GÜBELIN ± SWATCH GROUP : Les petits secrets du coup de poker de Nick Hayek
Annoncée par Business Montres avant l'été, l'éjection des principales marques du Swatch Group des vitrines de Gübelin (un des principaux réseaux suisses de distribution pour les montres de prestige) n'est pas un simple caprice commercial : c'est un épisode de la féroce bataille qui se joue pour la consolidation de la distribution horlogère internationale... ▶▶▶ « SWISS QUALITY SINCE 1854 »Comment mettre un partenaire à genoux avant de le dépecer …
Annoncée par Business Montres avant l'été, l'éjection des principales marques du Swatch Group des vitrines de Gübelin (un des principaux réseaux suisses de distribution pour les montres de prestige) n'est pas un simple caprice commercial : c'est un épisode de la féroce bataille qui se joue pour la consolidation de la distribution horlogère internationale...
▶▶▶ « SWISS QUALITY SINCE 1854 »Comment mettre un partenaire à genoux avant de le dépecer ?
◉◉◉◉ BIEN AVANT QUE LE TON NE MONTE VIOLEMMENT, au printemps 2014, entre la famille Gübelin (aux commandes de l'entreprise depuis 1854) et la direction du Swatch Group, il faut savoir que Nick Hayek avait fait une proposition de rachat de cette entreprise familiale, qui dispose d'emplacements commerciaux exceptionnels dans les principales places commerciales suisses et qui a récemment entrepris sa diversification en ouvrant des espaces joailliers en Asie (Hong Kong, Kuala Lumpur). Ce sont précisément ces deux « atouts » du groupe Gübelin (huit boutiques en Suisse – dont deux hyper-rentables à Lucerne, ci-dessous, et une expertise incontestée dans la haute joaillerie) qui faisaient saliver Nicke Hayek. Ses appels du pied ayant été repoussés sans grande diplomatie, on est ensuite passé aux choses sérieuses : tout à coup, il fallait quelques mètres de vitrine en plus pour Breguet et Blancpain, les deux marques de grand luxe du Swatch Group. Autant dire qu'on demandait à Gübelin d'éliminer ou de dégager Patek Philippe, Jaeger-LeCoultre, Parmigiani, Hublot, Zenith ou Roger Dubuis. Là encore, formulée sans ménagement diplomatique, la réponse négative de la famille Gübelin a poussé Nick Hayek à retirer sept de ses marques [sur neuf : il restera CK Watches et Glashütte Original dans les vitrines Gübelin – maigre consolation !] des boutiques du réseau. Autant dire que Gübelin a perdu, d'un coup, près de 30 % d'un chiffre d'affaires que les autres marques de luxe toujours distribuées ne compenseront pas de sitôt... 
◉◉◉◉ ON CONNAÎT LE CARACTÈRE ABRUPT ET VOLONTIERS TRANCHANT de Nick Hayek, qui n'a jamais brillé par l'onctuosité de sa conception des relations humaines. Il perd avec la distribution Gübelin un chiffre d'affaires relativement résiduel, puisque la plupart des marques dont il prive Gübelin sont bien distribuées – parfois même directement, dans de superbes boutiques monomarques – dans les villes concernées. En revanche, la manoeuvre est brillante pour affaiblir une maison Gübelin dont on sait que l'indépendance familiale est, à terme, menacée : faute de vision stratégique à long terme, la famille aux commandes n'a pas compris qu'un petit réseau national et indépendant n'avait plus, sur un marché globalisé, la masse critique suffisante pour affronter les grandes marques de montres et les grands groupes de luxe [Bucherer l'a compris en nouant une alliance privilégiée avec le groupe Richemont et en étendant son réseau suisse vers l'Allemagne, la France et l'Autriche, en attendant l'Asie]. Les actuelles performances managériales de l'équipe familiale Gübelin – qui a déjà perdu quelques marques et qui pourrait en perdre d'autres – ne rassurent en rien sur l'avenir du groupe Gübelin, qui devra à moyen terme, pour résister à la pression des groupes, s'appuyer sur une puissance financière capable d'épauler son développement international. Horizontalement en ouvrant des boutiques multimarques ailleurs en Europe ou dans le monde. Verticalement en ouvrant des boutiques de marques dédiées ou d'autres boutiques purement joaillières [un secteur où la concurrence va devenir insupportable du fait de l'engagement annoncé des grands groupes sur ce terrain]... ◉◉◉◉ LE COUP DE POKER DE NICK HAYEK CONSISTE DONC à rogner provisoirement les ailes de Gübelin [cette intransigeance commerciale vis-à-vis d'un partenaire de la taille de Gübelin devrait également faire réfléchir les autres détaillants multimarques indépendants] et à paralyser toute velléité d'investissement d'un éventuel partenaire financier : sans les marques-locomotives du Swatch Group, Gübelin aborde en état de faiblesse le bras de fer inévitable avec les autres marques des grands groupes. Demain, plus tard, bientôt, il sera toujours temps pour Nick Hayek de reformuler une proposition de rachat des actifs Gübelin, tant pour ce qui concerne les boutiques suisses [qui feraient d'excellentes vitrines pour le réseau Tourbillon, toujours mal en point en Europe] que pour la branche joaillière du groupe Gübelin [qui crédibiliserait le pôle joaillier encore un peu faiblard du Swatch Group]. Autant dire que les grandes manoeuvres ne font que commencer autour de Gübelin, qui n'a plus guère qu'une poignée d'interlocuteurs – notamment LVMH ou Kering, voire Tiffany & Co – pour assurer sa survie à moyen terme. ◉◉◉◉ IL FAUT DONC REMERCIER NICK HAYEK POUR LA LIMPIDE BRUTALITÉ de sa manoeuvre chez Gübelin : désormais, chacun aura bien compris que le Swatch Group a d'évidentes priorités stratégiques dans la consolidation d'une distribution horlogère qui se cherche encore un nouveau modèle économique. Priorités qui ne s'encombrent pas de scrupules dans l'usage – que certains jugeront abusif – d'une position géographiquement dominante : la pratique impérialiste est évidente – que les autres réseaux et que les partenaires indépendants du Swatch Group se le tiennent pour dit ! Le coup de force industriel ayant provisoirement échoué [l'affaire du robinet fermé pour les mouvements et les échappements], l'heure est au coup de force commercial pour regagner des points de marge que les performances fléchissantes des marques ne garantissent plus. Sur le front des grandes artères marchandes qui concentrent l'essentiel de la distribution des grandes marques, on ne se contente plus des grandes manoeuvres : la guerre est déclarée... 
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