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DROIT DE RÉ>PONS #6 (accès libre) : « Face à la smartwatch, les carabiniers suisses se planquent dans leur ligne Maginot »...

Plus personne ne doute que la rentrée 2014 sera une saison forte pour les fameuses smartwatches, ces montres intelligente ou connectées auxquelles personne ne semble croire en Suisse. Funeste erreur stratégique, qui rappelle les illusions de la France pendant la « drôle de guerre »...  ▶▶▶ CARPO-RÉVOLUTION« La vie trouve toujours un chemin, et le futur chemin des smartwatches doit passer par les vallées suisses »...  ◉◉◉◉ (retranscription non …


Plus personne ne doute que la rentrée 2014 sera une saison forte pour les fameuses smartwatches, ces montres intelligente ou connectées auxquelles personne ne semble croire en Suisse. Funeste erreur stratégique, qui rappelle les illusions de la France pendant la « drôle de guerre »...

 
 CARPO-RÉVOLUTION
« La vie trouve toujours un chemin,
et le futur chemin des smartwatches
doit passer par les vallées suisses »... 
 
◉◉◉ (retranscription non exhaustive) PERSONNE N'A DE DOUTES SUR LE FAIT que les grandes manoeuvres autour des montres connectées vont commencer à la rentrée 2014. Personne n’a de doutes sur notre entrée dans l’ère des objets connectés, qui vont relier tous les hommes entre eux et tous les hommes à tout leur environnement. Personne n’a de doute sur la volonté d’Apple de débarquer sur ce marché pour y jouer un rôle significatif. Personne n’a de doutes sur la guerre de la smartwatch qui va se jouer entre les géants de l’électronique. Personne n’a de doutes sur le fait que des dizaines de millions (on parle de 150 millions) d’objets de poignet vont déferler sur le marché.
 
◉◉ PERSONNE, SAUF les horlogers suisses, qui considèrent que ces péripéties périphériques ne les concernent pas. Tant mieux pour les Suisses et félicitations pour leur impavide sérénité, du haut de leur imprenable réduit alpin...
 
swatch◉◉ QUOI QU'IL EN SOIT, c’est sans doute le dernier été de tranquillité pour les montres traditionnelles, même si on peut considérer que nous vivons plutôt, depuis 18 mois, une nouvelle « drôle de guerre », comme entre 1939 et 1940, quand l’armée française bien retranchée derrière la ligne Maginot attendait en confiance l’offensive allemand. Profitons donc des beaux jours pour réfléchir un peu plus loin que le nez de Nick Hayek, qui a toujours pris à la rigolade une éventuelle offensive des montres connectées, mais qui en est maintenant à déclarer qu’il y croit, mais qu’il ne veut pas être le premier à se lancer sur ce marché. Autant dire qu’il a déjà perdu la première manche et qu’il arrivera, comme les carabiniers, après la bataille. Que savons-nous exactement de la révolution qui se prépare ? Business Montres en a beaucoup parlé, en prenant le risque de sonner le tocsin, alors que tout le monde s’en tenait aux déclarations lénifiantes des autorités de la branche, mais mieux vaut y revenir.
 
 Ce n’est pas une guerre des montres connectées comme les montres traditionnelles : c’est une « guerre du poignet », qui vise à l’occupation topographique d’un territoire précis par une nouvelle génération d’objets connectés. Personne n’en veut aux montres suisses, qui peuvent aller se faire voir ailleurs qu’au poignet…
 
 Cette « guerre du poignet » est d’autant plus stratégique que c’est au poignet qu’on peut capter les informations biométriques qui permettront aux nouvelles montres connectées de s’imposer : la guerre du poignet se gagnera, dans un premier temps, sur des fonctions de santé (monitoring des données biologiques)…
 
 Le marché de la carpo-connexion (connexion de poignet) a déjà entamé sa propre mutation avec l’émergence de bracelets connectés, qui ne se considèrent pas comme des montres, même s’ils ont des fonctions horaires, et qui sont de simples traceurs d’activité.
 
 L’être humain n’a que deux poignets. Il est douteux que les hommes accepteront deux objets (montre et smartwatch) à un seul poignet et il est douteux qu’ils porteront une montre à un poignet et un bracelet connecté à l’autre. Les femmes y sont davantage habituées – seront-elles l’avenir de la montre suisse ?
 
 Les montres connectées ne sont pas, comme on le croit en Suisse, de simples relais téléphoniques. Elles sont et elles seront des « tours de contrôle » nomades de notre connexion au monde : les fonctions téléphoniques ou horlogères ne représentent que quelques centièmes de l’ensemble des applications possibles, en plus de toutes les fonctionnalités biométriques. 99 % de futures applications des smartwatches restent à inventer…
 
 La question de l’autonomie (la nécessité de recharger souvent la smartwatch) est de pure forme : chacun est habitué à recharger son téléphone portable, parfois plusieurs fois par jour, pourquoi pas sa smartwatch ? D’autant qu’une immense variété de nouvelles technologies débarquent pour stocker l’énergie ou recharger la montre…
 
 La clé de toute stratégie gagnante est dans l’esthétique et dans la conformité aux codes suisses. Les montres connectées ne seront pas, si elles veulent s’imposer, de simples gadgets électroniques, comme aujourd’hui. Elles devront ressembler à des vraies montres – et même à des montres suisses, qui ont posé le standard culturel de ce à quoi doit ressembler une montre.
 
url-2 On en déduira que les Suisses étaient les mieux placés pour s’imposer sur ce marché, mais leur arrogance les a condamnés : Nick Hayek a viré de son bureau les représentants d’Apple qui voulaient monter un partenariat avec Swatch ! Il faut dire qu'il a plusieurs trébuché sur cette voie de la smartwatch, où il a été un pionnier trop en avance sur le marché (ci-contre : son éphémère – mais très malin – partenariat avec Bill Gates). Les autres patrons de l’industrie horlogère ont trop méprisé les approches des géants de l’électronique pour être aujourd’hui crédibles…
 
 L’ère du quartz et de la montre électronique est révolu, disent les sceptiques ! Ce sont les horlogers mécaniciens qui le proclament, mais le retour du quartz est déjà là. Les trois-quarts des montres Swiss Made sont électroniques. Le tabou du quartz est enfreint par quelques pionniers de la haute mécanique. Cette objection ne tient plus, et d’autant moins que l’industrie horlogère est arrivée au bout du modèle mécanique et de l’intégrisme de mouvements manufacture qui ont plombé, parfois mortellement, quelques marques en les obligeant à se dépositionner…
 
 N’en doutons pas , même dans les manufactures qui prétendent le contraire, il y a de la smartwatch dans l’air. Un indice : TAG Heuer avait déjà travaillé sur une telle montre connectée pendant l’America’s Cup (ci-dessous). Je veux bien parier que Jean-Claude Biver, qui a sérieusement évolué à ce sujet, fera tout pour que TAG Heuer sorte la première vraie smartwatch horlogère suisse…
 
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 Samsung n’a pas encore bien compris à quels codes devait se référer une smartwatch : depuis les Japonais des années 1960 aux Coréens et aux Chinois d’aujourd’hui, le réflexe asiatique a toujours été de miser sur l’innovation technologique. Rappelons que le seul budget R&D de Samsung équivaut au chiffre d’affaires de toute l’industrie horlogère suisse ! Manque de chance : la carpo-révolution (révolution du poignet connecté) est moins une révolution technologique qu’une mutation sociétale…
 
 Tant mieux pour Apple, qui est une marque par essence sociétale et dont la « mission » historique est de changer la vie par de nouvelles générations d’objets. Apple n’invente pas de nouvelles idées technologiques, Apple les comprend, les retraduit et les mixe pour les rendre désirables et indispensables dans notre vie quotidienne. Apple n’a pas inventé l’ordinateur personnel, la tablette, le téléphone : la marque à la pomme en a fait des standards vitaux pour notre temps. Il en sera de même pour la montre connectée. 
 
 Au lieu de se contenter d’une iWatch, il est probable que Apple – qui a mieux compris le luxe en s’offrant des compétences dans ce domaine – nous prépare une collection de montres connectées, une pyramide d’objets du plus basique au plus prestigieux, avec différents grades de connexion. Il est même possible que Apple décide, pour se donner la légitimité horlogère qui lui manque, de créer des montres purement horlogères, du moins en apparence, et pourquoi pas des montres Swiss Made : quand on est une des marques les plus fortes du monde, quelque part entre Rolex, Swatch et Coca-Cola, c’est une tentation à laquelle il est difficile de résister. Personnellement, ça m’étonnerait qu’Apple y résiste et ne porte pas la guerre sur le terrain des vraies montres – smart ou pas smart – plus que sur le terrain des gadgets pour geeks où Samsung excelle… 
 
 La montre suisse est-elle condamnée ? Non, évidemment : il y aura toujours des amateurs pour acheter des vraies montres pour ce qu’elles sont devenues, des objets statutaires, des fétiches patrimoniaux et des talking pieces (objets de vitrines) entre l’art contemporain et l’exhibitionnisme égocentré. Simplement, comme tous les humains sont condamnés à porter, demain, un objet de poignet connecté, ils porteront moins de montres classiques, ils en achèteront donc moins et ils les réserveront à des instants-plaisir et à des séquences-loisir (différents des moments fonctionnels). Le soir pour sortir, le week-end par hédonisme. La montre suisse traditionnelle survivra, mais en perdant une bonne moitié de ses volumes actuels avant dix ans (un pronostic Business Montres fait en septembre 2013, ce qui avait fait s'esclaffer certains de mes chers confrères : pas sûr qu'ils en rient encore aujourd’hui)…
 
 Il n’est donc pas trop tard pour s’accrocher à ce que la Suisse sait faire de mieux : des belles montres ! L’industrie a toutes les compétences et toutes les ressources pour imaginer (un peu plus de R&D, un peu moins de publicités, SVP), produire et assembler les composants nécessaires. Le seul handicap non réversible pour l’instant est celui du logiciel : on peut l’acheter ou miser sur le software en open source
 
 DANS LES ANNÉES TRENTE, la France a perdu l’envie de vaincre qui lui avait fait venir à bout de l’impérialisme allemand pendant la Première Guerre mondiale. Elle a coupé ses budgets d’équipements en matériels militaires et elle a traduit sa nouvelle mentalité anti-risques par l’édification d’un coûteuse ligne Maginot : face au nouveau danger allemand, la Ligne Maginot, c’était ceinture et bretelles ! La sclérose intellectuelle était ici aussi dramatique que le bétonnage stérile des frontières. La Wehrmacht est passé à côté de la Ligne Maginot : comme on dit dans Jurassic Park, la vie trouve toujours un chemin. Les smartwatches trouveront toujours un chemin vers le poignet, emplacement trop stratégique pour ne pas être le lieu d’offensives majeures. C’est à la Suisse horlogère de faire en sorte que le chemin des smartwatches passe par les watch valleys
 
Cartier-Savoirfaire6-BusinessMontres 
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