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LET'S SWISS AGAIN (#1, accès libre) : Le feuilleton horloger de l'été 2015 – dans les coulisses du marché des montres de collection

À l'exception des personnes et des faits que nous connaissons tous, toutes les ressemblances des personnages ou des situations de cette fiction inactuelle avec les réalités de l'horlogerie contemporaine ne seraient que de fâcheuses, hasardeuses et fortuites coïncidences...  ▶▶▶ LET'S SWISS AGAIN – premier chapitreOù il est question d'un petit déjeuner entre amis dans la Vieille Ville de Genève... À la fois …


À l'exception des personnes et des faits que nous connaissons tous, toutes les ressemblances des personnages ou des situations de cette fiction inactuelle avec les réalités de l'horlogerie contemporaine ne seraient que de fâcheuses, hasardeuses et fortuites coïncidences...

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LET'S SWISS AGAIN – premier chapitre
Où il est question d'un petit déjeuner
entre amis dans la Vieille Ville de Genève...
 
À la fois rond et furtif, distant et empressé, le serveur du Café de l'Hôtel de Ville a passé un coup de torchon rapide sur la table en bois sombre verni et poussé vers moi un plateau de croissants. « Café ? » J'approuve de la tête et j'attaque un croissant sans attendre ma tasse. Ici, je sais que les cafés et les croissants sont bons, à l'heure où les pavés de la Vieille Ville sont encore frais de leur arrosage du matin. Je sais aussi que j'ai le temps : Alessandro sera probablement en retard, quoiqu'il n'ait que cinq minutes de marché à pied depuis l'Hôtel des Bergues, que seuls les touristes appellent le Four Seasons. Il a toujours du mal à se lever le matin, surtout après la nuit d'émotions que nous venons de vivre. Romain ne devrait plus tarder : c'est lui qui a insisté qu'on se retrouve au Café de l'Hôtel de Ville, loin de grands hôtels où logent les collectionneurs et les marchands. Ici, face aux canons de la bourgeoisie de Genève, nous ne devrions pas croiser beaucoup de nos connaissances. Comme prévu, le café est bon et Romain est à l'heure.
J'ai posé le catalogue de la vente d'hier soir sur la table. De son côté, Romain a apporté le sien. Son sourire fait plaisir à voir. « Alors, on est riches ? », me lance-t-il d'un air narquois. Je n'ai pas encore eu le temps de réaliser. Tout ce que je sais, c'est que les vrais problèmes commencent ce matin. Jusqu'à hier soir, tout s'est à peu près bien passé, sauf qu'il y a un peu trop de monde dans la confidence, à mon goût. En plus de nous trois, au moins quatre personnes m'ont semblé avoir flairé la manoeuvre. Sans répondre directement à Romain, je lui lance : « Tu sais, j'ai vu Patrizzi hier soir et il m'a posé de drôles de questions. Je me demande s'il n'a pas compris que nous étions pour quelque chose là-dessous.
– Normal, quand les enchères atteignent de tels sommets, un vieux renard comme Osvaldo ne se laisse pas enfumer, me répond Romain. On le connaît et il connaît tout le monde. Il doit se douter qu'il y a un “truc” pas clair, mais il ne sait pas quoi. Je l'ai croisé à l'exposition : il discutait avec une équipe de gens de chez Rolex qui venaient examiner les montres. Eux non plus n'ont pas compris ce qui se préparait : ils ont laissé quelques ordres d'achat, mais à des prix beaucoup trop faibles. Ils n'imaginaient pas que ça pouvait valoir autant. Patrizzi a repéré quelques pièces qui lui étaient déjà passées entre les mains et il a tiqué sur deux ou trois changements de cadran. Sans pouvoir dire pour autant que la montre n'était pas bonne. Tout de même, onze millions de francs suisses pour une centaine de lots, c'est du jamais vu !
– C'est pour ça qu'il faut se méfier. Grégory Pons aussi m'a posé des questions, l'air de rien, mais j'ai l'impression qu'il a une petite idée derrière la tête. J'ai regardé ce matin tôt, il n'y avait encore d'article dans Business Montres, mais j'espère qu'il va garder ses soupçons de fouille-merde pour lui : quand il s'y met, c'est le sparadrap du capitaine Haddock, impossible de s'en débarrasser. Onze millions, c'est trop et ça va exciter les jalousies autant que les ragots. Sans parler des autres auctioneers. Il faut qu'on bétonne tout. Tu as vu qui a acheté, hier soir ? Nos copains marchands, nos amis collectionneurs, tous persuadés de faire une bonne affaire. S'ils ont des doutes, ça va faire très mal ! Il ne faut surtout pas verser dans le triomphalisme. D'une part, tous les acheteurs n'ont pas encore payé et on ne touchera au mieux notre argent que le mois prochain. Après, on fera les comptes entre nous. Ah tiens, voilà Alessandro. »
Comme toujours quand il entre dans un bistrot, Alessandro attire les regards. Non qu'il soit particulièrement beau, mais il est massif, avec son enbonpoint et sa tête de faune barbu. Dans tous les musées, il y a des statuettes romaines qui lui ressemblent : on se surprend à vérifier sous la table qu'il a pas les sabots fourchus d'un satyre de la mythologie antique. Il n'a pas non plus de flûte de pan, mais sa voix lui suffit : il est capable de vendre à peu près n'importe quoi à n'importe qui, c'est-à-dire n'importe quelle montre, de n'importe quelle marque, à n'importe quel collectionneur. Il lui suffit de parler et on l'écoute. D'abord, parce qu'il en sait beaucoup sur l'histoire des objets du temps et sur les infinies variantes de tel ou telle montre. Ensuite, parce qu'il sait raconter et donner envie aux amateurs d'entrer dans cette légende. On vient s'asseoir devant son bureau pour le spectacle, pour les pièces rares qu'il sort de ses tiroirs, mais aussi pour les flacons de vieux malt qu'il sort de son tiroir, en bas à droite, tous plus rares, plus précieux et plus exceptionnels les uns que les autres. Alessandro nous salue d'un hochement de tête et nous lance aussitôt : « Je viens de croiser Davide Parmegiani et je suis sûr qu'il se doute qu'il y a un twist. Tu as remarqué qu'il n'avait rien acheté hier soir ? Pourtant, il est resté jusqu'à la fin et il a quand même levé son paddle une dizaine de fois, mais sans suivre trop haut. Ça m'étonne de lui, parce qu'il m'avait dit que des collectionneurs lui avaient laissé des ordres d'achat. Ce matin, j'ai vraiment eu l'impression qu'il avait repéré le pourquoi du comment... »
 
 La suite au prochain numéro...
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