QUARTIER LIBRE (accès libre)
« Il faudra bientôt recourir au carbone 14 pour dater l’horlogerie heureuse »
« Quartier libre », c’est l’expression éditoriale en toute liberté, au nom, précisément, de cette liberté d’expression qui semble trop souvent déserter ceux qui causent de montres. Alors que les cuistres et les pisse-vinaigre voudraient prendre le contrôle des commandes d’une l’horlogerie qui se prend au sérieux, « Business Montres » vous propose un rafraîchissement d’été avec Laurence Janin (Laur'loge).
❑❑❑❑ LAUR’LOGE
On espère tous retrouver un jour la journaliste et blogueuse Laurence Janin sur l'excellent blog Laur’loge / L’horlogerie au féminin qu'elle animait d'une plume magistrale...
Cache ta joie : l’horlogerie, c’est du sérieux ! Du sérieux dont on ne saurait tirer un sourire. Par les temps qui courent, une énième brassée de modèles au motif « vanités » entérine un constat sinistre : l’heure est au triste tropisme. Il faudra bientôt recourir au Carbone 14 pour dater l’horlogerie heureuse. Loin derrière nous l’époque réjouissante où Swatch dégainait à une cadence insensée un modèle plus facétieux que le précédent. Oublié le trublion mal-aimé de l’industrie, Michel Jordi, qui plaça la planète sous le signe du Clip puis de l’Ethno Watch au summum du kitsch.
Certes on peut arguer que ces échappées belles ne sont envisageables que sur le segment d’un produit qui relève plus de l’accessoire que de la montre. Pourtant, ose qui veut. En plein Swinging London, Cartier s’est distingué avec une montre au faciès de gueule cassée. De la Crash, le nom à lui seul fait froid dans le dos, elle fit un manifesto d’audace et d’autodérision. Rééditée à maintes reprises, elle est aujourd’hui LA montre des HPC (hauts potentiels créateurs), des affranchis en tous genres qui arborent à leur poignet leur joyeuse indocilité. Hélas, la leçon magistrale de Cartier n’a pas fait école. Ou à une échelle confidentielle. Hermès, qui a l’art de faire cavalier seul, a intégré dans sa communication millimétrée le quasi dogme de la joie. On apprend ainsi dans ses dossiers de presse que les objets Hermès sont des « agents provocateurs de bonne humeur », des montres destinées à « ouvrir des parenthèses, créer des espaces de fantaisie, de récréation ». Le succès est à la clé.
Enfin l’horloger russe Konstantin Chaykin, après un Joker détonant, mix de décorations traditionnelles et d’une phase de lune à la langue bien pendue, tente aujourd’hui de garder le cœur à la fête avec ses nouvelles pièces. Une façon de rappeler que l’humour est une opération mentale adaptative qui permet de prendre du recul, sur soi et la conjoncture. Et si la légèreté devenait l’adrénaline d’une horlogerie renouvelée ? Haha…