ENCHÈRES @2013 : L'Adieu aux larmes d'Aurel Bacs (Christie's)
Le 11 / 11 / 2013 à 20:32 Par Le sniper de Business Montres - 1373 mots
La montre est une passion génératrice d'émotions fortes. La preuve par les adieux d'Aurel Bacs, qui donnait aujourd'hui son dernier coup de marteau pour Christie's Genève : sans que son départ ait été officiellement annoncé, il a été spontanément et longuement ovationné, public debout, en arrachant au passage quelques larmes aux vieux lions de la savane horlogère...
▶▶▶ UNE DÉCENNIE TOTALEMENT MARTEAUAurel Bacs tire sa révérence sur un triomphe lacrymal...
La montre est une passion génératrice d'émotions fortes. La preuve par les adieux d'Aurel Bacs, qui donnait aujourd'hui son dernier coup de marteau pour Christie's Genève : sans que son départ ait été officiellement annoncé, il a été spontanément et longuement ovationné, public debout, en arrachant au passage quelques larmes aux vieux lions de la savane horlogère...
▶▶▶ UNE DÉCENNIE TOTALEMENT MARTEAUAurel Bacs tire sa révérence sur un triomphe lacrymal... ◉◉◉◉ Côté chiffres, un total : 12 millions + 28 millions : 40 millions. C'est le bilan des 406 lots du double catalogue Christie's de cet automne (50 lots Daytona – voir Business Montres du 10 novembre – et 356 lots du catalogue général). Montant qui relève sérieusement le prix moyen des montres vendues chez Christie's : on frôle cette fois les 100 000 CHF par lot (un peu plus de 98 500 CHF pour être précis, le double ou le triple des concurrents), avec une pluie de records du monde pour telle ou telle montre vendue aux enchères [par exemple, 1,9 million de CHF pour la Patek Philippe réf. 2499 du lot n° 152 : ci-dessus]. 92 % de ventes par lots (donc, très peu de montres ravalées) et 95 % de ventes en valeur pour la catalogue général. Il n'est pas évident, malgré ce qu'affirme Christie's, que ces 40 millions de francs suisses (43 millions de dollars) soient le plus beau résultat jamais atteint par une session d'enchères horlogères : en 2002, Antiquorum (époque Patrizzi) avait largement dépassé ce montant – même en tenant plus ou moins compte des parités monétaires à l'époque – avec 46 millions de francs suisses (devise plus forte à l'époque qu'aujourd'hui) pour la vente qui avait établi le record du monde pour une montre-bracelet aux enchères (6 millions de CHF pour une Patek Philippe Heures universelles en platine).
Dernière heure : après vérifications dans les archives, la vente Antiquorum d'avril 2002 n'avait officiellement produit que 38,2 millions de francs suisses. Ce qui valide le record revendiqué par Christie's et Aurel Bacs...
◉◉◉◉ Autant dire que, avec ou sans record global, c'est sur un triomphe économique qu'on vient de voir se conclure une décennie d'interventions horlogères pour Aurel Bacs. Le plus spectaculaire dans ce triomphe restera l'extravagante ambiance de la vente « Lesson One » consacrée au cinquantenaire de la Daytona : une séance inoubliable pour ceux qui ont eu le privilège d'y assister – même si les mauvaises langues ont vite rapproché les résultats abracadabrants de certaines adjudications de la récente sévérité des banquiers suisses pour l'argent non déclaré dans le pays d'origine et la nécessité impérieuse de « blanchir » des capitaux pas forcément propres ou des fonds d'origine inavouable [ci-dessous : la spectaculaire Rolex GMT SARU – saphirs-rubis – du lot n° 405]...
◉◉◉◉ Côté émotions fortes, il fallait également attendre la fin de la session du lundi, quand la salle – qui n'était pas supposé savoir qu'Aurel Bacs était partant, puisqu'on attend encore le communiqué officiel – s'est spontanément levée, dès le dernier coup de marteau, pour ovationner, debout, et applaudie pendant plusieurs minutes un Aurel Bacs vite gagné par une émotion contagieuse, puisque ses équipes avaient aussi les larmes aux yeux, tout comme les vieux crocodiles du marigot horloger : pour eux, ce n'étaient pas des larmes de crocodile, mais un vrai chagrin de quitter un vieil ami, après une décennie passée à construire, en commun, un vrai marché de la montre de collection. Décennie au cours de laquelle Christie's a pu se hisser au premier rang des auctioneers horlogers internationaux, en volant de succès en succès et de record en record. Décennie qui a vu la consolidation de collections majeures et l'émergence de collectionneurs venus du monde entier pour prendre part au festin. Décennie de folie qui valait bien une conclusion aussi lacrymalement inattendue chez des marchands au cuir pourtant tanné par des années de guérilla face aux collectionneurs : dans quel domaine applaudit-on à tout rompre, et en larmoyant sur son départ, un homme qui vient de vous délester de 40 millions de francs suisses – et de plusieurs centaines de millions de francs en dix ans ? ◉◉◉◉ Un seul être vous manque et tout est dépeuplé. Cela se vérifie également pour les enchères de montres de collection [ci-dessus : la Patek Philippe réf. 3448 du lot n° 151, adjugée 629 000 CHF]. C'est ça, le vrai charisme d'un « patron » des enchères horlogères ! Aurel Bacs va nous manquer, moins par son savoir-faire que par la dynamique qu'il imprimait au marché. Pour ce qui est du savoir-faire, il nous avait habitué à des catalogues ciselés au rasoir, à une sélection impitoyable des lots dispersés et à une mise en scène qui faisait de ses ventes un happening permanent [là où les concurrents filent un ennui mortel]. On va sans doute recommencer à s'ennuyer dans les dispersions horlogères. En fait, son absence risque de déstabiliser le marché, bien plus que le limogeage sauvage d'Osvaldo Patrizzi, « saqué » de sa présidence d'Antiquorum voici quelques années (révélation Business Montres du 10 août 2007) : nous y reviendrons après les ventes, dans notre analyse-bilan de cette saison... D'AUTRES SÉQUENCES RÉCENTESDE L'ACTUALITÉ DES MONTRES ET DES MARQUES...