THERMOMONTRES MARS 2020 (accès libre)
Dix prises de température pour mieux évaluer la santé de l’horlogerie
Dans l’esprit de notre traditionnel et toujours exclusif Baromontres mensuel, une évaluation clinique – à prendre comme une sotie chronapocalyptique – de l’actualité horlogère au cours du mois du mois qui vient de s’achever. Ces mesures prédictives permettent d’évaluer plus précisément le fameux « pic » qui anticipera la sortie du confinement : les mesures sont effectuées en degrés Celsius (°C) et non en degrés Fahrenheit (°F) ou en degrés Réaumur (°r, cher aux horlogers du XVIIIe siècle), avec, selon les cas, des prises de température auriculaires ou axillaires, buccales, frontales ou rectales)…
❑❑❑ ZÉRO ABSOLU (-273,15 °C)
Contrairement aux traditions bien établies du printemps horloger, ce mois de mars n’a pas réchauffé l’actualité des montres, qui connaissait généralement un pic de chaleur dans la dernière quinzaine du mois, aux alentours de Bâle et de Genève. La baisse absolue de toute activité pendant une aussi longue période est un exemple sans précédent dans l’histoire des montres : même pendant les grandes guerres mondiales du XXe siècle, la production avait été maintenue…
❑❑❑ LOIN SOUS LE ZÉRO
La glaciation de l’horlogerie en mars s’est accompagnée d’une surprenante sécheresse du cœur de la part des horlogers, très peu d’initiatives solidaires, généreuses, charitables ou compatissantes venant réchauffer l’actualité. On aurait pourtant pu imaginer une mobilisation industrielle au service de la production d’équipements médicaux indispensables à la lutte contre la pandémie, mais rien n’est venu, ou si peu (Business Montres du 31 mars)…
❑❑❑ FUSION DE L’EAU (0 °C)
Le degré zéro du chiffre d’affaires mensuel est une mésaventure peu commune pour une marque horlogère, mais c’est tout de même arrivé ce mois-ci (mars) à différentes marques dont nous éviterons de donner les noms. Feront-elles mieux en avril ? On a des doutes – ce ne sera ni à Pâques, ni à la Trinité, et peut-être même plus jamais : il n’y a qu’une porte de sortie pour le service des soins palliatifs…
❑❑❑ 37,2 °C (LE MATIN)
Ça va chez vous ? Tout baigne dans l’huile avec ce confinement ? Chacun s’installe à présent dans la routine d’une réclusion dont on estime qu’elle durera jusqu’à la fin mai, avec un très lent retour très progressif à la normale. Dans le roman éponyme de Philippe Djian, repris par le film de Jean-Jacques Beineix (1986), 37,2 °C le matin, c’est la température « normale » d’une femme enceinte au réveil. Quelle horlogerie retombée en enfance verra-t-on revivre après l’accouchement ?
❑❑❑ CORONATTAQUE POSSIBLE (+38,1 °C)
C’est le seuil de température qui peut déclencher une alerte à la contamination : il est depuis longtemps par une horlogerie frappée de plein fouet, dès le début de la pandémie, et depuis totalement effondrée dans ce qu’on a pu baptiser, sans emphase, chronapocalypse – l’apocalypse – au sens de révélation du terme – pour les industries du temps, plus sévèrement menacée dans leur existence même que les autres industries du luxe. Cette fièvre n’est pas retombée depuis. Elle se serait même plutôt aggravée…
❑❑❑ HYPERTHERMIE RECORD (42,7 °C)
C’est l’alerte rouge vif, écarlate, le droit à une ambulance toutes sirènes hurlantes et toutes lumières clignotantes, avec une admission prioritaire au service des urgences et avec la plus haute température jamais enregistrée sur un corps humain : l’horlogerie y est aujourd’hui soumise, avec un pronostic vital engagé d’ici au début de l’été et des dégâts physiologiques considérables d’ici à la fin de l’année. Et des ravages collatéraux en termes d’emplois sacrifiés sur l’autel de la sinodépendance et de la « course au pognon », trop longtemps Pour de nombreuses marques, il est déjà trop tard : l’amputation sera nécessaire. Pour d’autres, l’euthanasie s’imposera. Pour les survivants, la rééducation sera longue et douloureuse…
❑❑❑ VAPORISATION DE L’EAU (99,98 °C)
Le plus célèbre porteur de Swatch du moment porte une blouse blanche. Ce code breaker a mis l’actualité sanitaire en était d’ébullition avec sa chloroquine que tout le monde sait plus ou moins efficace contre le coronavirus – sauf qu’il n’a pas demandé la permission de guérir aux mandarins parisiens qui le haïssent. Il faudrait maintenant se demander pourquoi le professeur Didier Raoult porte une Swatch : ne serait-ce pas parce que, par les temps viraux que nous vivons, il devient épidémiologiquement dangereux de porter une montre qui ne soit pas facilement aseptisable ?
❑❑❑ POINT DE FUSION DE L’OR (1064 °C)
C’est une rumeur qui enfle dans les milieux horlogers : après avoir mis leurs équipes au chômage partiel [y compris les cadres supérieurs, réduits à la portion congrue par le plafonnement réglementaire des indemnités mensuelles], les dirigeants horlogers feraient un geste que nous évoquions hier (Business Montres du 31 mars). On ne doit pas exclure une sorte de spectaculaire seppuku financier qui verrait les CEO renoncer – au moins médiatiquement – à leur rémunération de mars, voire d’avril, par solidarité avec leur personnel réduit à la portion congrue…
❑❑❑ FUSION DU TITANE (1668 °C)
Il est absolument inaltérable, inoxydable et infatigable dès qu’il s’agit de ne rien dire pour ne rien faire, même s’il doit passer par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel avant de parvenir à ce haut degré de liquéfaction : vous l’avez reconnu, c’est bien de notre ami Jean-Daniel Pasche, l’indéboulonnable président de la FH suisse, que nous parlons
❑❑❑ À LA SURFACE DU SOLEIL (5526 °C)
Un seul être vivant peut survivre à cette altitude thermique, tout simplement parce qu’il est lui-même un soleil flamboyant capable de réchauffer la planète de ses rayons bienfaisants : nous parlons de l’infaillible conducator horloger Nick Hayek (prise de température ni auriculaire, ni axillaire, ni frontale, ni buccale), qui a ordonné à son personnel de rester à son poste et qui a choisi de continuer à faire tourner ses usines en pleine pandémie…
