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JEUDI : Quand la Société suisse de chronométrie se penche sur les smartwatches, ça n'intéresse aucun média horloger...

Sur le front des futures montres connectées, tout va très bien, Madame la Marquise : moins de 10 % des dirigeants horlogers y croient et les autres font confiance à Nick Hayek, qui préfère acheter des diamants bleus pour recycler les phénoménaux profits du Swatch Group...  ▶▶▶ EN RÉSUMÉIndiscrétions, analyses, informations, enquêtes, rumeurs & murmures (développements ci-dessous)... 


Sur le front des futures montres connectées, tout va très bien, Madame la Marquise : moins de 10 % des dirigeants horlogers y croient et les autres font confiance à Nick Hayek, qui préfère acheter des diamants bleus pour recycler les phénoménaux profits du Swatch Group...

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EN RÉSUMÉ
Indiscrétions, analyses, informations,
enquêtes, rumeurs & murmures (développements ci-dessous)...
 
❏❏❏❏ CHAISES MUSICALES : dépassionné ? ❏❏❏❏ SMARTWATCH : devinette ? ❏❏❏❏ TOUR DE CONTRÔLE : pilotage universel ? ❏❏❏❏ CONNEXION : repolarisation ? ❏❏❏❏ COELACANTHE : impasse évolutive ? ❏❏❏❏ PHILIPPE DUFOUR : inquiet ? ❏❏❏❏ PROFITS : rageant tropisme ? ❏❏❏❏ BLEU : diamant ? ❏❏❏❏ BLING-BLING : faussaires ?
 
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 LES 7 X 7 DU JEUDI
Notés à la volée, en vrac, en bref et en toute liberté... 
 
◉◉ CHAISES MUSICALES : Didier Pradervand, ancien journaliste du Temps et de la RTS suisse, qui assurait depuis 2006 la rédaction en chef de Montres Passion (Suisse), reprend sa liberté et quitte le groupe Ringier, où il assurait des chroniques horlogères pour L'Hebdo. Pas encore de point d'atterrissage annoncé...
 
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◉◉ SMARTWATCH (1) : à quoi reconnaît-on un événement où se discute l'avenir de l'industrie horlogère ? Au fait qu'aucun journaliste horloger n'y assiste – à l'exception de Business Montres, un peu seul comme d'habitude quand il n'y a pas de publicités à marauder, ni de cadeaux presse à prévoir ! Plaisanterie mise à part, la Société suisse de chronométrie avait organisé, hier matin (mercredi 14), une matinée-petit déjeuner de débats autour des « montres connectées » – ces fameuses smartwatches auxquelles moins d'un dirigeant horloger sur dix accorde quelque avenir. Ce qui n'a pas empêché un certain nombre de responsables de la production ou du développement de ces mêmes entreprises horlogères – de Patek Philippe à ETA – de se presser dans la salle pour en parler. Les lecteurs fidèles à Business Montres n'y auront pas appris grand-chose, ne serait-ce que parce que nous sommes le seul média horloger à évoquer très régulièrement ce dossier : toutes les études et tous les rapports dont nous avons déjà parlé y étaient rappelés, mais une piqûre de rappel ne fait pas de mal. Quelles leçons tirer de cette matinée de remue-méninges, dont une partie a été consacrée aux avancées du CSEM suisse dans le domaine des logiciels de santé – sans qu'on nous explique pourquoi, à une ou deux exceptions mineures près, aucune marque suisse n'a encore pu émerger sur ce marché des montres de santé (cardio-fréquencemètres, traceurs d'activité, etc.), alors que les concurrents internationaux – Garmin, Suunto, Polar, etc. – y prolifèrent ?
 
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◉◉ SMARTWATCH (2) : d'abord, bien comprendre les enjeux de la future « bataille du poignet », concept Business Montres apparemment repris par les analystes présents. On passe d'une écosphère centrée autour du téléphone (smartphone) à un univers d'objets connectés centré autour de la personne – via sa smartwatch ou tout autre nouvel outil personnel de connexion à tout ce qui peut enrichir l'expérience et la vie personnelle du porteur. La bataille pour le poignet, c'est la bataille pour l'occupation territoriale de ce poignet [espace biologique idéal, pour des raisons ergonomiques comme pour des raisons biométriques] par des outils de pilotage universel capables de générer l'interactivité entre les outils de la connexion. Il s'agit bien de pilotage et non d'intégration de tous ces outils dans un « couteau suisse » qui ferait tout sans rien faire de bien : comme Business Montres l'a déjà écrit, la smartwatch n'est qu'un tour de contrôle de l'hyper-connexion globale. Elle ne remplace pas le téléphone : elle le complète en émulant et en pilotant – au doigt, à l'oeil, à la voix, au geste – d'autres outils, pour d'autres fonctions dont la plupart restent à inventer pour fluidifier notre expérience de vie et notre présence au monde. La future smartwatch est donc une organisatrice d'intelligence intégrée, à l'interface entre la personne et le réseau global des objets et des personnes. Voilà qui disqualifie les critiques portées contre ce faux téléphone primitif [qui veut parler à son poignet ?], la taille forcément ridicule de son écran ou son autonomie grotesque : prendre la smartwatch pour une extension téléphonique, c'est l'erreur d'analyse absolue – celle qui rappelle ceux qui pensaient que les montres à quartz étaient tout juste un vecteur d'hyper-précision par rapport aux montres mécaniques, donc un super-luxe à proposer aux amateurs de ces montres...
 
Dave Simonds cartoon on Google smartphone war◉◉ SMARTWATCH (3) : la querelle de chiffres autour du marché des smartwatches n'est pas mince. Samsung – plus menteur qu'un horloger suisse, ce qui relève de l'exploit ! – annonce 800 000 ventes de sa montre Galaxy Gear, les analystes parlant de 3 millions de smartwatches vendues en 2013. D'autres chiffres – issus de la profession et des revendeurs – divisent pratiquement ce montant. Il se pourrait donc que le marché soit beaucoup plus risqué qu'on le dit, et beaucoup inexistant que la rumeur médiatique ne le prétend. On se demande seulement pourquoi un seul opérateur comme Orange a posé 800 millions d'euros sur la table pour son budget innovation dans ce domaine ! Peu importe, puisque, de toute façon, le juge de paix sera la future iWatch d'Apple, qui ne se lancera sur ce marché qu'en le reformatant autour de ses propres codes et en le repolarisant autour d'une offre dont on peut devenir qu'elle sera à la fois rupturiste, refondatrice et profonde – il ne serait pas étonnant qu'il y ait une gamme pyramidale de smartwatches Apple. 
 
051113-7◉◉ SMARTWATCH (4) : à qui ces futures smartwatches risquent-elles de faire du mal si le marché se consolide ? D'abord, comme l'avait déjà noté Business Montres, la mutation a déjà commencé dans la niche environnementale des objets connectés de poignet : on voit évoluer différemment le marché des seuls « bracelets de santé » (capteurs d'activité, qui peuvent donner l'heure : Jawbone, Fitbit, Pebbel, etc.), dont le design a déjà entamé une évolution autonome, et les pures smartwatches, qui ne sont aujourd'hui ni satisfaisantes côté design (encore que la tendance soit à l'amélioration), ni suffisantes côté fonctions connectées – bref, la génération actuelle en est légèrement décevante tellement elles sont peu abouties pour ce qui est de l'esthétique (on n'en vient que très lentement aux codes horlogers), de la compatibilité logicielle, de l'autonomie ou de l'ergonomie (taille de l'écran ou des commandes). D'autant que ces smartwatches subissent déjà la concurrence d'autres options imaginées par d'autres géants de l'électronique (comme les lunettes de Google, sur lesquelles travaillent des marques comme Ray-Ban ou Oakley). Le potentiel de rupture de ces montres connectés n'en est pas moins exposif : qu'on se souvienne de l'arrivée du iPad d'Apple sur le marché encore peu consolidé des tablettes. En quelques mois, le marché s'était reformaté en s'offrant de nouveaux codes et de multiples fonctions. La faiblesse actuelle de l'offre connectée tend à immuniser les horlogers traditionnels contre ces smartwatches promises à une obsolescence et dénuées de toute affinité avec l'univers du luxe : on peut donc admettre que seules les montres à quartz suisses seront impactées. Problème : ces montres à quartz représentent 75 % des volumes de l'horlogerie suisse – autant que la structure pyramidale de cette horlogerie sera impactée à sa base. Il ne serait d'ailleurs que logique d'imaginer que l'offre mécanique d'entrée de gamme sera elle aussi ébranlée par l'offensive des smartwatches. On en revient fatalement à l'estimation précédente de Business Montres : une division par deux des volumes actuels en moins de dix ans. Dimensionnement qui annonce une révolution dans la position relative des marques et des groupes actuels.
 
◉◉ SMARTWATCH (5) : quels sont les atouts des montres suisses dans ce bras de fer contre les inéluctables incursions des smartwatches sur leur terrain ? Un vrai savoir-faire dans le design, une vraie maîtrise de la distribution multi-canaux à une échelle internationale et un bastion inexpugnable, le Swiss Made. Ajoutons, pour les marques haut de gamme, une expérience inégalée des codes du luxe et de l'usage des produits émotionnels et une gestion parfaitement calculée des objets statutaires. Avantages qui permettent de résister un certain temps, mais non d'éviter la submersion. Autant dire que l'avenir est à la prise en compte de ce nouveau style de vie qu'est la connexion de tous à tout et de cette mutation sans doute définitive des comportements : voir une offensive téléphonique là où se développe une explosion de la connectivité, c'est l'erreur stratégique absolue, celle qui se paiera cash à court terme. Ne pas comprendre que le statut passe désormais par la capacité à partager son expérience du monde (être) plutôt que par la démonstration de son opulence transitoire (avoir), c'est se tromper d'écosystème de référence et sortir des cycles de l'évolution naturelle. Les montres seront-elles les coelacanthes de demain ? Totalement dominante voici tout juste un siècle, la montre de poche a migré du costume au poignet en moins de vingt ans, sans révolution technologique : les marques qui ont anticipé (Rolex) sont aujourd'hui au sommet de la hiérarchie ; celles qui n'ont pas compris ne sont plus là pour avoir des regrets...
 
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◉◉ PHILIPPE DUFOUR : comme d'habitude, le « trésor vivant » de la vallée de Joux ne mâche pas ses mots quand il s'agit d'analyser les évolutions de l'horlogerie contemporaine.  Sur Swissinfo, il se lâche pour évoquer les pertes de volume de l'industrie des montres suisses, le renforcement de la concurrence (notamment chez les Allemands) ou le fait que les Suisses se croient seuls au monde, sans se remettre en question. Pour écouter l'interview de Philippe Dufour, cliquez sur ce lien...
 
◉◉ QUELQUES PETITS RIENS SUR UN PEU DE TOUT : sacrés rappeurs ! Ils ne peuvent pas s'empêcher d'aimer tellement les montres – généralement les plus clinquantes – qu'ils usent et abusent des fausses montres, généralement voyantes, ultra-serties et démonstratives. Un site vindicatif (page Instagram : Fakewatchbusta, ci-dessous) s'est fait une spécialité de la dénonciation des vrais rappeurs surpris à porter des fausses montres : FakeWatch Busta publie à la fois les images des montres [apparemment, il n'y en a que pour Audemars Piguet et Hublot, avec un peu de Rolex] et celle des stars du rap qui les portent (ne pas manquer l'interview du chasseur de fausses montres dans Noisey Vice)... ◉◉ DIAMANTS : le diamant bleu « The Blue » (taille poire et couleur Vivid Blue) vendu hier soir 23,8 millions de dollars par Christie's a finalement été adjugé à la maison Harry Winston (Swatch Group), qui le rebaptisera « Winston Blue » comme cela a été annoncé après la vente. C'est le second diamant célèbre acheté aux enchères par Harry Winston, qui pratique ainsi un allègre auction marketing (« marketing par les enchères »), excellent substitut aux campagnes de communication. Cette somme d'un seul diamant, qui équivaut à la totalité de la vente de montres de collections dispersées lundi Christie's, situe bien les futurs enjeux financiersde la bataille mondiale pour la haute joaillerie... ◉◉ PROFITS : 2,067 milliards d'euros (22,7 % de marge opérationnelle) pour le groupe Richemont, c'est très agaçant pour le Swatch Group, qui se « contente » de 1,58 millions d'euros (22,8 % de marge opérationnelle). On comprend mieux ce qui pousse Nick Hayek à se chercher un avenir dans le luxe plus que dans l'industrie... 
 
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 SWATCH GROUP
La cicatrice cuisante et la première fissure...
◉◉ NICK HAYEK SERAIT-IL UN POLY-TRAUMATISÉ DE LA CONNEXION ? Comme tout le monde l'a bien compris, Nick Hayek ayant pris soin de le rappeler lors de l'assemblée générale de ses actionnaires, hier, à Bienne, il est inutile de se faire du souci à propos des smartwatches, à ses yeux dépourvues d'avenir économique. Dont acte. Au cas où, a-t-il rappelé, « le Swatch Group sait faire et cette expérience en la matière se double d'une capacité industrielle de produire tous les composants indispensables à une smartwatch ». Ce qui manque, c'est la volonté d'investir sur ce marché [choix stratégique qui relève de la liberté de l'entrepreneur], mais c'est aussi les logiciels (de base ou dédiés) capables de développer de nouvelles applications pour les futurs objets connectés : là, ce n'est pas une simple question de prise de risque par l'entrepreneur ! Or, c'est le marché du software qui dynamisera (ou non) le marché du hardware connecté : c'est difficile à comprendre pour un « industriel » comme Nick Hayek, mais, bien plus que le produit, c'est bien l'application intelligente, directement reliée à la vie de chacun, qui pilotera la généralisation des outils de poignet connectés. Non seulement, le Swatch Group n'a aucune équipe, ni aucun chantier dans ce domaine, qui ne relève pas de ses métiers horlogers de base, mais Nick Hayek a déjà refusé par principe de traiter de ces questions avec des partenaires américains : « Pas question de nous soumettre à eux ». Un patriotisme méfiant qui condamne le Swatch Group à n'aborder le futur marché des smartwatches qu'avec un an et demi à deux ans de retard. Il est vrai, et Nick Hayek ne s'est pas privé de le répéter face aux 3 000 représentants de son actionnariat populaire, réunis à Bienne pour l'habituel buffet, que le Swatch Group n'a, depuis 1991, que des mauvais souvenirs d'échecs industriels dans le domaine des pré-smartwatches et dans celui des partenariats avec les géants américains de l'électronique (nous parlons de l'heure BMT, de la Swatch Paparazzi, de l'Access et de tous les autres projets pilotés personnellement par Nick Hayek, qui n'avait que le tort d'être pionnier sur des marchés immatures)...
 
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◉◉ ESTHER ET LE ROI DES PERSES ? La nouvelle la plus explosive de cette grand-messe convenue qu'est l'assemblée générale du Swatch Group était peut-être la démission du conseil d'administration d'Esther Grether, 78 ans, qui reste néanmoins la plus importante actionnaire du Swatch Group après la « communauté héréditaire » de la famille Hayek (minoritaire en actions, mais majoritaire en droits de vote). Entrée au conseil d'administration en 1986 à la demande de Nicolas Hayek Senior, Esther Grether en avait toujours été le plus ferme soutien, mais elle ne vouait pas la même admiration à ses héritiers. Ce qui explique en partie un départ un peu précipité, à la veille de ce conseil d'administration, mais la question se serait de toute façon posée pour organiser la propre succession familiale d'Esther Grether, femme d'affaire milliardaire appelée à passer la main. Cette première fissure dans le pacte d'actionnaires qui cimentait le pouvoir au sommet du groupe en annonce d'autres, alors même que le Swatch Group – dont l'actionnariat flottant est très dispersé et dont les principaux actionnaires ne sont pas strictement majoritaires – reste à la merci d'un « ramassage » sauvage opéré par un raider rapace tout comme il peut s'avérer victime d'un investissement plus discret, mais non moins dangereux – dans le goût de la montée en puissance de LVMH dans le capital d'Hermès (22 % au nez et à la barbe non seulement des autorités de la Bourse, mais aussi du bloc familial des actionnaires d'Hermès). Pourquoi le roi des Perses ? Relire la Bible, et notamment le Livre d'Esther (ci-dessous : Esther accusant le roi de Perse, par Eernest Normand, 1915 ; en cartouche, en haut de la page : La toilette d'Esther, de Théodore Chassériau, 1841)... 
 
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