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BUSINESS MONTRES x WATCH AROUND (accès libre)
Cocorico ! Les (nouveaux) horlogers français ont un moral d’acier

Avec une grosse vingtaine de nouvelles marques lancées au cours de ces derniers mois, on peut parler de baby-boom horloger en France. Comment expliquer cette explosion démographique ? (reprise d'un article paru ces jours-ci dans le n° 28 de l'excellente gazette « Watch Around »)


Les jeunes créateurs horlogers ont le vent en poupe, tout spécialement en France, ancienne nation horlogère qui avait presque oublié sa splendeur passée. Une à deux nouvelles marques françaises par mois : du jamais vu depuis l’effondrement de cette industrie tricolore dans les années 1970. Ces montres sont parfois Swiss Made, mais le plus souvent « Made in France » – du moins administrativement…

Si les exportations de montres suisses vers la France sont en baisse (821 millions d’euros, -0,4 %, neuvième importateur de montres suisses), les exportations de montres françaises hors de l’hexagone ont augmenté de 2 % (2,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, soit une multiplication par trois depuis dix ans) ! Plus amusant : la Suisse reste le premier marché d’exportation des montres françaises (328 millions d’euros) ! Dans le monde, la France est le cinquième pays exportateur de montres (5 % des exportations mondiales, en hausse de 1 %), devant l’Allemagne et Singapour.

En France, les ventes de montres sont en hausse de 4 % (1,8 milliard d’euros en 2017). Fait intéressant : quel est le segment qui a le plus augmenté ? Celui des montres vendues entre 300 et 1 000 euros (+16 %). C’est précisément le segment choisi par les nouveaux créateurs horlogers, qui défendent leurs couleurs sur les réseaux de sociofinancement (le plus souvent Kickstarter), par souscription directe (Reservoir a levé plus de 2 millions d’euros) ou sur les médias sociaux (généralement avec un modèle simplifié de e-distribution). Pour des néo-marques françaises, parmi les succès de sociofinancement les plus récents, on peut citer ZRC (515 000 euros), Akrone (250 000 euros), Depancel (245 000 euros de souscriptions), Laventure (200 000 euros) ou William L. 1985 (135 000 euros). Ces nouvelles pousses françaises avaient déjà surperformé sur Kickstarter avec les premiers succès de Klokers (1,1 million d’euros en deux campagnes) ou de Baltic (514 000 euros).

Toutes les nouvelles marques ne passent pas par la case Kickstarter. Briston a bâti son développement à la force du poignet de son créateur, Brice Jaunet, passé par les grandes marques suisses. Le groupe comtois SMB relance Lip sur la seule foi de son aura passée. Les créateurs de Charlie Watch sont deux copains d’école de commerce qui croyaient à leur idée de start-up. March LA.B a longtemps tâtonné avant de devenir la montre préférée d’Emmanuel Macron. Sartory Billard a misé sur l’impact de son design, quand Triton remuait la nostalgie d’un temps où les montres de plongée française valaient plus cher que les « plongeuses » suisses…

Quelles raisons peuvent expliquer cette vigueur démographique de la jeune génération horlogère française ?

• Les règles contraignantes du nouveau Swiss Made ont contraint beaucoup de jeunes créateurs à repenser leur offre sans la « béquille » suisse, et donc à revaloriser leur référent français, avec un effet de surenchère dans le « plus français que moi, tu meurs » [passons pudiquement sur les mouvements asiatiques]

• Les marques traditionnelles françaises marquent le pas (Péquignet, Saint-Honoré, etc.), ce qui encourage les initiatives non conformistes de nouveaux opérateurs, généralement plus portés sur l’environnement de leur offre (la personnalisation) plutôt que sur le produit ou la mécanique…

• La numérisation de l’économie a ubérisé l’industrie horlogère, en abaissant à la fois les coûts d’accès au marché et en libérant les capacités de distribution en ligne, tout en facilitant (apparemment) la communication sur les réseaux sociaux – ceci pour ne rien dire du test générationnel que constituent les sites de sociofinancement…

• Cette nouvelle offre française est d’autant plus substantielle qu’elle couvre maintenant un large spectre, de la très haute horlogerie à la Emmanuel Bouchet à l’entrée de gamme sous les 100 euros (le mainstream danielwellingtonisé à la Cluse), en passant la haute horlogerie conceptuelle (Phenomen), le bizarre créatif (Fob Paris) ou le milieu de gamme restylé (Reservoir). Sans oublier le recyclage, comme la prochaine relance du légendaire design d’Ikepod sous pavillon français…

• Cette libération de l’entrepreneuriat horloger se remarque au foisonnement des marques féminines, lancées et dessinées par des femmes pour des femmes (Sila, Les Partisanes, Mach Watch, etc.). Les machos de l’industrie suisse en restent pantois !

C’est bon signe : il semblerait désormais que le bouillonnement créatif français finisse par donner des ailes à une nouvelle génération de jeunes créateurs suisses, jusqu’ici un peu paralysés à l’ombre des grands chênes tutélaires de l’horlogerie historique

••• TEXTE ORIGINAL : Watch Around n° 28 (édition française sur abonnement)



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