAS QUESTION POUR CHANEL de replonger dans les affres de ce désolant wishfull thinking, qui consistait à faire de la retape sur le trottoir – lanterne rouge, parfums capiteux et french cancan pour la lingerie – face à des mâles qui ne veulent pas entrer dans le bastringue ! C’est là que la leçon de marketing devient percutante. Au lieu de décréter, de façon surplombante et autoritaire, quel est le genre de la montre, autant pratiquer volontairement une confusion des genres qui permettra au marché d’arbitrer. Sans risque invasif pour la marque, qui s'offre ainsi le beau rôle. Sans forcer la main des hommes et des femmes qui y croiront de bon coeur et qui opteront en leur âme et conscience...
 
◉◉ C'EST PEUT-ÊTRE UNE CHANEL FÉMININE, mais pas que. Ce n’est pas vraiment une Chanel masculine, mais on ne sait jamais. C’est peut-être une Chanel androgyne, qui témoigne de la porosité des identités horlogères et de la relativité des traditionnels classements grammaticaux. C’est, en tout cas, une Chanel très aboutie, qui sera ce que les uns ou les unes en feront. Un boîtier en acier sablé, un cadran bleu Pacifique, une phases de lune et un bracelet Nato à rayures club [toutes options qui n’existent pas] en feront la plus élégante des sportives chic pour les poignets masculins. Alors qu’un boîtier en platine, un cadran émaillé, une lunette en saphirs baguette et une couronne cabochon [autres options qui n’existent pas] en feront le must d’un néo-glamour ultra-parisien et post-tropézien.
 
◉◉ LAISSER UNE MONTRE SE DÉFENDRE ELLE-MÊME : quelle belle idée ! La laisser s’exprimer sans tapage promotionnel, lui donner le temps d’arriver à maturité, sans brutalité, compter sur sa force intérieure – qui est indéniable – pour trouver sa voie vers les meilleurs poignets, qui seront ses meilleurs relais de relations publiques, c’est du marketing très malin pour miser sur une icône potentielle et, surtout, pour l’installer durablement dans la vraie vie – celle des client(e)s qui achètent leur montre sans se la faire offrir pour gambader sur les tapis rouges. C’est même une idée neuve dans le champ horloger : éviter de massacrer prématurément son offre par des discours préformatés que les médias perroquets répètent en boucle jusqu’à nausée. Dans le monde en mutation irréversible où nous entrons, la puissance d’un plan médias, c’est précisément l’absence de plan médias ! Absence apparente, bien sûr, parce qu’il faut toujours soupçonner quelques ficelles marketing derrière autant d’habileté… 
 
◉◉ CHANEL – marque ultra-féminine s’il en est – a réussi l’exploit de « dé-genrer » (neutraliser tout genre préconçu) cette Boy-Friend, dont le nom même, dans l'acception de sa fausse ambivalence, semble avoir été travaillé pour accompagner une inversion possible de polarité. Possible ou probable, cette inversion ? L’histoire immédiate le dira, mais c’est sans doute la première fois que des messieurs rêveront de se faire offrir une Chanel par ces dames. Probable ou souhaitable ? D’un strict point de vue d’amateur égoïste, c’est plus que désirable. Il serait surprenant que la direction de l’horlogerie Chanel n’en ait pas eu la moindre tentation. Les réseaux sociaux seront le nouveau juge de paix pour la couleur, bleue ou rose, de la layette de cette Boy-Friend…
 
◉◉ UN DERNIER COUP DE GRIFFE après cette séquence patte de velours : tout ce qu’on peut reprocher à cette Boy-Friend, c’est d’être née avec une cuillère d’argent, sinon d’or ou de platine, dans la bouche. 11 400 euros pour entamer la partie, 24 000 euros pour la terminer avec cette première offre, c’est un peu sévère ! Il est vrai que c’est désormais le prix de marché pour une montre en or qui ne lésine pas sur son grammage natif, mais, tout de même, ce n’est pas très câlin pour celles et ceux qui voudraient encore croire que les vraies belles montres ne leur sont pas interdites (ci-dessous : la campagne #Meetyourboyfriend, avec la délicieuse Eleonor Picciotto, The Eye of Jewelry , à laquelle nous devons les images de cette page, faute de photos officielles de la part de Chanel, qui ne lancera la montre qu'à la rentrée – bien malin qui peut dire si cette montre Boy-Friend est masculine, à notre poignet, ou féminine, à celui d'Eleonor)…
 
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