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DROIT DE RÉ>PONS #5 (accès libre) : « Coup de chance, les bureaucrates du Parti communiste chinois ne portent pas de sac à main » (c'est la fin de la rente chinoise)...

Pour les montres suisses, c'est la fin de la rente chinoise. L'Empire du milieu n'est plus l'eldorado horloger de la fin des années 2000. Les bureaucrates du Parti rendent leurs « montres de corruption ». Et maintenant, on redescend sur terre ?  ▶▶▶ RENTRÉE DANS L'ATMOSPHÈRELa fin de la rente chinoise sonne le glas définitif de la « bulle horlogère »...  


Pour les montres suisses, c'est la fin de la rente chinoise. L'Empire du milieu n'est plus l'eldorado horloger de la fin des années 2000. Les bureaucrates du Parti rendent leurs « montres de corruption ». Et maintenant, on redescend sur terre ?

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 RENTRÉE DANS L'ATMOSPHÈRE
La fin de la rente chinoise sonne
le glas définitif de la « bulle horlogère »...
 
 
◉◉◉◉ HEUREUSEMENT POUR LES INDUSTRIES EUROPÉENNES de la mode et du luxe, les bureaucrates du Parti communiste chinois ne portent pas de sac à main, ni d'escarpins griffés ! Imaginez un peu le désastre si le Politburo, qui a déjà ostracisé les montres suisses, les voitures allemandes et les alcools coûteux, en venait à condamner les itbags des maroquiniers de luxe et les stilettos plus coûteux que des grands crus classés : de quoi pousser au suicide les actionnaires du groupe LVMH... Malheureusement pour ces mêmes conglomérats européens du luxe, le couperet est tombé sur les montres de prestige, sur les berlines germaniques et sur les cognacs millésimés. Dans un pays qui exécute encore près de 4 000 condamnés à mort par an, mais qui compte déjà 600 millions d'internautes, les (in)dignitaires du Parti communiste ne peuvent plus prendre le risque de se montrer avec une montre de luxe sans se faire lapider numériquement, sinon pire : du coup, ils rapportent aux autorités locales du Parti les « cadeaux de corruption », en particulier leurs montres suisses (c'était une révélation Business Montres du 7 mai dernier)...
 
◉◉◉◉ SALE TEMPS POUR LES MONTRES SUISSES, chacun l'aura compris. C'est ce qui explique le spectaculaire effondrement des ventes de montres en Chine [ne croyez pas ceux qui vont prétendre le contraire !] : ce coup de frein commercial pour les montres de luxe n'est même plus compensé par les achats des touristes chinois à l'étranger [à quoi bon acheter des montres, qu'on ne pourra pas porter et dont personne ne voudra comme cadeau ?], sachant que ces touristes préfèrent désormais acheter hors taxes des montres de mode et des montres usuelles d'entrée de gamme. Pire : cette ostracisation politique – au nom de la lutte anti-corruption, mais dans une optique de retour à l'austérité prolétarienne – s'annonce d'autant plus durable qu'elle est à présent structurelle et constitutive de la nouvelle ligne du Parti communiste, qui cherche dans le néo-nationalisme économique (mais aussi militaire et géopolitique) un exutoire aux tensions sociales intérieures.  
 
◉◉◉◉ C'EST DONC LA FIN DE CETTE RENTE CHINOISE qui avait transformé le paysage urbain des métropoles chinoises en y faisant éclore des centaines de boutiques horlogères et qui avait dopé les ventes du Swatch Group (grâce à Omega, puis à Longines et Tissot) ou du groupe Richemont (avec Cartier, Piaget et Vacheron Constantin). On sait aujourd'hui que, loin d'être motivée par une vraie passion pour les montres, cette « bulle horlogère » découlait surtout d'une fantastique disponibilité de liquidités issues d'une globalisation asymétrique et d'une politique monétaire chinoise hyper-laxiste. Les revenus de l'« usine du monde » ont été recyclés en produits de luxe – en particulier, en montres, dans la tradition des objets de première nécessité définis en son temps par Mao Zedong. Ces revenus ont généré de non moins fantastiques profits pour l'horlogerie suisse. Ce phénomène de rente est archi-classique en économie. Ça fait toujours des dégâts le jour où ça s'arrête et la correction est toujours plus longue que l'euphorie de la rente. Problème : aujourd'hui, l'Occident est tenté par une nouvelles relocalisation et Apple – qui rêve de produire en Suisse ses smartwatches – envisage de rapatrier en Californie la fabrication de ses différents produits fabriqués en Chine. Comme disait Fernand Raynaud, la Chine, « ç'a eu payé, mais ça ne paye plus »...
 
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◉◉◉◉ QU'EST-CE QU'ON VA POUVOIR FAIRE SANS LES CHINOIS ? Bonne question, mais la réponse est simple : on va faire des montres, des belles montres, comme avant, des montres intelligentes et créatives, à des prix convenables et avec des marges décentes. C'est vrai, ce n'est pas évident pour tout le monde et certains ne vont pas y arriver tellement ils ont pris l'habitude de faire des « montres pour les Chinois » – des petits boitiers à trois aiguilles, avec des petits diamants et des petits détails dont on se moque (des 8 et des re-8 partout), avec plein de métiers d'art empilés ! Heureusement qu'il nous reste les Russes, les Brésiliens (ceux d'Offenbach) et les marchés du Proche-Orient pour éponger les stocks de montres serties.
 
◉◉◉◉ NOUS, ICI, ON SERAIT BIEN CONTENTS qu'on nous propose des Sevenfriday, des Ice-Watch, des Briston et des Marvin, des Bomberg pour rigoler, des Fossil et des Armani Swiss Made, des Bell & Ross, des Tudor et des Jeanrichard dans les grandes occasions, voire des Rolex, des MB&F ou des Laurent Ferrier en cas d'héritage inopiné, et même des smartwatches si elles sont vraiment intelligentes. On voudrait des montres qui nous racontent des histoires qui soient nos histoires – et non celles des mandarins pékinois du XIXe siècle. Des montres qui ne soient pas tarifées pour des narco-trafiquants ou des pétro-dictateurs. Des montres de soldats, d'aventuriers, de saints, de pionniers, de flics ou de voyous, de femmes fatales ou d'ingénues libertines. Des montres de héros – le héros, cet archétype fondamental des cultures européennes depuis L'Iliade et L'Odyssée. C'est le succès des montres vintage : on veut les bonnes marques et le grand style, mais sans l'extorsion de fonds que constitue le prix actuel des montres suisses. On veut des montres qui nous amusent et qui nous parlent, à nous. Des montres à offrir à nos fils et à nos filles quand ils réussissent leurs examens ou quand ils se marient [sans louer le château de Versailles] ou quand ils ont des enfants : quelle petite Française – dont la mère portait une Cartier, une Rolex ou une Poiray – pourrait aujourd'hui s'offrir la même montre que celle de sa mère au même âge ?
 
◉◉◉◉ CETTE FIN DE LA RENTE CHINOISE, c'est aussi la fin des illusions d'une globalisation économique derrière laquelle l'horlogerie suisse n'a cessé de courir depuis une quinzaine d'années, en proposant à la classe prédatrice qui en profitait le plus ses coûteux fétiches de poignet. Le rejet éthique de cette élite dépravée, qui n'a cessé d'associer les montres suisses aux sulfureux scandales de son ascension économique, ne doit pas entraîner le rejet du bébé horloger avec l'eau du bain mondialisé. Cette horlogerie sur orbite planétaire, à des altitudes extravagantes, n'est plus celle de nos traditions, ni celle de notre héritage et de notre patrimoine. C'est pourquoi il est devenu urgent de revenir sur terre, même si on sait que ce retour ne sera pas une partie de plaisir : ceux qui ont aimé le film Gravity et la rentrée dans l'atmosphère de Sandra Bullock comprendront ! Au cours de ces cinq derniers siècles, l'horlogerie suisse a vu pire et elle a tenu le coup. Tout ça pour vous dire que, même si ça ne va pas fort aujourd'hui, ça ira mieux demain – mais pas forcément pour tout le monde...
G.P.
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