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WONDER WEEK 2017 #01 (accès libre)
Le petit manuel de survie genevoise à l'usage des amateurs de salons horlogers (première partie)

Les manufactures de montres invitent de plus en plus fréquemment leurs meilleurs clients et leurs collectionneurs dans des salons horlogers qui étaient autrefois purement professionnels. Le SIHH étant cette année, pour la première fois, ouvert au public, on peut imaginer que de nombreux « amis » des marques et des montres s’y presseront. Quelles sont les règles vitales de la survie en atmosphère horlo-saturée ? Un kit d’urgence proposé par « Business Montres »…


••• APPRENDRE PAR CŒUR LA CARTE DES OPÉRATIONS…

Genève est une grande métropole horlogère. Pendant la Wonder Week de ce début 2017, une grosse soixantaine de marques ont prévu d’accueillir leurs invités pendant la Wonder Week, sur une zone géographique  d’environ 12 km x 8 km (carte ci-dessous) plus ou moins bien desservie par des réseaux routiers et ferrés encombrés, avec des navettes officielles plus ou moins pratiques et un système complexe de limousines privées – sans parler des taxis qui pratiquent en toute légalité l’extorsion de fonds. Températures moyennes entre 0°C et 5°C. Vent dominant : bise glacée et glaçante venue du nord (« bise noire ») assez fréquente en janvier. Facteur climatique aggravant : paralysie catastrophée à prévoir en cas de chutes de neige.

••• PRÉVOIR LES ÉQUIPEMENTS APPROPRIÉS…

Si la cravate n’a plus rien d’obligatoire, à tous les niveaux de hiérarchie, le « casual chic » reste de rigueur, pour les garçons comme pour les filles. Costume ou blouson, tailleur ou petite robe noire, peu importe. On ne disputera pas à Maximilian Büsser (MB&F) le monopole des Converse aux pieds, de même qu’on laissera les Louboutin aux assistantes chef de produit qui veulent faire carrière, mais qui maudissent leurs stilettos statutaires dès 11 heures du matin. La bonne résolution : garder les deux mains libres, une pour le téléphone, l’autre pour porter les multiples sacs griffés que proposent les marques. Prêtes à être dégainées, les cartes de visite sont rangées pour rester propres et facilement accessibles. Si vous n’êtes pas un vieux journaliste, évitez le style reporter à l’ancienne (carnet de note et crayon) : toujours très affairés, les blogueurs galopent dans les allées en groupes compacts encombrés de matériel de prise de vues. Lunettes solaires, écouteurs sur les oreilles et Stetson déconseillés. Quelle montre porter ? Face aux plus belles nouveautés du monde, autant se la jouer modeste, intelligent et cultivé, mais néanmoins cossu : le choix du vintage s’impose, pour ne froisser aucune susceptibilité…

••• SE PRÉPARER À SLALOMER ENTRE BARS ET BUFFETS…

Le vrai problème de ces salons horlogers est de ne pas grignoter tellement les tentations sont nombreuses et toutes en open bar et open restaurant – du moins pour les SIHH, mais les autres salons ne lésinent pas sur le catering ! Il faut être héroïque pour résister à une flûte de champagne tellement les bulles coulent de source : prévoir de fortes concentrations de gamme GT en fin de salon. Au SIHH, les initiés savent que les sushis sont épuisés avant 13 heures : donc, autant passer à table dès 11 h 30, comme de nombreux invités. Les carrés de chocolat suisse sont ravageurs pour le taux de cholestérol HDL. On attend en vain chaque année un festival de dips de légumes frais – sinon de soupes et de bouillons – dans les buffets d’une haute horlogerie qui reste assez éloignée des principes du régime crétois.

••• RÉUSSIR À S’INFILTRER LÀ OÙ C’EST INTÉRESSANT…

La difficulté n’est pas d’accéder aux espaces d’exposition des différentes marques [pour le SIHH, il suffit cette année d’acheter un billet d’entrée], mais de parvenir à y voir quelque chose qui mérite le détour. Ce n’est pas dans les vitrines extérieures des stands du SIHH qu’on peut repérer les nouveautés les plus fortes : elles sont à l’intérieur, dans les salons de vente ! L’offre des marques est d’ailleurs plus déposée qu’exposée : dans ce genre d’événements, la pédagogie d’une communication B2C n’est pas l’axe directeur du merchandising genevois. Les stands eux-mêmes n’ont pas été conçus pour accueillir le grand public, ni même les collectionneurs (seuls, accompagnés ou en groupes), mais pour « traiter » [dans traiter, il y a  « traire »] les détaillants et les médias : dans ces espaces hétéroclites, on risque donc de se bousculer dans un désordre néfaste à la présentation et à la compréhension des collections de l’année. Ce sera encore pire hors du SIHH, où les expositions des marques restent strictement orientées vers une cible « professionnelle » : si vous avez le mal de mer et qu’il y a de la bise, évitez de vous embarquer pour les marques LVMH, à l’ancre quai du Mont-Blanc. L’infiltration haute horlogère est un art difficile sans accompagnateur, ni cicerone (sans fixeur, pour reprendre le jargon des grands reportages) : en effet, une fois les montres les plus craquantes repérées, l’astuce est de parvenir à les essayer pour les sempiternels wristshots et autres selfies (dans la vitrine, tout le monde les mitraillera) : là, c’est une affaire de séduction non pas des hôtesses, mais de cette horde d’assistants qui s’affairent à faire passer les montres de l’année d’un salon à un autre. Bon courage !

••• TROUVER LES BONS MOTS DE PASSE POUR SE FAIRE ACCEPTER…

Les chaises musicales en cours ou à venir ont changé le référentiel des girouettes qui tournent avec le vent. Par exemple, chez Cartier, il y a deux ans, il fallait débiter du « Bernard m’a dit » gros comme le bras pour faire le beau [on parlait de Fornas, pas de Bernard Arnault]. L’année dernière, c’était « Richard m’a dit » [Lepeu regnante]. Cette année, pariez plutôt pour « Cyrille m’a dit » ou, selon votre public, « Georges m’a dit ». Sic transit gloria mundi : les grigris verbaux changent tous les ans ! Ne parlez pas de votre « ami Nick » : tout le monde sait ici qu’il n’en a pas ! Ne demandez pas à Jean-Claude Biver comment va Zenith : il ne le sait pas encore très bien lui-même – et ça l’agace ! Tendez l’oreille au comptoir des open bars situés pile en face de l’entrée des stands : c’est là que les jeunes cadres viennent se rafraîchir pour se raconter quelques savoureuses histoires. Félicitez « Ricardo » pour la ligne qu'il a su conserver [si vous ne savez pas qui est « Ricardo », inutile de vous rendre au SIHH]. Ne manquez pas de vous intéresser aux multiples « huîtres » accrochées autour du grand bar quadrangulaire du Carré des indépendants : même les créateurs qui n’exposent pas au SIHH y passent des heures, en maraude, pour harponner au passage détaillants et journalistes [les prochaines créations sont dans leurs poches]. Ne racontez pas à la cantonade ce que vous venez de lire dans Business Montres : vos interlocuteurs l’auront déjà lu avant vous, à l’heure des croissants et du müesli !

À SUIVRE

••• Les cinq dernières séquences de notre petit manuel de survie genevoise à l’usage des amateurs de salons horlogers (Business Montres du 9 janvier)…


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