LUNDI (accès libre) : Aux enchères, le Sniper a remarqué un peu plus de coups de marteau intelligents et nettement moins de coups de bambou...
Le 12 / 05 / 2014 à 05:00 Par Le sniper de Business Montres - 4530 mots
Cette semaine, on ne parlera pratiquement que des enchères, même s'il est peu probable qu'on y décroche de fantastiques records horlogers : et si les prix sous le marteau avaient vraiment commencé à baisser ?
▶▶▶ ces jours-ci,LE SNIPER A... ▶▶▶ RIGOLÉ
Cette semaine, on ne parlera pratiquement que des enchères, même s'il est peu probable qu'on y décroche de fantastiques records horlogers : et si les prix sous le marteau avaient vraiment commencé à baisser ?
▶▶▶ ces jours-ci,LE SNIPER A... ▶▶▶ RIGOLÉ UN BON COUPde la plus stupéfiante « bouse » horlogère de toute cette session d'enchères genevoises...◉◉◉◉ Et ne croyez pas qu'on exagère ! On se demande d'ailleurs comment ce lot n° 228 de la vente Sotheby's a pu échapper à l'oeil de plus en plus érudit de Geoffroy Ader, qui nous raconte comment cette Rolex Submariner réf. 6205 de 1954 est « la plus rare et la plus recherchée » de tous les modèles de Submariner. Sauf que ce lot a visiblement reconditionné par un faussaire dénué de tout génie : la luminomatière des index et des aiguilles a été jetée à la truelle [il faut le voir à la loupe -, en lumière rasante, pour le croire : l'image ci-dessus n'en donne qu'une très vague idée] après décapage maladroit du cadran, le mot « Turn-O-Graph » du modèle original se lisant encore sous le trait de peinture noire – genre Tippex – qui le recouvre. L'estimation n'en est pas moins élevée : 15 000-25 000 CHF, soit 20 000 euros pour... rien – ni le boîtier, ni la lunette ne s'accordent ! Encore un lot que Sotheby's – qui a pourtant produit ce printemps un de ses meilleurs catalogues de ces trois ou quatre dernières années – s'honorerait de retirer avant l'adjudication, non sans botter au passage les fesses du vendeur... ▶▶▶ REFUSÉ DE PRENDRE LES PARISpour ou contre le retrait de la vente Christie's de la Rolex réf. 6062 à cadran noir et lune bleue...◉◉◉◉ 80 % des collectionneurs et 100 % des vendeurs ont le sentiment – fondé ou non – qu'il s'agit d'un bidouillage, récent ou plus ancien, voire même carrément d'époque. Il n'en reste pas moins vrai que cette Rolex réf. 6062 (lot n° 262) sent le soufre, surtout à l'estimation forte – 500 000-800 000 CHF – qui est la sienne dans le catalogue (interrogations Business Montres du 9 mai). Deux solutions : un retrait pur et simple [moins simple qu'il n'y paraît, en fait, sans doute à cause de la garantie Christie's apportée au vendeur] ou une correction de dernière minute, au moment de la vente – mais, alors, il faut s'attendre à une adjudication qui ne dépasserait guère les 100 000-150 000 CHF, si quelqu'un était tenté, la montre étant tout à fait « bonne » sans ce fatal cadran que la vox populi euro-genevoise estime dépareillé... ▶▶▶ COMPRIS UN STRATAGÈMEd'adjudications auto-valorisantes qui permettentd'expliquer certaines enchères illogiques ou anormales...◉◉◉◉ On pourrait parler d'enchères protectrices ou du moins auto-promotionnelles ! Imaginez un collectionneur ou un marchand qui aurait quelques montres ou réréférences identiques à celles qui sont présentées dans le catalogue d'une des maisons de la place. Si les enchères sont molles et dans le cas où ni la salle, ni les amateurs au téléphone, ni ceux qui passent par Internet, ne semblent décidés à aller très loin, c'est la cote même des références en question qui est menacée – puisque les adjudications sont publiques et font plus ou foi pour établir la valeur marchande d'une montre. Le marchand en question ou le collectionneur avisé ont alors tout intérêt à intervenir pour « pousser » les enchères et susciter des réactions, dans la salle, au téléphone ou en ligne. Le jeu est dangereux, car il s'agit de rester à tout prix sous-enchérisseur final, tout en faisant croire qu'on veut aller loin, mais en craquant au dernier moment : c'est de la pure commedia dell'arte ! Quel que soit le risque, la mise est finalement limitée : au pire, le marchand ou le collectionneur se retrouveront avec deux fois la même référence dans leur coffre-fort. Pas de quoi en mourir, mais la valeur globale de la collection et de toutes ces références sera préservée. Reste à savoir si le commissaire-priseur est ou non complice de ce jeu de rôles – ce qui serait nettement moins éthique... ▶▶▶ RÉAPPRIS LA GÉOPOLITIQUEde l'histoire immédiate grâce aux montres du XIXe siècle..◉◉◉◉ Incroyable de voir à quel point les catalogues horlogers regorgent d'enseignements géopolitiques contemporains. prenez cette montre « Breguet » (lot n° 177 du catalogue Auktionen Dr. Crott : ci-dessous) : une Breguet qui n'est pas tout à fait une Breguet, mais qui était vendue par la réseau Breguet de la Turquie des années 1840, voilà qui rappelle les montres Swiss Made qui ne sont pas vraiment Swiss Made, ni très suisses [même si elles portent la croix] quand elles sont vendues aux Chinois d'aujourd'hui. Ensuite, le décor de cette montre émaillée est une véritable carte géopolitique de l'Est européen plus ou moins ottoman de l'époque. On y reconnaîtra au passage la Crimée et le sud de l'Ukraine, mais aussi l'Ouest syrien, le nord libyen, Israël, le Liban, Chypre, la Serbie, laCroatie, l'Albanie et le Kosovo : soit un excellent résumé de toutes les bombes à retardement et de tous les incendies allumés sous les pieds ou sur les flancs des Européens. On aurait dû conseiller à Barack Obama d'enchérir, pour lui apprendre les tendances lourdes la géopolitique euro-méditerranéenne... ▶▶▶ NOTÉ QUELQUES IN–10–CRÉTIONSà la volée, en bref, en vrac et en toute liberté... ◉◉◉◉ SOTHEBY'S (1) : qui sera dans la salle pour la vente des montres, mercredi ? Apparemment, les grands marchands européens auront déjà quitté Genève, à une ou deux exceptions près, et les collectionneurs seront plus volontiers devant leur ordinateur que dans les salons du Beau-Rivage. Dommage pour Geoffroy Ader : s'il y avait une année où il fallait prouver que Sotheby's peut encore « emballer » une salle et mettre en scène les lots de son catalogue, c'était bien ce printemps, avec un vente Christie's sans Aurel Bacs et un catalogue Antiquorum – lui aussi plus consistant que ces dernières années – réduit à sa meilleure expression. Dommage que Sotheby's ait manqué d'imagination ou de courage en choisissant le mercredi... ◉◉◉◉ SOTHEBY'S (2) : une des montres les plus séduisantes de l'excellent catalogue préparé par Geoffroy Ader est ce lot n° 209 – qui ne sera sans doute pas la montre la mieux adjugée sous le marteau (pas de record à espérer), ni la plus spectaculaire de toutes. C'est simplement un excellent exemple de ce qu'est la « belle horlogerie genevoise » : une montre Vacheron Constantin très soignée, un mouvement compliqué sans excès [cette montre de poche de 45 mm est un des premiers exemples connus des « Heures universelles » imaginées par Louis Cottier] et une indéniable élégance formelle. Notez la maladresse typographique du graphisme – manuel, c'était avant le temps des ordinateurs – des villes de référence pour les fuseaux, qui n'évitent pas la faute habituelle du « m » dans le nom d'Istanbul, qui s'écrit à la française Istanboul... ◉◉◉◉ SOTHEBY'S NEW YORK : regardez bien les quatre montres Patek Philippe en haut de la page, vous ne risquez pas de les revoir de sitôt. d'abord, parce qu'elles seront les vedettes de la vente Sotheby's de New York, le 10 juin prochain. D'autre part, parce qu'il s'agit de pièces uniques, commandées en titane (ou avec un cadran... égyptien pour la montre de gauche) par un collectionneur. Valeur estimée : entre deux et trois millions de dollars. Non représentée sur l'image, mais bientôt disponible pour les lecteurs de Business Montres : une Patek Philippe totalement inconnue, également en titane, dont le fond saphir a été spécialement taillé pour loger un énorme diamant plat (!), détachable et livré en même temps que la montre (estimation : 500 000 dollars)... ◉◉◉◉ AUCTIONEERS : au fait, le mercato est ouvert, tant pour les « experts » qui conseillent les maisons que pour les responsables des départements horlogers de ces mêmes maisons. Questions les plus fréquemment posées : que va devenir Aurel Bacs et où peut-il atterrir ? Où va partir Sam Hines (actuel co-directeur des montres Christie's), dont Business Montres (25 mars) a déjà révélé le prochain départ (agendé pour le mois d'août) ? Quelle nouvelle maison d'enchères va se (re)lancer sur le marché des montres de collection ? De qui parle-t-on pour venir épauler Geoffroy Ader chez Sotheby's ? Que prépare Alfredo Paramico, l'ex-gérant du fonds d'investissement Precious Time, aujourd'hui en hibernation ? Que nous préparent les Davidoff Brothers, décidément très visibles dans les expositions comme dans les salles de cette session d'enchères ? La suite dans nos prochaines éditions... ◉◉◉◉ ANTIQUORUM (1) : la maison d'enchères new-yorkaise, dont les futures activités genevoises restent problématiques [comment Evan Zimmerman passera-t-il l'échéance du 28 avril prochain et sera-t-il obligé de fermer boutique avant de se relancer grâce à un nouvel investisseur ?], présentait ce printemps son meilleur catalogue depuis plusieurs années, avec une offre très ramassée (moins de 3 00 lots, contre près de 600 au cours des années précédentes), très peu de pièces controversées et des prix relativement normaux. Moralité : 5,3 millions de français encaissés et 85 % de pièces vendues – ce qui prouve qu'une bonne sélection des lots en amont n'est pas pénalisant en termes de chiffre d'affaires. Comme les autres auctioneers genevois [sans doute pour mieux profiter en novembre du buzz de l'anniversaire Patek Philippe, qui battra son plein en fin d'année], Antiquorum avait décidé de mettre l'accent sur Rolex, avec des propositions variées, même si les lots gâchés par un prix de réserve trop élevé ont été rapidement « ravalés », alors que les lots plus substantiels, comme le chronographe-calendrier perpétuel Patek Philippe réf. 2499 du lot n° 293 (ci-contre), à peu près sans défauts et dotée de ses papiers d'origine, s'est immédiatement envolé pour atteindre presque le double de son estimation haute (466 000 CHF). Les amateurs qui ont de la mémoire se souviendront néanmoins du temps où une telle pièce, dans le même état, se serait largement adjugée 30 % ou 40 % au-dessus de ce prix : c'est a crise ! ◉◉◉◉ ANTIQUORUM (2) : 201 000 CHF pour l'Indien d'Amérique aux aiguilles en forme de plumes, dans un travail d'émail cloisonné sur platine. Ce lot n° 290 était signé Patek Philippe (réf. 5077) : la montre a été réalisée en 2010 en édition limitée (image en cartouche, en haut de la page). Frais compris, on est au double de l'estimation moyenne... ◉◉◉◉ ANTIQUORUM (3) : 97 300 CHF pour une montre en plaqué or (le double de l'estimation haute) ! C'est déjà un beau record – voire même un record du monde, non ? D'autant que ce boîtier de Seamaster Omega réf. 2767 (lot n° 233 de la vente Antiquorum) n'avait rien à voir avec le cadran en émail cloisonné représentant Neptune et ses chevaux ailés (ci-contre : un travail Stern Frères de 1949, dont on connaît cinq exemplaires bien attestés par les archives de la maison). Superbe – mais pas rarissime – décor dans le goût des années 1940-1950, malheureusement affecté par la petite taille de la montre (34 mm), par le plaqué or et par l'interpolation manifeste de ce boîtier, mais il doit y avoir des enchérisseurs myopes qui ne parlent pas encore la novlangue fourchue des maisons d'enchères [ce problème de boîtier a clairement été évoqué au pupitre]... ◉◉◉◉ ANTIQUORUM (4) : bien estimées par Antiquorum à des prix aussi raisonnables qu'honorables, les différents objets du temps signés Alain Silberstein sont partis sur d'excellentes adjudications. 50 000 CHF pour son tourbillon pionnier en verre saphir double bloc (repérage Business Montres du 5 mars), 6 250 CHF – ce qui est une excellente affaire pour le collectionneur enchérisseur – pour son oiseau-chanteur contemporain « Un oiseau dans la boîte Opus 2 » (coup de projecteur Business Montres du 7 mai) ou 10 600 CHF pour sa pendule murale Bauhaus, dans le style comtoise contemporaine (en haut de la page, sans les poids : lot n° 48 du catalogue)... ◉◉◉◉ ANTIQUORUM (5) : un petit dernier pour la route, avec cette étonnante boîte en argent Rolex, vaguement datée des années 1980 et réputée avoir été réalisée à 50 exemplaires. Ce lot n° 198 de la vente Antiquorum représente une maison ou un hôtel particulier, non identifié quoique de type vaguement londonien (10 cm de long sur 7,5 cm de large). Un objet singulier, qui a été adjugé à 2 250 CHF... ◉◉◉◉ UN PEU DE TOUT SUR PRESQUE RIEN : on ne peut que se féliciter de l'acquisition par le musée Patek Philippe du lot n° 317 de la vente Auktionen Dr. Crott, un chronomètre de marine à la décoration très soignée dont Business Montres (30 avril) estimait récemment qu'il était « un des plus étonnants chronomètres de marine apparus sur le marché au cours de ces dernières années » (ci-contre). Apparemment, l'acheteur du musée – qui a posé 210 000 euros sur la table – était de notre avis, même si le mouvement de cette pièce anglaise n'est pas aussi épatant que sa décoration et que sa notice laisse à désirer côté rigueur historique. Une montre de marine à trois cadrans, gainée de galuchat, qui ne déparera pas à côté d'une autre montre de marine, celle-là révolutionnaire, acquise à la fin de l'année : il s'agit de la pendule marine signée de Huygens, réalisée 60 ans avant les montres de marine de John Harrison, qu'on ne peut donc plus considérer comme l'inventeur des chronomètres de marine (révélation Business Montres du 18 novembre 2013)... ◉◉◉◉ HUBERT SARTON : toujours dans le catalogue Auktionen Dr. Crott, dispersé ce week-end à Francfort, un invendu de taille : la pendule d'Hubert Sarton (lot n° 295), sans doute un peu haute (63 cm) et un peu compliquée (il s'agit d'un régulateur astronomique, jour, date, mois, phases de lune, à sonnerie) pour des amateurs encore peu sensibles à l'horlogerie pionnière d'un Hubert Sarton, le moins étudié des grands maîtres-horlogers du XVIIIe siècle... ◉◉◉◉ JOHANN GEORG MAYR : en revanche, du côté des gloires allemandes du passé, la pendule à projecteur nocturne des heures de Johann Georg Mayr (lot n° 606) a été adjugée au-dessus de son estimation, à 60 000 euros (découverte Business Montres du 29 avril). C'est quand même une des plus incroyables idées horlogères – projeter l'heure sur un mur à l'aide de lentilles paraboliques – jamais imaginées pour pouvoir lire l'heure au coeur de la nuit... ◉◉◉◉ PIERRE-AUGUSTIN CARON DE BEAUMARCHAIS : un peu plus de 3 000 euros pour un cartel Louis XV réalisé par le grand Beaumarchais (celui du Barbier de Séville : Business Montres du 9 mai), c'est un vrai cadeau, qui aura comblé un amateur pas trop regardant sur l'authenticité du cadran et celle du mouvement (lot n° 505 de la vente Auktionen Dr. Crott). Peu importe ! Ce décor d'écaille de tortue verte est magnifique et le contenu « culturel » de la pendule sans équivalent. On espère qu'il s'agit d'un collectionneur français... ◉◉◉◉ JULIEN DRAY : et si l'ex-député socialiste (toujours conseiller régional francilien du PS) reprenait du service dans l'horlogerie ? Il sera désormais le chroniqueur montres du magazine Lui, que dirige Frédéric Beigbeider, présentateur habituel du Grand prix d'horlogerie de Genève. C'est, en dépit de sa réputation, un fin connaisseur de l'horlogerie, comme le prouve le quizz montres auquel il avait été soumis par Thierry Ardisson dans Salut les terriens ! (vidéo ci-dessous). Quel buzz franco-suisse, et même international, si Frédéric Beigbeder parvenait à faire de lui un juré du GPHG !
D'AUTRES SÉQUENCES RÉCENTESDE L'ACTUALITÉ DES MONTRES ET DES MARQUES...