CE N’EST PAS NOUS QUI LE DISONS (accès libre)
« La communication défaillante des marques horlogères » (Joël Duval/Zen, Forumamontres)
Le créateur-administrateur de Forumamontres, premier forum horloger francophone (60 000 membres), pousse un vrai coup de gueule à propos de l’actuelle stratégie de communication de la plupart des marques de montres. Des propos cinglants, qui ne surprendront pas les lecteurs de « Business Montres », mais qui méritaient d’être repris tellement le constat de Joël Duval sonne juste et tellement il fait mal en mettant exactement le doigt là où il faut…
« Appelons un chat un chat, l’horlogerie se casse la figure douloureusement et certains dont je fais partie se sont fait conspuer pour l’avoir annoncé quand personne n’y croyait. Au delà des causes exogènes – Parité du franc suisse – Lutte anticorruption chinoise – montre connectée – attentats terroristes – on peut légitimement se demander si ces motifs ne sont pas un moyen de plus de ne pas reconnaître chez les sachants horlogers des erreurs manifestes qui leur sont propres – Mauvaise gestion des collections – Absence de vision prospective des marchés – Communication d’une pauvreté abyssale – méconnaissance de leur propre maison – gestion financière inexistante – contrôle de gestion absent ou muselé – dépenses somptuaires dans des évènements flattant l’égo des CEO – surévaluation de l’outil de production – négligence des SAV – mépris des clients – Politique de prix abusive etc…
Prenons l’exemple des évènements des marques. Elles tournent avec des listes d’invités qui sont systématiquement les mêmes et dont les maisons horlogères ne se sont pas rendu compte qu’elles ne représentaient plus personne. La presse horlogère est de moins en moins lue, un magazine comme L’Express Montres par exemple est si mauvais que personne n’a même osé parlé ici de sa parution. Les blogs sont si creux pour la plupart que leur lectorat les déserte. Certains forums sont moribonds, artificiellement survivants par des appels aux membres à créer des sujets et/ou à y répondre ! Les sites des marques sont désertés et les pages des réseaux sociaux peinent avec des moyens soutenus à faire au mieux quelques dizaines de like et encore parfois en faisant appel au personnel pour nourrir la chose. Ces soirées d’évènements se transforment ainsi en selfies des invités qui les reproduisent sur leur pages en oubliant de citer les marques invitantes et de montrer les produits. « C’est une vraie catastrophe », confient en privé des attachées de presse dépassées par l’indifférence des habitués de ces soirées. « Si ça continue, disait l’une d’elles, on va payer des allers-retours au bout du monde à des gens qu’on ne verra même pas aux soirées ».
Certains journalistes ou pseudos journalo-blogueurs sont devenus des itinérants sacrifiant leur vie de famille à la griserie des voyages et à une fausse notoriété qui leur amène une reconnaissance sociale que leur métier ne leur apporte pas. Les marques paient et paient encore aux frais des clients qui, de moins en moins dupes, ont cessé d’acheter. C’est un tabou, mais un vrai sujet. On lit de la part de ces journalo-blogueurs des communiqués et articles qui, avec 150 mots de vocabulaire, distillent le contenu de communiqués officiels pauvrets. Il est vrai que les journalistes professionnels ne font pas mieux. On ne connait pas l’histoire des marques, mais on écrit n’importe quoi. Qui ira contredire ? On ne connait pas non plus la technique, mais avec deux ou trois « Intemporel », « Iconique », « Garde temps », on va emballer le sujet. Faire un travail de qualité prend du temps mais à quoi bon, ça se vendra toujours sauf que, cette fois, la machine est enrayée.
Tout le monde ne va pas s’en sortir. Dans les coulisses, les groupes réfléchissent à ne garder que ce qui est rentable. Les reventes se multiplient. Les nouveaux Hayek sont Chinois ou Japonais, car même les banques suisses ne croient plus à l’avenir de l’horlogerie. On fait circuler des études sur l’influence des sites internet pour savoir qui vaut la peine. L’époque du bluff est terminée. Les marques veulent savoir où investir. Mais on ne sait pas qui est derrière ces études et à qui elles profitent vraiment. Difficile aussi de connaître la méthode de calcul. Peu importe, on fonde ses dépenses encore n’importe comment. Mais on veut justifier à tout prix. On négocie les prix d’affichage, on gratte comme on peut. On se dit intéressé pour racheter des sites… Bref, on bricole quand il faudrait être professionnels.
Nos lendemains vont déchanter et il faudra bien finir par rechercher des compétences pour gérer ces maisons horlogères qui ont connu deux décennies de décadence. »
SOURCE : Forumamontres.